Des ex-directeurs généraux du CONATEL accusés d’avoir détourné des fonds du PSUGO, selon des rapports d’audit de la Cour des Comptes…

Vue du Batiment logeant le CONATEL/image d'illustration...

Port-au-Prince, jeudi 17 mars 2022- Il s’agit de plusieurs rapports d’audit de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) concernant la gestion de deux anciens directeurs généraux du Conseil National des Télécommunications (CONATEL), Léon Jean Marie Guillaume et Jean Marie Altéma.

Analysés par la Fondasyon Je Klere (FJKL), ces rapports d’audit relèvent des cas de détournement de fonds dans des dépenses effectués par ces ex-responsables de l’organe régulateur du secteur des télécommunications.

En ce qui a trait a Léon Jean Marie Guillaume, a l’issue d’une audience tenue le 27 juillet 2018 a la Cour, l’Auditorat a révélé dans sa déclaration d’abondance un cas flagrant s’assimilant au détournement des fonds du programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO), fait prévu et puni par l’article 340 du code pénal.

« Il y a lieu pour l’auditorat, le ministère public de la société de produire un mémoire au collège de jugement. Il n’est pas lié bien sûr, et à cette phase, l’Auditorat, sans préjudicier à son avis préalable se réserve de produire un mémoire. Ce sera droit », peut-on lire dans ce rapport.

La FJKL souligne que le CONATEL a collecté de la Digicel et de la Natcom pour le PSUGO pour la période auditée respectivement : Deux milliards six cent quarante-trois millions sept cent cinquante-quatre mille sept cent douze gourdes et 34/100 (2,643,754,712.34 G) et quatre cent trente et un millions deux cent soixante-neuf mille soixante-onze gourdes et 57/100 (431,269,071.57 G).

Ce qui donne un total de trois milliards soixante-quinze millions vingt-trois mille sept cent quatre-vingt-trois gourdes et 91/100 (3,075,023,783.91G.

Dans les montants collectés pour le compte du PSUGO, le CONATEL a dépensé   deux cent vingt et un millions cinq cent cinquante mille cinq cent trente-quatre gourdes et 65/100 (221,550,534.65 G) et deux cent quatre-vingt-cinq mille cent cinquante-cinq et 04/100 dollars américains (285,155.04 $US) ont été dépensés pour la rémunération des services fournis au titre de la lutte contre la fraude téléphonique, rapporte la FJKL.

L’organisation précise également que le CONATEL a engagé la firme BITEK INTERNATIONAL HAITI dans le cadre de la lutte contre la fraude téléphonique.

Le rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif pour l’exercice 2014-2015 indique au « Tableau 23, Liste des marchés validés par la CNMP et enregistrés à la CSCCA : Fourniture et l’opération d’un système de monitoring du trafic national et international de télécommunication permettant d’identifier, de filtrer les appels VOIP / Bénéficiaire, BITEK International Inc ».

Ce projet dont le coût s’élève à onze millions six cent mille dollars américains et 00/100 (11,600,000.00 $US) est financé par des fonds prélevés sur le programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO), écrit la FJKL.

Il était prévu, qu’au terme de ce contrat la firme remettrait la totalité des matériels au CONATEL. Et c’est le principal point de blocage du traitement du dossier au niveau de la CSC/CA, selon la FJKL.

Concernant le cas de l’ex-directeur Jean Marie Altéma dont la gestion a été auditée pour la période allant du 22 avril 2016 au 20 mai 2017, son dossier est aussi au placet de la chambre des affaires financières de la CSC/CA, souligne la FJKL dans son rapport d’analyse.

L’audit de la gestion de M. Altéma, en qui a trait au programme PSUGO, révèle des irrégularités graves, selon la FJKL, telles : absence de proforma au niveau de certaines dépenses engagées ;absence de pièces justificatives pour des dépenses importantes.

Le document fait état de contrat signé avec Bitek international Inc. sans l’autorisation de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) et sans avis de la CSCCA; le contrat est signé de gré-à-gré, mais le CONATEL n’a pas établi qu’au moment de l’ouverture des plis qu’il y avait d’autres firmes invitées à participer à l’appel d’offre ; en outre, pas de correspondance et documents pouvant clarifier l’existence d’autres firmes à avoir participé à l’appel d’offre restreint déclaré infructueux. Pas de correspondance non plus mentionnant le délai de prolongation accordé par le CONATEL aux firmes invitées à y participer. Or, le montant de l’appel d’offre atteignant onze millions six-cent mille dollars américains (11,600,000.00 $US) dépasse le seuil du marché de gré à gré.

Le rapport relève d’autres irrégularités graves dont l’absence du document établissant le mode opératoire du projet fraude géré par « BITEK INTERNATIONAL HAITI ».

Le rapport souligne des irrégularités significatives sur le volet de Fonctionnement pouvant engager sa responsabilité tant personnelle que pécuniaire ; des dépenses d’investissement effectuées sur les comptes courants de fonctionnement ; le document du projet REPARE NÈT? ne contient pas le coût du projet et le rapport total des dépenses liées au projet.

Le conseiller instructeur, Saint-Juste Momprévil, analysant les dépenses faites dans le cadre du programme PSUGO par Jean Marie Altéma parle de « brigandage financier », d’ « acte de complicité sur lequel la justice pénale devrait enquêter » selon la FJKL qui cite le rapport de la Cour des Comptes.

Momprévil relève que le budget du CONATEL a été adopté et exécuté en dehors des normes légales pour l’exercice 2016-2017, lequel budget a totalisé 485,491,780.68 gourdes. Il est financé à partir des ressources propres du CONATEL dont une partie provient des fonds du PSUGO, soit 1,479,925,352.22 gourdes.

Le conseiller instructeur a relevé aussi, affirme la FJKL, l’exécution de certains projets sans planification et pour l’exécution desquels aucun rapport de gestion, n’a été fourni. Il s’agit de : “Karavàn tek tek ” (activité réalisée à Jacmel et aux Cayes), “Repare Nèt” (activité réalisée à Carrefour-Feuilles, Tabarre, Cayes, Martissant et Saint Louis du Nord) ; “Salon de l’économie numérique” tenu à Port-au-Prince.

En guise de conclusion, la FJKL estime que la CSCCA doit se prononcer, dans le meilleur délai possible pour qu’un début d’éclaircissement y soit apporté, prenant ainsi en compte les attentes légitimes de tout le pays et de la diaspora haïtienne fortement concernée dans ces prélèvements pour le compte du PSUGO.

Elle dit épouser la position de l’auditorat dans ses conclusions préjudicielles, car il y a effectivement dans l’espèce : détournement de fonds publics, ce qui doit être réprimé.

La FJKL invite la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif  (CSCCA) à trancher sur ce dossier qui a trop duré.