Position de Me Evens Fils sur le refus manifeste des magistrats de fournir des rapports : Sanctionner et remplacer les magistrats fautifs ou démission du Conseiller

Conseil Superieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ)

Par la présente, il m’échet le devoir de vous informer de ma position sur le refus des magistrats de soumettre régulièrement le rapport de leurs activités en dépit des obligations qui leur sont faites.

En effet, nous sommes dans l’obligation de sanctionner et de remplacer les magistrats qui n’ont pas soumis le rapport de leurs activités. Toutes les mesures ont été prises par le Conseil pour que cela n’arrive pas là. Preuve : une minorité de magistrats soumettent régulièrement leur rapport. Après résolutions, communication circulaire et rappel, il faut passer à l’acte. S’agissant d’une décision collégiale, ma voix ne suffit pas. Je vous en exhorte à agir dans l’intérêt collectif et pour l’amélioration du système judiciaire en Haïti.

Toutefois, vu la gravité des cas déjà examinés et réexaminés en Conseil, si, dans un délai de trois (3) mois au plus, des mesures drastiques ne sont pas prises pour remplacer les magistrats réfractaires, le Conseiller Evens Fils démissionnera de son poste de Membre du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, sous réserve à la FBH d’administrer sa représentation. Au fait, j’ai un mandat de trois (3) ans. A moins d’un an de mon mandat, je n’entends pas cautionner l’intolérable, s’affranchir du fondamental, passer outre à l’essentiel. Les rapports assortis d’une inspection efficace constituent l’épine dorsale du CSPJ. Il en est de même de toute administration du monde entier.  Celle-ci ne saurait survivre sans soumission et examen régulier des rapports produits par son équipe.

Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, dans un circulaire, a demandé aux magistrats de soumettre leur rapport d’activités mensuellement. Une fiche technique de deux à trois pages a été acheminée aux magistrats à cet effet en vue de leur faciliter la tâche. Les magistrats n’ont qu’à remplir la fiche qui indique les détails sur les dossiers traités, copie du registre de pointe par le chef de juridiction et les actes signés des magistrats.

En revanche, quatre-vingt-dix pour cent (90 %) des magistrats ne fournissent aucun rapport. Les fiches ne sont pas remplies et soumises. Ils n’en donnent, sous aucune autre forme, des données sur ce qu’ils réalisent dans les Cours et les Tribunaux. Le CSPJ n’est pas au courant des œuvres et des activités des magistrats. Il n’y a de rapport ni par juridiction, ni par juge, ni par greffe, à l’exception de quelques-uns.

Or, il est mathématiquement impossible et logiquement irréalisable que le CSPJ accomplisse sa mission de contrôle et de discipline s’il n’est pas régulièrement informé de la qualité des actes entrepris par les magistrats. Devant une situation intolérable, il y a deux comportements possibles : 1- Se plaindre en se faisant complice de la situation par intérêt privé simulé; se désolidariser avec le fait reproché au bout de ses efforts soit en y apportant un changement suffisant dans un temps X, soit y en coupant tout lien.  En ma qualité de Conseiller au CSPJ, représentant de la Fédération des Barreaux d’Haïti, j’opte pour la désolidarisation après avoir contribué à la mise en application d’un formulaire de rapport, consacré par une résolution et distribué aux magistrats.

Mais le bilan est fort bien alarmant. Des magistrats ont résolument dédaigné l’obligation des rapports. Quel est l’avenir de la justice et du CSPJ si des juges en constituent les principaux obstacles ? Qu’est-ce que la population peut espérer d’un juge qui n’a aucune notion de reddition de compte, de services publics, d’intérêt collectif et qui s’opposent diamétralement aux injonctions de son autorité administrative et de la loi ?  A quoi peut s’attendre la société civile lorsque personne ne sait quand vient un juge au bureau, quand il ne vient pas, combien d’années il passe aux EtatsUnis, le nombre de décisions il a rendues, le nombre de policiers qui sont en détachement avec lui alors qu’il se trouve en France depuis deux (2) ans et (2) deux véhicules pourrissent dans son garage. Ainsi, les rapports dérangent ! Tandis que d’autres juges honnêtes traversent des dizaines de kilomètres à pied pour une saine distribution de la justice, tandis que des avocats instruits, fougueux et loyaux brament après un poste de juge de siège. Cet imbroglio a trop duré ! Pas question d’y aller lentement, patiemment sur ce qui est élémentaire ! « Bat fè a pandan’l cho a » !

De toute évidence, on ne gère pas un Pouvoir avec des souhaits, mais au moyen des décisions adéquates et ponctuelles. Si le Pouvoir Judiciaire gémit aujourd’hui, c’est simplement parce que les décisions appropriées ne sont pas prises à temps. Grèves et absences récurrentes dans les Cours et les Tribunaux pendant des mois devient consécutivement la règle de plus de trois quart (3/4) des magistrats, greffiers et huissiers. Nos bonnes intentions et non invariables complaintes doivent cesser de remplacer les décisions rationnelles.  Le Pouvoir Judiciaire doit donner le ton et s’attaquer à ses maux les plus sévères sans acception de personne, en toute impartialité et objectivité. Sanctionner certains magistrats et laisser ceux qui ont abandonné les Cours et les Tribunaux est profondément injuste.

Est-il donc nécessaire de rappeler l’utilité des rapports dans la sphère judiciaire ?  Car la justice est régie impérieusement par le principe de la transparence et de la publicité. La justice est un service public. Ce n’est pas une entreprise privée guidée par l’intérêt individuel. En qualité de service public animé par un idéal collectif, le ministre public doit rendre compte de son travail. C’est impératif ! Il y va de l’essence même de la démocratie.

Premièrement, les audiences des Cours et Tribunaux sont publiques. Les citoyens ont droit de recevoir copie/expédition des jugements. Pourquoi le CSPJ ne peut en avoir communication régulièrement bien qu’il en ait fait la demande via un circulaire ? Certains magistrats croyaient que c’était seulement le chef de juridiction qui en avait la charge. Cet argument est un sophisme au premier degré. Car là n’est pas le problème ! D’ailleurs, rien ne justifie cette rhétorique lorsque même des chefs de juridiction ou les greffiers en chef ne soumettent pas régulièrement de rapports. Tout le monde n’est pas obligé d’avoir le même sort par la négligence de l’un. L’essentiel consiste à soumettre régulièrement des données intelligibles capables d’indiquer suffisamment toutes les activités des Cours et Tribunaux. Que ce soit par les chefs de juridiction, que ce soit par les greffes, que ce soit par chaque magistrat à condition que toutes les données exhaustives relatives aux Cours, Tribunaux et aux actes des juges soient acheminées au CSPJ. La forme et le rédacteur de choix importeraient peu.  Mais dans l’état actuel des choses (disparition de registres, inimitié entre les membres d’une administration), il est vivement conseillé que chaque magistrat endosse la charge des données transmises en son nom en attendant la mise en place d’un programme informatique capable de générer automatiquement les rapports. A bien se rappeler :l’évaluation des magistrats est personnelle et non collective.

Qu’entend-on par évaluation ? Puisque nous ne disposons pas, à présent,  d’une définition classique au regard du droit haïtien, faisons un regard sur le droit comparé. « Évaluer », étymologiquement, signifie déterminer la valeur, le prix de quelque chose. Le CSPJ doit déterminer la valeur des œuvres des magistrats. Donc, les œuvres des magistrats doivent être soumises au CSPJ via des rapports.

Sous l’aspect des objectifs assignés aux régimes d’évaluation, les États peuvent être regroupés en trois catégories. Un premier groupe entend contribuer à l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement des juridictions (Chypre, Lituanie, Malte, Pologne). D’autres utilisent plutôt le mécanisme de l’évaluation comme un outil de développement de la carrière de chaque magistrat pris individuellement; (Autriche, Lettonie, Suède). Dans une troisième catégorie, la plus importante en nombre, figurent les États qui, par le biais de l’évaluation des magistrats, cherchent tout à la fois à améliorer les performances de la juridiction prise dans son ensemble et à tester les aptitudes de chacun, notamment dans la perspective de promotions à intervenir (Bulgarie, Croatie, France, Grèce, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Turquie). En Belgique, l’évaluation du magistrat vise aussi la qualité́ de ses prestations, “sans porter atteinte de ce fait à son indépendance et à son impartialité́” (’article 74/7, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat de Belgique). Source : Ministère de la Justice de France, Secrétariat Général, Service des Affaires Européennes et Internationales Bureau du Droit Comparé, Paris, 10  février 2010.

En vue de procéder à l’évaluation d’un magistrat, aucun évaluateur ne part de rien. Sous cet aspect, aucun pays ne se distingue des autres. Les informations de tous ordres sont généralement collectées au sein de la juridiction dans laquelle le magistrat évalué́ exerce ses fonctions et la nature des renseignements sélectionnés est étroitement liée aux buts de l’évaluation, aux critères utilisés.

Loi de 2007 sur le statut de la magistrature, article 36: Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire possède un pouvoir général d’information sur toutes les questions relatives à la Justice, notamment celles qui ont trait à son indépendance et à son mode de fonctionnement.

  1. Décret 22 août 1995, article 69 : Le Président de la Cour de Cassation, celui de la Cour d’Appel, le Doyen, le Commissaire du Gouvernement et chaque Juge sont tenus, avant l’heure fixée pour l’audience, de se faire inscrire sur le registre de pointe. Avant l’audience, ce registre est arrêté́ et signé par le Président de la Cour ou le Doyen ou par le Juge qui le remplace et par le Commissaire du Gouvernement ou son Substitut.
  2. Décret 22 août 1995, article 71 : Tout Juge ou Officier du Parquet, absent d’une audience où sa présence était requise, subira une retenue dont la quotité́ sera déterminée en divisant le chiffre de ses traitements mensuels par le nombre d’audiences qu’il a l’obligation de fournir dans le mois.
  3. Décret 22 août 1995, article 74, alinéa 3 : Est réputé́ démissionnaire le Juge qui, sans un empêchement légitime dûment constaté ou sans un congé, a trois absences non autorisées pendant un mois et ne s’est pas conformé aux dispositions du présent Décret.
5.    Haïti, Décret 22 août 1995, article 72, alinéa 2 : Un extrait du registre de pointe est expédié́ chaque semaine au Ministère
de la Justice, à la diligence du Greffier en Chef. (Maintenant au CSPJ) .

Décret 22 août 1995, article 47 : Il est tenu au Greffe de la Cour de Cassation un Livre de Jurisprudence où sont insérées sommairement les décisions importantes rendues en droit ou en procédure par chacune des Sections ou par les Sections Réunies… Ces arrêts seront expédiés mensuellement par les soins du Président de la Cour au Ministère de la Justice pour être publiés au

Bulletin des Arrêts…

  1. Décret 22 août 1995, article 80: Chaque semaine, les Commissaires du Gouvernement, sous peine de suspension d’abord et de révocation en cas de récidive, adressent au Ministre de la Justice un rapport détaillé́ où ils indiquent les affaires dans lesquelles les dispositions des Sections I et II du Chapitre II ont été́ enfreintes et indiquent les Juges qui ont commis l’infraction.
  2. Loi de 2007 sur le statut de la magistrature, article 58: L’activité professionnelle des Juges et Officiers du Ministère Public fait l’objet d’une évaluation tous les deux ans et dans tous les cas de demande de poste. Cette évaluation est un processus participatif. Elle est intégralement communiquée au Magistrat concerné.
  3. Loi de 2007 sur le statut de la magistrature, article 59: Il est tenu pour chaque Juge et Officier du Ministère Public un dossier administratif individuel. Ce dossier est tenu au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Une copie du dossier est conservée au Secrétariat de l’autorité chargée de l’évaluation et à la Direction des Affaires Judiciaires du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique.
  4. Loi de 2007 sur le statut de la magistrature, article 61: Tout Juge ou Officier du Ministère Public peut contester l’évaluation de son activité professionnelle par la voie d’une note écrite, qui sera jointe à son dossier administratif.

Deuxièmement, c’est uniquement par le rapport que le CSPJ peut contrôler et enrayer la corruption et la sinécure dans son administration. Des magistrats ont abandonné leur poste et se sont installés dans d’autres pays. Des employés ignorent l’adresse du siège du CSPJ. Mais ils continuent à empocher leurs salaires et d’autres privilèges indûment. C’est seulement par le rapport des décisions rendues, le registre des pointes assortis d’une inspection aux fins de vérifications qu’on peut parvenir à assainir la justice émaillée de juges absentéistes et de salariés fictifs. Le rapport précède l’inspection judiciaire. Aucune inspection ne saura superviser toutes les œuvres des magistrats au cours d’une année. Toutefois, l’ensemble des œuvres doit être disponible pour être inspecté à tout moment. D’où l’utilité des rapports.

Évidemment, il ne peut y avoir d’évaluation des magistrats sans rapports. L’évaluation des magistrats est une obligation légale. De surcroit, chaque magistrat doit prendre conscience de la portée des rapports bien avant l’appréciation des plaintes.  L’ensemble des œuvres d’un magistrat est un paramètre fondamental pour que sa carrière ne soit réduite aux caprices du hasard en absence de tout rapport suivi d’évaluation objective.

Et qu’en est-il des promotions et du tableau de cheminement? Qui en a droit ? Comment les magistrats peuvent -ils se défendre des commérages, accusations infondées et farfelues ? Quels en seront les prochains critères de promotion si les magistrats ne sont pas évalués sur la base de leur production dans la sphère publique et la qualité de leurs œuvres ?

L’évaluation est un processus qui se termine dans deux ans et commence chaque jour. Haïti fait partie des rares pays de l’Amérique où les rapports des juges ne sont pas disponibles chaque jour à partir d’un système informatique actualisé en temps réel. Le projet de GICAJ (Système de Gestion des Cas Judiciaires) financé par USAID est un exemple de données actualisées quotidiennement. Le CSPJ demande moins que le GICAJ. Ce système déjà installé dans plusieurs tribunaux en Haïti est capable de fournir chaque jour le rapport de chaque magistrat à condition que toutes les données soient régulièrement saisies. Il peut alerter le retard d’un magistrat dans la réalisation de ses tâches.

Au fait, on ne construit un pays que par l’exemple et non avec des discours pompeux et rébarbatifs. C’est l’unique façon d’établir la stabilité politique et la sécurité sociale en Haïti.  Tout le système d’un pays est tributaire de la qualité de la justice qu’il administre au profit de ses concitoyens.  La politique propose. La justice dispose.

Considérant qu’il est impossible qu’il y ait contrôle à posteriori sans rapport fourni par le contrôlé. Si nous admettons que les inspecteurs du CSPJ ne peuvent être partout simultanément dans les tribunaux et les bureaux des juges et il faut qu’il y ait matière à inspecter ;

Considérant que le Conseil avait pris toutes les mesures nécessaires dont résolution, distribution de circulaire, rappel a été fait aux magistrats, copies des fiches leur ont été distribuées en vue de leur faciliter la tâche bien qu’il s’agisse d’une obligation légale.  Mais la majorité des magistrats s’opposent obstinément à la soumission des rapports ;

Conseiller Evens Fils ne peut pas continuer à recevoir des privilèges au regard de l’inacceptable ;

Considérant l’importance capitale des rapports d’une part ; le refus manifeste des magistrats pour soumettre des rapports régulièrement, d’autre part ;

Considérant que plus de quatre-vingt-dix pour cent (90 %) des magistrats ne fournissent aucun rapport de travail ; Considérant que la fiche de rapport distribuée par le CSPJ est une forme non exhaustive sujette à modification. Que le plus important est la communication des données des Cours et des Tribunaux au CSPJ sur une base régulière ;

 

Considérant qu’il est de principe, en droit, que ce qui n’est pas rapporté dans les formes prévues est réputé n’avoir pas accompli;
 ;  

 

Considérant qu’il est une pratique universelle, dans tous les pays, en vue de procéder à l’évaluation d’un magistrat, aucun évaluateur ne part de rien. Les données constituent des préalables à l’inspection judiciaire ; 

 

Considérant les claires dispositions de l’article 74 du Décret du 22 août 1995, alinéa 3 : « Est réputé́ démissionnaire le Juge qui, sans un empêchement légitime dûment constaté ou sans un congé, a trois absences non autorisées
pendant un mois et ne s’est pas conformé aux dispositions du présent Décret ».  

Considérant qu’il y a lieu d’honorer les magistrats qui ont eu le soin de soumettre leur rapport sachant qu’ils rendent un service public sous les auspices d’une autorité hiérarchique. Que l’histoire retienne les noms des magistrats dignes d’honorariat au milieu du désert des valeurs ;

Vu les textes ci-dessus énoncés faisant obligation aux magistrats de rendre compte ;

Je demande humblement aux très Honorables Membres du CSPJ et au Secrétaire Technique qui se sont montrés à la hauteur de leur tâche à bien des égards (il nous manque une décision historique sans précèdent pour sauver le CSPJ):  ü De dresser la liste des juridictions et des magistrats n’ayant pas soumis de rapport ;

  • D’accorder un délai de trois mois à ces magistrats afin de soumettre le rapport des trois dernières années dans la magistrature ;
  • Faire de GICAJ une obligation nationale au niveau de la justice ; ü De sanctionner les magistrats qui refusent de soumettre leur rapport au terme des trois mois (sauf pour les cas de force majeure dûment constatés) ; puis, procéder immédiatement à leur remplacement.  Les remplacer est le moindre qu’on puisse faire. Car certains cas requièrent la mise en mouvement de l’action publique contre des magistrats.

 

Somme toute, si au bout de ces trois mois, les magistrats ayant manqué à leur devoir de reddition de compte ne sont
pas sanctionnés et remplacés, je remettrai ma démission, sous réserves à la FBH d’administrer sa représentation.  En

outre, chaque employé du système judiciaire doit soumettre également un rapport de ses activités pour les trois dernières années. S’il résulte néant ou quasi-néant de l’examen d’un rapport, le magistrat ou l’employé doit être immédiatement remplacé après l’avoir entendu (sauf cas de force majeure incontestable). De même, aucune décision ne doit être prise contre un magistrat, si celui-ci n’a pas été entendu préalablement par le Conseil sur les reproches à lui adressées et non pas par un inspecteur. Si le rapport fait montre d’une réalisation judiciaire présumée suffisante, il sera procédé à la vérification quantitative et qualitative du rapport, via l’inspection judiciaire.

Au fait, on aura beau se plaindre, critiquer, se montrer de bonne foi. Mais si on accepte un mal chronique, on ne réagit pas en proportion adéquate, on est coupable du crime. On a une obligation de résultats et non de moyens. Si après maints discours, le mal prévaut et la funeste réalité prédomine, nous en sommes responsables.  Aux grands maux, les grands remèdes !  Le pays ne manque pas de volonté et d’idées, mais le pays fait face à une carence de décisions rationnelles, urgentes et d’un leadership responsable.

Nous savons que les chefs de juridiction refusent de soumettre le registre de pointe pour qu’on puisse vérifier la présence des magistrats dans les Cours et les Tribunaux. Combien de copies de registre en disposons-nous à cette date ?  Nous savons tous qu’il existe de nombreux juges qui résident aux Etats-Unis, Canada, France depuis trois à cinq ans et qui ne se présentent jamais aux Tribunaux. Pourtant, ils reçoivent chaque mois leur salaire et leurs indemnités notamment des frais de carburant. Le refus de faire déduit de l’absence répétée de rapport est un motif suffisant pour décider dans tous les pays du monde. En droit, tout ce qui n’est pas rapporté dans ses formes régulières est censé n’avoir pas été fait. Bref, nous en savons assez ! Si on se servait des rapports ou des non-rapports, en un seul mois, on aurait pu éradiquer ce cancer et parvenir à la réforme du siècle !

Par-dessus tout, pour la vérité et pour l’histoire, dans une administration collégiale, il existe deux catégories de décisions. Les décisions relatives aux principes fondamentaux et les décisions de fait. Quant au dernier, c’est le principe de la majorité qui prévaut. Et la minorité doit accepter la voix de la majorité, me rappelle l’Honorable Conseiller Nader. C’est ce qui s’est toujours passé entre les dignes Membres du Conseil.  Mais quant aux principes fondamentaux incontournables, la voix de la majorité ne compte pas, a marmonné l’Honorable génie et intrépide Conseiller Durin. Car il n’y a pas lieu à débattre sur les principes de droit. Ils ne peuvent être objet d’ordre du jour.

En définitive, à l’instar d’un expert-comptable auditeur qui ne trouve, dans une administration, aucun document comptable, le CSPJ ne peut rien contrôler sans rapport des magistrats, des Cours et des Tribunaux. L’inspection ne peut rien inspecter sans document de référence (de principes ou de fait). Le déficit de rapport régulier remet en question l’objet et l’existence même du CSPJ. L’ Honorable Conseiller et écrivain Wando n’en disconviendra guère, estimé-je.

Dans l’espoir que le Conseil relèguera au rapport sa place prépondérante et indispensable dans le processus de contrôle en prenant les mesures qui s’imposent (pour nous hisser à la dimension d’homme d’Etat par emprunt des termes de l’Honorable Conseiller Carvès), le Conseiller Evens Fils aimerait bien continuer à servir le pays en collégialité, mais dans des conditions d’actions acceptables.

J’ai beau parler à cor et à cri de la place dominante et essentielle des rapports au point de croire que, sans apprécier un ensemble de rapports, on ne peut trancher sur le sort d’aucun magistrat. Tout acte du CSPJ relatif aux Cours et Tribunaux est d’abord subordonné à l’appréciation des rapports des magistrats. D’abord et toujours. Donc, sans rapport, le CSPJ ne saurait agir convenablement. Et si c’est seulement à chaque plainte qu’on sollicite un rapport, on devient un Pouvoir-pompier qui ne peut rien prévoir.

Sans l’ombre d’un doute, le travail déjà réalisé est noble, très Chers Conseillers. Vous, personnellement, avez compris ce concept et son application. Mais un défi incontournable et un choix fatidique s’imposent : sanctionner équitablement ceux qui refusent l’autorité des rapports, et par ricochet, ceux qui s’opposent à la mission régalienne du CSPJ : contrôler, discipliner, administrer la justice.