PORT-AU-PRINCE, mardi 20 mai 2025 (RHINEWS)– Dans une analyse au ton critique et alarmant, le professeur de droit constitutionnel Sonet Saint-Louis tire la sonnette d’alarme sur le projet de nouvelle constitution élaboré par le Conseil présidentiel de transition (CPT). Il y voit non seulement une démarche illégitime mais aussi un symptôme inquiétant d’un affaiblissement du débat intellectuel en Haïti.
« Il est donc étonnant de constater qu’un CPT, issu de l’ancienne opposition à Jovenel Moïse, sans mandat populaire et largement contesté, dispose de tous les moyens nécessaires pour modifier la Constitution », écrit Saint-Louis, dénonçant un double standard qui, selon lui, donne au CPT le pouvoir d’agir là où le président Jovenel Moïse avait été empêché.
Pour l’universitaire, cette initiative de réforme constitutionnelle n’a pas pour but de résoudre la crise actuelle, mais sert à « dilapider le temps dans l’objectif d’épuiser le délai du 7 février », date prévue pour l’entrée en fonction de nouvelles autorités issues d’élections. Il accuse les membres du CPT de « stratégie de manipulation » alors que « des vies humaines sont perdues, où la faim fait des ravages ».
Se basant sur les premières fuites publiées dans les médias, le professeur évoque un texte qui maintiendrait un système de gouvernance à deux têtes, introduirait une forme hybride de fédéralisme avec des « gouverneurs dans chaque département » et transformerait les sections communales en communes. « Quel génie du bricolage est à l’œuvre dans notre république ? », ironise-t-il.
Il conteste également la pertinence du projet à la lumière de l’analyse économique du droit : « Je doute de l’efficacité opérationnelle de cette loi fondamentale. » Le manque de rigueur et de cohérence du texte constitutionnel est tel, estime-t-il, qu’il cite un professeur de Harvard pour résumer sa pensée : « Ton article n’apporte aucune contribution à la science du droit : il doit être jeté dans la poubelle la plus proche. »
Plus globalement, Sonet Saint-Louis fustige le silence des élites intellectuelles et artistiques face à ce qu’il décrit comme une dérive autoritaire et technocratique. « Où sont passés nos intellectuels, artistes et écrivains, ces voix autrefois courageuses ? Elles se sont toutes tues. »
Il voit dans cette situation le signe d’un effondrement du débat public haïtien : « Ce texte du projet constitutionnel nous montre que notre défaite est avant tout une défaite intellectuelle », affirme-t-il, citant l’historien Marc Bloch.
Enfin, Saint-Louis appelle à une résurgence du courage civique et à une responsabilité accrue des élites. « Notre époque doit être celle du courage et de l’engagement, pour résister face à cette bêtise qui ne doit être qu’une passade », conclut-il.