Des organisations de la société civile américaine désapprouvent le plan d’intervention militaire internationale en Haïti…

Joe R. Biden Jr, President des Etats-Unis

WASHINGTON, jeudi 3 novembre 2022– Pres d’une centaine d’organisations de la société civile, confessionnelles, humanitaires, de consolidation de la paix et de la diaspora écrivent au président américain Joe Biden pour exprimer leur ‘‘profonde préoccupation concernant le déploiement proposé de la force militaire en Haïti et le soutien de son administration y relatif.

« Nous avons été encouragés de voir dans votre stratégie de sécurité nationale 2022 un engagement à « ne pas utiliser nos militaires pour changer de régime ou refaire des sociétés », et nous vous encourageons à donner suite à cet engagement en Haïti », déclarent les signataires de la correspondance.

Ils se disent parfaitement conscients de la situation désastreuse sur le terrain en Haïti. Près de la moitié du pays est confronté à une grave insécurité alimentaire et à un accès limité à l’eau potable ; le choléra, introduit par les casques bleus de l’ONU il y a plus de dix ans, a rapidement réapparu ; et le carburant – essentiel à la vie de base, y compris la purification de l’eau et la communication électronique – est indisponible ou d’un coût prohibitif.

‘‘Pour aggraver ces problèmes, la violence et l’insécurité ont atteint des niveaux exceptionnels et ont particulièrement touché les femmes, les enfants et les plus marginalisés’’, poursuivent-ils.

Ils soulignent qu’Haïti faisait déjà face à cette crise croissante et multiforme au cours de l’année écoulée, des milliers d’Haïtiens se sont soulelevés pour protester contre la détérioration des conditions de vie ; la mauvaise gouvernance du Premier ministre de facto, Ariel Henry ; et des propositions récentes d’intervention internationale.’’

Ils font remarquer que les principales organisations de la société civile ont également fermement rejeté le déploiement de forces étrangères en Haïti.

« Nous vous écrivons pour encourager une fois de plus votre administration à écouter la société civile haïtienne ; respecter les droits fondamentaux du peuple haïtien à façonner des solutions haïtiennes ; et réévaluer le soutien des États-Unis au Premier ministre de facto Henry, car ce soutien inconditionnel l’a privé de toute incitation à négocier de bonne foi avec ses opposants », selon les signataires de la correspondance à Biden.

‘‘ Nous sommes profondément inquiets que le déploiement d’une force militaire maintenant ne fasse que perpétuer et renforcer l’emprise d’Henry sur le pouvoir, tout en ne faisant pas grand-chose pour améliorer les causes profondes de la crise actuelle’’, déclarent-ils.

Ils encouragent l’administration Biden à réfléchir à la longue histoire des interventions internationales en Haïti et à la façon dont ces actions ont servi à saper les institutions de l’État, les normes démocratiques et l’État de droit.

Selon eux, les interventions précédentes ont eu un lourd tribut humain, notamment à travers le viol, l’exploitation sexuelle et les exécutions extrajudiciaires. Comme l’a prévenu Médecins sans frontières, une telle intervention signifierait “plus de balles, plus de blessés et plus de patients”.

Ils estiment qu’au lieu de soutenir une réponse militaire à la crise multiforme en Haïti, votre administration devrait utiliser une diplomatie robuste pour aider à résoudre la situation, notamment par un soutien impartial à un dialogue politique mené par les Haïtiens.

Ils affirment que l’imposition d’un régime de sanctions des Nations Unies ciblant non seulement les dirigeants des groupes armés, mais aussi ceux qui soutiennent ces groupes par le financement, les armes et les munitions, est une mesure bienvenue mais insuffisante.

Ils estiment que les États-Unis peuvent et doivent aller plus loin dans l’application de la loi américaine sur le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, avec un accent particulier sur les acteurs qui contribuent à la violence.

Ils exhortent également l’administration Biden à mettre fin à toutes les déportations et expulsions vers Haïti et à redésigner Haïti pour le statut de protection temporaire (TPS).

Selon eux, ‘‘au cœur de l’insécurité qui sévit en Haïti se trouve la persistance d’un système politique et économique qui exclut la grande majorité de ses citoyens, soulignant qu’une solution à long terme ne peut être trouvée qu’en s’attaquant à ces dynamiques sous-jacentes d’inégalité et d’exclusion et en s’occupant de la population dans son ensemble.

Ils relèvent que la suppression des subventions aux carburants le mois dernier, demandée depuis longtemps par les donateurs internationaux, a privé les Haïtiens les plus marginalisés du seul soutien concret que leur gouvernement avait fourni.

Ils pensent que les États-Unis devraient encourager l’annulation de cette décision au moins jusqu’à ce que des mesures de protection sociale compensatoires puissent être mises en place et devraient utiliser leur influence au sein des institutions multilatérales pour donner la priorité à la fourniture de services de base dans les quartiers populaires d’Haïti.

Selon les signataires, les États-Unis devraient soutenir le désir de démocratie, de paix et de stabilité économique du peuple haïtien en écoutant la société civile haïtienne et en défendant des solutions dirigées par les Haïtiens, en soutenant la consolidation de la paix et le développement équitable.

« Les fins pacifiques doivent être atteintes par des moyens pacifiques. Nous vous demandons instamment de rejeter l’imposition d’une intervention militaire internationale en Haïti qui ne ferait que perpétuer et renforcer le système antidémocratique responsable des conditions actuelles », déclarent-ils.

 

ORGANISATIONS ET INSTITUTIONS SIGNATAIRES DE LA CORRESPONDANCE AU PRESIDEN BIDEN