L’occidentalisation n’est pas la modernisation », selon le juriste Josué Pierre-Louis

Sonet Saint-Louis, Avocat

Par Me. Sonet Saint-Louis,

_Au moment où la société traverse une crise juridique, constitutionnelle et politique, l’ouvrage du juriste Josué Pierre-Louis sur les problèmes du droit haïtien et de la nécessité vitale de le reformer, tombe à pic. Un livre à découvrir et en débattre._

Au moment même où les fondements de l’État de droit, les principes démocratiques et la bonne gouvernance sont fortement remis en question, sort cette étude du Dr. Josué Pierre-Louis « La modernisation du droit haïtien, un défi pour l’avenir ». Comme son titre l’indique, ce travail comprenant sept chapitres traite des problématiques et des enjeux de la modernisation du droit en Haïti, un pays qui la prétention d’être une république démocratique. Il ne pourrait pas mieux tomber car Haïti est justement en train de s’engager dans plusieurs réformes, celle du Code pénal et de la procédure pénale.

Ce texte invite les juristes, les législateurs haïtiens à tenir compte des sensibilités historiques et culturelles dans la fabrication du droit. Une véritable œuvre de déconstruction qui démystifie toute un phénomène qui est encore à l’œuvre, celle de la survivance du droit des anciennes puissances coloniales dans les législations des pays autrefois colonisés.

Pour l’ancien garde des Sceaux, il est capital d’adopter une démarche qui tienne compte de notre culture et de notre histoire dans la mise en mouvement du droit. Le modèle importé dénature la réalité locale et nous empêche d’être nous-mêmes. Car, entre les peuples et les sociétés, il existe des différences qui constituent l’élément particulier à partir duquel le droit est né.

Les prétentions universalistes des deux grands systèmes juridiques dominants, le droit romano-germanique et la common law associés à la globalisation néolibérale, ne prennent pas en compte les sensibilités culturelles des peuples. Avec science et art, Me Pierre-Louis fait un diagnostic de l’État d’Haïti depuis sa fondation en faisant ressortir que notre société est toujours en rupture avec le droit importé. Il fait aussi remarquer que la Constitution qu’il qualifie de moderne et d’originale, malgré ses ambiguïtés et ses imprécisions soulignées par les travaux académiques antérieurs de Mme Mirlande Manigat et du Professeur Claude Moïse, n’a jamais été respectée. L’auteur montre comment les dirigeants l’ont systématiquement violée, mise de côté, se servant d’elle comme un menu à la carte. C’est d’ailleurs le sort de toutes nos constitutions et de nos lois.

Ce phénomène ne tient pas seulement au fait que le droit est importé, inadapté et donc incapable de s’insérer dans notre réalité. Il s’agit aussi d’un problème d’éducation des élites dirigeantes et dominantes et de tout un peuple.

Dans cette production qui n’est pas commune, on découvre la préface du professeur Camille Kuyu qui en fait un compte rendu remarquable. Dans ce travail fouillé, minutieux regorgeant de références choisies, de citations trouvailles, c’est tout un plaisir d’aborder cette thèse que le grand public a grand intérêt à découvrir, examiner, critiquer même, bref en débattre.

*Des pistes pour la réforme du droit*
Dans le septième chapitre, l’auteur plaide pour un nouveau régime politique adapté à la réalité haïtienne, un sujet au centre des préoccupations actuelles. Trente-cinq ans après l’adoption de la Constitution de 1987, le manuel de l’énarque donne des pistes pour la réforme du droit et de la Constitution. On attend ce moment où à partir d’une réflexion froide et mûrie, la nation toute entière, à la suite d’un débat participatif et éclairé, se mette d’accord sur un texte qui fait consensus à partir duquel les lois d’application seront élaborées pour remplacer celles qui sont désuètes, obsolètes et inadaptées.

Avec ses deux concepts mobilisateurs, plus qu’un slogan « l’occidentalisation n’est pas la modernisation » -, le spécialiste du droit qu’est Me Pierre-Louis nous exhorte à la prudence face aux conclusions éprouvées dans les cultures qui ne sont pas les nôtres et convie les acteurs des systèmes normatifs haïtiens de sortir de leur paresse intellectuelle et de parcourir les avenues historiques, culturelles, anthropologiques, bref, tout ce qu’exigent les canons des sciences sociales et humaines pour appréhender l’objet droit.

Sous l’influence de la mondialisation, le droit change, les acteurs juridiques se sont démultipliés. Cette réalité influence tout : territoires, souveraineté, économie etc. Malgré tout, le savoir en général, tout comme le droit, ne peut pas se passer des sensibilités culturelles. L’universel, le général, existe certainement mais il n’exclut pas la pertinence des racines locales, donc du particulier. Avec la publication de Me Josué Pierre-Louis, les juristes du monde francophone, plus précisément ceux de l’espace caribéen, africain et latino-américain, également en pleine réforme de leur législation nationale et plus précisément de leur droit constitutionnel, est bien servi. Le résultat de ces années de recherche ne concerne pas seulement la problématique du droit haïtien mais intéresse aussi les sociétés anciennement colonisées. Un apport inestimable. On peut se réjouir de voir le monde juridique et constitutionnel haïtien rempli de gens de haute gamme. Le temps est aux études scientifiques car le regard savant est la voie et la voix qui nous permettent de trouver la vérité que nous cherchons dans la problématique haïtienne tout en tenant compte de la spécificité du contexte du milieu.

Avec cette passionnante publication, Pierre-Louis nous projette dans la post-modernité, en coupant court aux critères de vérité proposés comme universels et imposés par l’occident et fait ressortir la nécessité de tenir compte de nos racines historiques, anthropologiques, linguistiques et culturelles. Le droit authentique est le droit local, dit-il, tout le reste est suspect et frappé de mauvais goût.

Ce chef-d’œuvre place le juriste d’emblée dans la communauté scientifique du monde francophone. Désormais, DrJosué Pierre-Louis est un spécimen rare dont la nation haïtienne dispose qu’on doit pouvoir reconnaître sans complaisance.

Sonet SAINT- Louis av
Professeur de droit constitutionnel, faculte de droit, Université d’État d’Haïti
Professeur de droit des affaires à l’UNIFA
Sous les bambous,
La Gonave, 23 mai 2022
Tel 37978036
Sonet.saintlouis@homail.com.

Au moment où la société traverse une crise juridique, constitutionnelle et politique, l’ouvrage du juriste Josué Pierre-Louis sur les problèmes du droit haïtien et de la nécessité vitale de le reformer, tombe à pic. Un livre à découvrir et en débattre._

Au moment même où les fondements de l’État de droit, les principes démocratiques et la bonne gouvernance sont fortement remis en question, sort cette étude du Dr. Josué Pierre-Louis « La modernisation du droit haïtien, un défi pour l’avenir ». Comme son titre l’indique, ce travail comprenant sept chapitres traite des problématiques et des enjeux de la modernisation du droit en Haïti, un pays qui la prétention d’être une république démocratique. Il ne pourrait pas mieux tomber car Haïti est justement en train de s’engager dans plusieurs réformes, celle du Code pénal et de la procédure pénale.

Ce texte invite les juristes, les législateurs haïtiens à tenir compte des sensibilités historiques et culturelles dans la fabrication du droit. Une véritable œuvre de déconstruction qui démystifie toute un phénomène qui est encore à l’œuvre, celle de la survivance du droit des anciennes puissances coloniales dans les législations des pays autrefois colonisés.

Pour l’ancien garde des Sceaux, il est capital d’adopter une démarche qui tienne compte de notre culture et de notre histoire dans la mise en mouvement du droit. Le modèle importé dénature la réalité locale et nous empêche d’être nous-mêmes. Car, entre les peuples et les sociétés, il existe des différences qui constituent l’élément particulier à partir duquel le droit est né.

Les prétentions universalistes des deux grands systèmes juridiques dominants, le droit romano-germanique et la common law associés à la globalisation néolibérale, ne prennent pas en compte les sensibilités culturelles des peuples. Avec science et art, Me Pierre-Louis fait un diagnostic de l’État d’Haïti depuis sa fondation en faisant ressortir que notre société est toujours en rupture avec le droit importé. Il fait aussi remarquer que la Constitution qu’il qualifie de moderne et d’originale, malgré ses ambiguïtés et ses imprécisions soulignées par les travaux académiques antérieurs de Mme Mirlande Manigat et du Professeur Claude Moïse, n’a jamais été respectée. L’auteur montre comment les dirigeants l’ont systématiquement violée, mise de côté, se servant d’elle comme un menu à la carte. C’est d’ailleurs le sort de toutes nos constitutions et de nos lois.

Ce phénomène ne tient pas seulement au fait que le droit est importé, inadapté et donc incapable de s’insérer dans notre réalité. Il s’agit aussi d’un problème d’éducation des élites dirigeantes et dominantes et de tout un peuple.

Dans cette production qui n’est pas commune, on découvre la préface du professeur Camille Kuyu qui en fait un compte rendu remarquable. Dans ce travail fouillé, minutieux regorgeant de références choisies, de citations trouvailles, c’est tout un plaisir d’aborder cette thèse que le grand public a grand intérêt à découvrir, examiner, critiquer même, bref en débattre.

*Des pistes pour la réforme du droit*
Dans le septième chapitre, l’auteur plaide pour un nouveau régime politique adapté à la réalité haïtienne, un sujet au centre des préoccupations actuelles. Trente-cinq ans après l’adoption de la Constitution de 1987, le manuel de l’énarque donne des pistes pour la réforme du droit et de la Constitution. On attend ce moment où à partir d’une réflexion froide et mûrie, la nation toute entière, à la suite d’un débat participatif et éclairé, se mette d’accord sur un texte qui fait consensus à partir duquel les lois d’application seront élaborées pour remplacer celles qui sont désuètes, obsolètes et inadaptées.

Avec ses deux concepts mobilisateurs, plus qu’un slogan « l’occidentalisation n’est pas la modernisation » -, le spécialiste du droit qu’est Me Pierre-Louis nous exhorte à la prudence face aux conclusions éprouvées dans les cultures qui ne sont pas les nôtres et convie les acteurs des systèmes normatifs haïtiens de sortir de leur paresse intellectuelle et de parcourir les avenues historiques, culturelles, anthropologiques, bref, tout ce qu’exigent les canons des sciences sociales et humaines pour appréhender l’objet droit.

Sous l’influence de la mondialisation, le droit change, les acteurs juridiques se sont démultipliés. Cette réalité influence tout : territoires, souveraineté, économie etc. Malgré tout, le savoir en général, tout comme le droit, ne peut pas se passer des sensibilités culturelles. L’universel, le général, existe certainement mais il n’exclut pas la pertinence des racines locales, donc du particulier. Avec la publication de Me Josué Pierre-Louis, les juristes du monde francophone, plus précisément ceux de l’espace caribéen, africain et latino-américain, également en pleine réforme de leur législation nationale et plus précisément de leur droit constitutionnel, est bien servi. Le résultat de ces années de recherche ne concerne pas seulement la problématique du droit haïtien mais intéresse aussi les sociétés anciennement colonisées. Un apport inestimable. On peut se réjouir de voir le monde juridique et constitutionnel haïtien rempli de gens de haute gamme. Le temps est aux études scientifiques car le regard savant est la voie et la voix qui nous permettent de trouver la vérité que nous cherchons dans la problématique haïtienne tout en tenant compte de la spécificité du contexte du milieu.

Avec cette passionnante publication, Pierre-Louis nous projette dans la post-modernité, en coupant court aux critères de vérité proposés comme universels et imposés par l’occident et fait ressortir la nécessité de tenir compte de nos racines historiques, anthropologiques, linguistiques et culturelles. Le droit authentique est le droit local, dit-il, tout le reste est suspect et frappé de mauvais goût.

Ce chef-d’œuvre place le juriste d’emblée dans la communauté scientifique du monde francophone. Désormais, DrJosué Pierre-Louis est un spécimen rare dont la nation haïtienne dispose qu’on doit pouvoir reconnaître sans complaisance.