Les troupes kenyanes ne sont pas la solution…

Jean-Garry Denis, directeur executif de l'INHOPP...

Par Jean-Garry Denis,

 « Un peuple qui n’apprend pas les leçons du passé est condamné à le revivre ».

CAP-HAITIEN, lundi 7 août 2023– Ces paroles souvent utilisées par les historiens doivent guider le comportement du peuple haïtien  sur l’envoi potentiel d’une force multinationale en Haïti apres  l’annonce du Kenya de prendre la tête de cette force  selon un communiqué du Ministère kényan des Affaires étrangères.

Ce pays s’est engagé à déployer un contingent de 1 000 policiers pour aider à former la police haïtienne, rétablir la normalité et  protéger les installations stratégiques. Le déploiement se cristallisera une fois qu’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU sera obtenu et que d’autres processus constitutionnels kenyans auront lieu.

En effet, le Secrétaire d’Etat Américain, Anthony Blinken  déclare que des progrès sont réalisés dans le déploiement de cette  force pour  Haïti. Pour sa part  le Président Dominicain, Luis Abinader déclarait que  ses efforts ont  porté  fruits avec l’annonce du Kenya.

Depuis l’assassinat du Président Jovenel en juillet 2021, le  Core Group a tout manigancé pour  perpétuer la crise et nous amener à ce point de non retour. Ils ont combattu tous les efforts nationaux de consensus pour soutenir de manière inconditionnelle un pouvoir corrompu dont les officiels sont impliqués dans des actes de kidnapping, ventes illégales d’armes, trafic de stupéfiants, etc.

Malheureusement, les observateurs peu informés  de la réalité et sujets aux effets de fatigue de cette crise, considèrent l’envoi de cette force comme  une opportunité de solution.

Dans ce cadre, les personnes qui affichent  une  position critique sur cette initiative  sont taxées d’utopistes,  d’irresponsables et faux nationalistes. De toute façon, les haïtiens en grande majorité  souhaiteraient  plutôt l’établissement d’une coopération dynamique et  fonctionnelle pour professionnaliser les forces de sécurité, car les démarches pour aboutir à cette  force n’apportent aucune garantie de  solution durable et échoueront comme les précédentes pour les raisons suivantes :

  • Une crise fondamentalement systémique

Haïti fait face a une  crise de développement depuis 1957 avec l’avènement au pouvoir de  la dictature des Duvalier qui  a hérité une période relativement prospère connue  comme l’âge d’or de l’économie haïtienne. A l’époque, Haïti était une perle brillante des Antilles et  était classée  en tête de liste en matière d’attractions touristiques dans la zone, avec Cuba en 2ème position».  A cette époque, Cap-Haitien abritait le plus grand magasin de la Caraïbes et constituait un carrefour international pour les iles anglaises.

Dans l’agro-industrie, de nombreux  efforts d’investissements étaient en branle. La culture était à son apogée et la diplomatie jouissait avait un écho favorable durant la période de  décolonisation des pays africains.

Duvalier a systématiquement combattu  l’élite créole et les a  contraints à l’exil.  Il a plutôt octroyé de privilèges et monopoles à de nouveaux acteurs économiques (les levantins) qui n’ont su réaliser aucun investissement productif majeur. Il fallait combattre l’élite créole pour ses prétentions politiques et ses liens avec la réalité nationale.

L’absence d’investissements et l’ingérence étrangère avec 2 interventions armées ont sapé les bases économiques de l’Haïti Post Duvalier. Les politiques néolibérales ont  totalement  détruit  les vestiges de la production nationale au point que Bill Clinton a exprimé des regrets pour la destruction du secteur rizicole. Avec Martelly  au pouvoir, on a assisté au renforcement d’un système d’exclusion maintenu par les politiciens et l’oligarchie corrompue à travers une économie de violence et tous ses corolaires de corruption,  détournements de fonds publics,  trafic de drogues,  soutien aux bandes armés, etc.

Toute solution durable doit nécessairement passer par la destruction de ce système pourri.  Malheureusement, cet agenda n’est pas a l’ordre du jour des les fora  internationaux.  L’intervention armée est présentée comme une panacée dans l’objectif de convertir le  pays en une  République d’ONG.  Naturellement qu’on veut nous accorder dans le système international.

2-    L’ingérence du Core Group

Les ambassadeurs du Core Group sont les personnalités les plus puissantes de  la politique haïtienne  durant ces 30 dernières années. Leurs décisions sont sans appel et  n’ont rien à envier des Fatwas Religieux. Ils ont le pouvoir d’annuler  les résultats des élections pour en  proclamer  leurs vainqueurs, ils  imposent des politiques commerciales quitte à détruire votre production nationale, ils soutiennent des fédérations de bandits, ils nomment les plus hautes autorités de l’état a travers les réseaux sociaux, etc.,  pour finalement  vous accuser d’irresponsables quand tout va mal.

L’ingérence  étrangère en Haïti a démontré ses limites et n’a produit que le chaos, la misère et la pauvreté. Dans ce cadre, Haïti doit récupérer sa souveraineté et dégager un consensus  national.

3-    Support au gouvernement

La population a une perception nettement négative  du projet d’intervention  pour le support inconditionnel du Core Group à Aryel Henry.

Des observateurs font ressortir  ses liens avec l’assassinat du Président Moise. De ce fait, il est invité à se présenter pour être auditionné par  la justice. Fera-t-il obstruction?  se présentera-t-il  au tribunal  comme un  justiciable ordinaire? Attendons voir.

Le pays fait face à une  grave crise d’insécurité alimentaire et un taux d’inflation de plus de 52%. Le climat sécuritaire s’est nettement détérioré avec des officiels soupçonnés de complicité avec les bandes armés. Le mouvement d’autodéfense populaire *Bwakale* qui a fait reculer les bandits et diminuer le  Kidnapping a été adroitement combattu par le pouvoir. En plus,  la population estime que sans un consensus durable, le pouvoir sortira renforcer de son agenda de plonger le pays dans un nouveau cycle de chaos à travers de fausses élections.

4-    La réalité de la police kenyane

A travers les réseaux sociaux et la presse, les haïtiens émettent  de sérieux doutes sur le Kenya pour assurer le leadership d’une telle mission :

  • Cette police a une renommée de violence et de brutalité avec les citoyens dans son propre pays
  • Le climat sécuritaire n’est pas aussi agréable au Kenya qu’on le pense. A preuve les américains ont émis des avertissements pour décourager ses citoyens de visiter ce pays

La Position de la République Dominicaine :

Nous étions surpris de voir la réaction de joie des autorités dominicaines sur l’annonce du  Kenya de prendre la tète dune Force Multinationale comme si le problème était strictement d’ordre militaire. De par ses intérêts stratégiques et les répercussions sur  la crise migratoire, la Republique Dominicaine, après Haiti est le pays qui aurait du manifester beaucoup plus de soucis pour une solution durable pour les retombées négatives de la crise sur son sol. Malheureusement, elle  préfère s’aligner  sur les positions du Canada et des Etats Unis  qui ont démontré leurs limites  durant ces 30 dernières années en Haïti.

On a l’impression que des secteurs « Nationalistes » qui ont historiquement construit leur capital politique sur l’antihaitianisme  sont toujours à la recherche constante de cet élément pour alimenter leurs discours. Qui sait ? La position dominicaine tablerait sur une détérioration de la situation. Dans ce cadre, la vague déferlante des refugies haïtiens sur la frontière constituerait un produit juteux pour alimenter le marché électoral dominicain de discours haineux, populistes et antihaitiens dans le cadre des élections de mai 2024.

Conclusion

Nous nous ne cherchons a nous  verser  dans aucune forme de nationalisme de pacotille pour  nier l’impérieuse nécessité d’une  coopération productive, fonctionnelle des forces de sécurité haïtienne avec la communauté internationale pour ramener la paix et combattre les bandes armés. Mais sans une  gouvernance responsable pour ranimer la confiance  et sans une velléité pour renforcer les institutions, nous allons répéter les mêmes erreurs.

Par Jean-Garry Denis,

 « Un peuple qui n’apprend pas les leçons du passé est condamné à le revivre ».

CAP-HAITIEN, lundi 7 août 2023– Ces paroles souvent utilisées par les historiens doivent guider le comportement du peuple haïtien  sur l’envoi potentiel d’une force multinationale en Haïti apres  l’annonce du Kenya de prendre la tête de cette force  selon un communiqué du Ministère kényan des Affaires étrangères.

Ce pays s’est engagé à déployer un contingent de 1 000 policiers pour aider à former la police haïtienne, rétablir la normalité et  protéger les installations stratégiques. Le déploiement se cristallisera une fois qu’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU sera obtenu et que d’autres processus constitutionnels kenyans auront lieu.

En effet, le Secrétaire d’Etat Américain, Anthony Blinken  déclare que des progrès sont réalisés dans le déploiement de cette  force pour  Haïti. Pour sa part  le Président Dominicain, Luis Abinader déclarait que  ses efforts ont  porté  fruits avec l’annonce du Kenya.

Depuis l’assassinat du Président Jovenel en juillet 2021, le  Core Group a tout manigancé pour  perpétuer la crise et nous amener à ce point de non retour. Ils ont combattu tous les efforts nationaux de consensus pour soutenir de manière inconditionnelle un pouvoir corrompu dont les officiels sont impliqués dans des actes de kidnapping, ventes illégales d’armes, trafic de stupéfiants, etc.

Malheureusement, les observateurs peu informés  de la réalité et sujets aux effets de fatigue de cette crise, considèrent l’envoi de cette force comme  une opportunité de solution.

Dans ce cadre, les personnes qui affichent  une  position critique sur cette initiative  sont taxées d’utopistes,  d’irresponsables et faux nationalistes. De toute façon, les haïtiens en grande majorité  souhaiteraient  plutôt l’établissement d’une coopération dynamique et  fonctionnelle pour professionnaliser les forces de sécurité, car les démarches pour aboutir à cette  force n’apportent aucune garantie de  solution durable et échoueront comme les précédentes pour les raisons suivantes :

  • Une crise fondamentalement systémique

Haïti fait face a une  crise de développement depuis 1957 avec l’avènement au pouvoir de  la dictature des Duvalier qui  a hérité une période relativement prospère connue  comme l’âge d’or de l’économie haïtienne. A l’époque, Haïti était une perle brillante des Antilles et  était classée  en tête de liste en matière d’attractions touristiques dans la zone, avec Cuba en 2ème position».  A cette époque, Cap-Haitien abritait le plus grand magasin de la Caraïbes et constituait un carrefour international pour les iles anglaises.

Dans l’agro-industrie, de nombreux  efforts d’investissements étaient en branle. La culture était à son apogée et la diplomatie jouissait avait un écho favorable durant la période de  décolonisation des pays africains.

Duvalier a systématiquement combattu  l’élite créole et les a  contraints à l’exil.  Il a plutôt octroyé de privilèges et monopoles à de nouveaux acteurs économiques (les levantins) qui n’ont su réaliser aucun investissement productif majeur. Il fallait combattre l’élite créole pour ses prétentions politiques et ses liens avec la réalité nationale.

L’absence d’investissements et l’ingérence étrangère avec 2 interventions armées ont sapé les bases économiques de l’Haïti Post Duvalier. Les politiques néolibérales ont  totalement  détruit  les vestiges de la production nationale au point que Bill Clinton a exprimé des regrets pour la destruction du secteur rizicole. Avec Martelly  au pouvoir, on a assisté au renforcement d’un système d’exclusion maintenu par les politiciens et l’oligarchie corrompue à travers une économie de violence et tous ses corolaires de corruption,  détournements de fonds publics,  trafic de drogues,  soutien aux bandes armés, etc.

Toute solution durable doit nécessairement passer par la destruction de ce système pourri.  Malheureusement, cet agenda n’est pas a l’ordre du jour des les fora  internationaux.  L’intervention armée est présentée comme une panacée dans l’objectif de convertir le  pays en une  République d’ONG.  Naturellement qu’on veut nous accorder dans le système international.

2-    L’ingérence du Core Group

Les ambassadeurs du Core Group sont les personnalités les plus puissantes de  la politique haïtienne  durant ces 30 dernières années. Leurs décisions sont sans appel et  n’ont rien à envier des Fatwas Religieux. Ils ont le pouvoir d’annuler  les résultats des élections pour en  proclamer  leurs vainqueurs, ils  imposent des politiques commerciales quitte à détruire votre production nationale, ils soutiennent des fédérations de bandits, ils nomment les plus hautes autorités de l’état a travers les réseaux sociaux, etc.,  pour finalement  vous accuser d’irresponsables quand tout va mal.

L’ingérence  étrangère en Haïti a démontré ses limites et n’a produit que le chaos, la misère et la pauvreté. Dans ce cadre, Haïti doit récupérer sa souveraineté et dégager un consensus  national.

3-    Support au gouvernement

La population a une perception nettement négative  du projet d’intervention  pour le support inconditionnel du Core Group à Aryel Henry.

Des observateurs font ressortir  ses liens avec l’assassinat du Président Moise. De ce fait, il est invité à se présenter pour être auditionné par  la justice. Fera-t-il obstruction?  se présentera-t-il  au tribunal  comme un  justiciable ordinaire? Attendons voir.

Le pays fait face à une  grave crise d’insécurité alimentaire et un taux d’inflation de plus de 52%. Le climat sécuritaire s’est nettement détérioré avec des officiels soupçonnés de complicité avec les bandes armés. Le mouvement d’autodéfense populaire *Bwakale* qui a fait reculer les bandits et diminuer le  Kidnapping a été adroitement combattu par le pouvoir. En plus,  la population estime que sans un consensus durable, le pouvoir sortira renforcer de son agenda de plonger le pays dans un nouveau cycle de chaos à travers de fausses élections.

4-    La réalité de la police kenyane

A travers les réseaux sociaux et la presse, les haïtiens émettent  de sérieux doutes sur le Kenya pour assurer le leadership d’une telle mission :

  • Cette police a une renommée de violence et de brutalité avec les citoyens dans son propre pays
  • Le climat sécuritaire n’est pas aussi agréable au Kenya qu’on le pense. A preuve les américains ont émis des avertissements pour décourager ses citoyens de visiter ce pays

La Position de la République Dominicaine :

Nous étions surpris de voir la réaction de joie des autorités dominicaines sur l’annonce du  Kenya de prendre la tète dune Force Multinationale comme si le problème était strictement d’ordre militaire. De par ses intérêts stratégiques et les répercussions sur  la crise migratoire, la Republique Dominicaine, après Haiti est le pays qui aurait du manifester beaucoup plus de soucis pour une solution durable pour les retombées négatives de la crise sur son sol. Malheureusement, elle  préfère s’aligner  sur les positions du Canada et des Etats Unis  qui ont démontré leurs limites  durant ces 30 dernières années en Haïti.

On a l’impression que des secteurs « Nationalistes » qui ont historiquement construit leur capital politique sur l’antihaitianisme  sont toujours à la recherche constante de cet élément pour alimenter leurs discours. Qui sait ? La position dominicaine tablerait sur une détérioration de la situation. Dans ce cadre, la vague déferlante des refugies haïtiens sur la frontière constituerait un produit juteux pour alimenter le marché électoral dominicain de discours haineux, populistes et antihaitiens dans le cadre des élections de mai 2024.

Conclusion

Nous nous ne cherchons a nous  verser  dans aucune forme de nationalisme de pacotille pour  nier l’impérieuse nécessité d’une  coopération productive, fonctionnelle des forces de sécurité haïtienne avec la communauté internationale pour ramener la paix et combattre les bandes armés. Mais sans une  gouvernance responsable pour ranimer la confiance  et sans une velléité pour renforcer les institutions, nous allons répéter les mêmes erreurs.