De nombreuses organisations des droits humains soupçonnent Luis Abinader de vouloir opérer un nettoyage ethnique à travers une campagne de déportation massive d’immigrants haiitiens…

Des haitiens expulses de la Rep. Domionicaine

SAINT-DOMINGUE, mardi 15 novembre 2022– Des organisations dominicaines et internationales de défense des droits humains rejettent la politique de l’administration Abinader consistant à déporter massivement des travailleurs migrants haiitiens de manière arbitraire.

Dans un communiqué, ces organisations dont RECONOCI.DO, MST, MUDHA, UDEMU, CCDH, FLUP et COLESDOM entre autres, notent que ‘‘le président Luis Abinader a réagi violemment à l’exhortation qu’il a reçue au niveau international pour ses violations massives des droits de l’homme contre la communauté immigrée haïtienne.’’

Abinader a menacé d’intensifier les opérations de déportation d’Haïtiens et a publié le ‘‘dangereux décret 668-22’’ qui permet l’expulsion de milliers de personnes qui vivent dans des bateyes sur des terres domaniales depuis des décennies, soulignent les organisations signataires.

« Nous sommes confrontés à une campagne de déportation massive très dangereuse qui pourrait se transformer en une campagne de nettoyage ethnique si la société dominicaine ne fait pas preuve de réflexes démocratiques et ne met pas un frein au gouvernement », déclarent-elles.

Très remontée contre la politique dominicaine en matière d’immigration, les signataires déclarent : « Nous rejetons ces menaces et la recrudescence des persécutions racistes contre les immigrants haïtiens, les dominicains d’origine haïtienne et les dominicains noirs. Nous rappelons qu’environ 200,000 dominicains d’origine haïtienne sont actuellement dénationalisés à la suite du jugement 168-13, et que des milliers d’haïtiens qui ont vécu et travaillé pendant des décennies dans le pays n’ont pas de résidence légale en raison d’une politique délibérée de non-régularisation migratoire appliquées par les gouvernements successifs ».

Elles estiment ‘‘qu’Abinader a aggravé la situation en publiant le décret 668-22 le 11 novembre, dans lequel, il allégué des raisons de sécurité nationale, il ordonne l’expulsion massive d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne qui vivent depuis des décennies dans des bateyes dans les plantations de canne à sucre qui sont des terres domaniales.’’

Elles indiquent ‘‘qu’en plus de priver les anciens travailleurs de la canne à sucre du droit à une pension, le gouvernement menace désormais directement d’appliquer un nettoyage ethnique d’une ampleur jamais vue depuis 1937, soulignant les personnes expulsées seraient définitivement empêchées de retourner sur le territoire dominicain.’’

Selon les signataires, ‘‘compte tenu du fait que le cadre juridique actuel permet déjà de punir les atteintes aux biens et que le décret 668-22 n’apporte rien de nouveau à cet égard, il est évident qu’il s’agit d’un document fondamentalement politique, qui permet l’expulsion des bateyes sur terre appartenant à l’État et aux sociétés sucrières privées.’’

« Au-delà des critiques que nous avons du rôle de l’ONU en Haïti, déclarent-elles, notamment pour l’occupation militaire de la Minustah entre 2004 et 2017, nous sommes aujourd’hui confrontés à une escalade alarmante de la politique raciste et xénophobe du gouvernement dominicain, qui comprend l’appel à une intervention militaire internationale contre Haïti ».

Elles rappellent qu’entre janvier et septembre de cette année, le gouvernement dominicain a procédé à plus de 85 000 expulsions d’Haïtiens, selon les chiffres officiels.

‘‘Le gouvernement dominicain procède à des expulsions massives, y compris la détention arbitraire de femmes enceintes et d’enfants sans la compagnie de leurs parents ou de leurs représentants légaux. La détention arbitraire de Dominicains d’origine haïtienne dans le cadre d’opérations d’immigration est documentée’’, soulignent les organisations.

Elles déclarent que ‘‘la Direction générale des migrations (DGM) viole la Constitution qui établit que les agents qui procèdent à des arrestations doivent s’identifier. Les perquisitions domiciliaires sans mandat sont également courantes. De plus, tous les protocoles binationaux sur la migration sont violés, avec l’expulsion de personnes par des points frontaliers non officiels, à des jours et à des heures en dehors de ceux établis, entre autres violations.’’

« A tout cela, s’ajoutent les extorsions quotidiennes subies par les immigrés et dominicains d’origine haïtienne par la police et les agents de l’immigration, la détention dans des centres insalubres, la surpopulation dans les bus de la DGM, et le vol de téléphones portables et autres biens. Dans certains cas, il y a eu des tortures et des meurtres par des policiers et des agents de l’immigration dans le cadre de ces opérations », dénoncent-elles.

Pour ces organisations, ‘‘la chasse aux Noirs menée par le gouvernement Abinader est une expression du terrorisme d’État contre la communauté immigrée et les Dominicains d’origine haïtienne dénationalisés par l’arrêt 168-13.’’

Elles affirment ‘‘qu’Abinader a mené une intense propagande dans laquelle il décrit la communauté immigrée haïtienne comme un fardeau économique, sachant qu’il s’agit d’une communauté travailleuse qui apporte d’énormes contributions à l’économie et à la société dominicaine, soulignant que l’agriculture, le tourisme, la construction, sont quelques-unes des industries qui reposent sur la surexploitation de la classe ouvrière d’origine haïtienne.’’

Soulignant l’apport des travailleurs migrants haiitiens dans l’exécution des travaux d’infrastructure du gouvernement, elles déclarent que ‘‘la persécution contre la classe ouvrière immigrée haïtienne sert à la maintenir dans des conditions d’extrême précarité et de surexploitation, augmentant les profits des entreprises.’’

Selon elles, ‘‘cette politique autoritaire, anti-démocratique, vicieuse avec les couches les plus vulnérables de la population pour satisfaire l’extrême droite, loin de faire preuve de force est un symptôme de faiblesse. Le président est incapable de donner une réponse publique à l’extrême droite qui appelle au boycott du recensement national, mais il est dur et « patriote » face aux organisations de défense des droits de l’homme.’’

‘‘Il rivalise également dans l’anti-haïtisme avec la droite anti-vaccin, anti-avortement et anti-recensement qui participe avec l’Institut Duartian, une institution d’État, aux marches néo-fascistes, écrivent les organisations qui soulignent que la reconnaissance du statut de réfugié d’un groupe de personnes ne menace pas la souveraineté de la République dominicaine ou celle de tout autre pays.’’

Dénonçant ‘‘une politique publique basée sur des théories du complot racistes et des idéologies néo-Trujillo, elles appellent les organisations démocratiques, antiracistes, féministes et de défense des droits humains dans les Amériques et les Caraïbes à répudier vigoureusement la politique structurellement raciste, de plus en plus autoritaire et violant les droits humains du gouvernement dominicain, en particulier les déportations massives et le décret 668-22.’’

 

 

ORGANISATIONS ET PERSONALITES SIGNATAIRES