Les opportunités de nos malheurs

Ancien colonel Himmler Rebu, dirigeant du GREH

Par Himmler Rebu,

Port-au-Prince, dimanche 29 aout 2021– L’été 2021 aura été particulièrement rude pour le peuple Haïtien. Des malheurs chargés pourtant d’enseignements. Et, si nous savons nous y prendre, d’opportunités.

L’assassinat du président

Le 7 juillet le président “de fait” Jovenel Moïse est assassiné avec une rare violence dans sa chambre en présence de son épouse qui nous dit avoir fait le mort pour survivre à la tragédie. Ce drame nous a révélé que Jovenel Moïse était vraiment un homme seul. Abandonné de *tous*. Ceux qui pensent pouvoir exploiter son cadavre à des fins politiques tentent de faire du président défunt un saint. Évidemment personne n’y croit. Jovenel Moïse a tout essayé dans la panoplie des irrégularités et violations des normes humaines, sociales, économiques et…politiques. Bien avant d’être président et, surtout pendant sa présidence. Il a touché à tout ce qui, en dehors des normes, pouvait le faire “devenir quelqu’un”. Il a choisi les mauvaises voies et, il en a payé, lourdement, le prix. À l’instant fatidique, de nombreuses femmes auraient protégé de leur corps un amour de vingt-cinq ans et embrassé la mort avec. La vérité est que Corneille et Shakespeare ne sont plus…leur morale et leurs enseignements non plus.

La leçon de l’histoire de cet épisode est qu’il faut user de tout sans en abuser. Aux menteuses et menteurs qui crient justice pour Jovenel Moïse…je ne vous fais pas cas. Dans la meilleure des options…bon appétit !

Incompréhensible !  Comment peut-on arriver jusqu’à la chambre à coucher d’un président avec des intentions hostiles sans laisser des cadavres sur son parcours ? Comment pouvoir entrer dans la chambre à coucher d’un président qui se sait menacé au point d’avoir, de longues minutes avant sa mort, fait appel à tous les renforts possibles. Professeur de tactique et d’opérations spéciales pendant de longues années, plus j’y pense, plus mon scepticisme s’accroît. Qui d’autre est tombé à part le président ?  Dans sa chambre !? Non mille fois non. Il y a forcément une duperie. Surtout pour un homme “tête brûlée” ayant touché à de nombreux dossiers questionnables !

Il y a, là, matière à réflexion pour ceux-là qui ne rêvent que de ce brûlant fauteuil bourré.  Que Dieu les inspire et leur vienne en aide !

Constats :

1.- Le roi est mort…vive le roi

La mort du mal aimé Jovenel Moïse nous révèle que ceux-là qui ont bataillé pendant plus de trois ans pour le faire chuter n’avaient aucune idée sur comment le remplacer si vrai que même mort, son fauteuil attend désespérément le futur brave. C’est que, pendant ses quatre ans de gestion du pouvoir le bonhomme s’est appliqué à détruire tous les repères institutionnels de la République. Pour une victoire dans le mal, c’est un sans-faute absolu. Du pain béni pour Washington qui nourrit une haine féroce contre Haïti, haine vielle de plus de deux siècles.

Le déficit de repères, maintenant, d’idées et de méthode sont si criants qu’on est installé maladroitement dans une République des dernières volontés du monarque. Le roi est mort.. vive le roi !

2.- Ariel Henri

De son haut lieu de la neurochirurgie, high-tech level de la médecine, le docteur Ariel Henri après un douloureux moment de passe d’armes avec le fougueux Claude Joseph s’est installé de fait à la primature. Rudement installé dans une valse-hésitation pour le redémarrage de la machine. Notre nouveau malheur du 14 août l’a entraîné, malgré lui, dans une certaine forme de consolidation d’un pouvoir hésitant. Il est l’interlocuteur. Cependant, il hésite. Il n’est pas fou. Il veut un accord. Il propose même le sien qui ferait de lui le détenteur de tous les pouvoirs. Comme une supplique !  Je perçois le sourire narquois de ti Claude l’intrépide. Lui, il se serait déjà passé l’écharpe présidentiel sans réfléchir. D’ailleurs, aux premières heures de la tragédie de pèlerin 5, il a essayé. Avec le soutien public de la femme Lalime. Qui sait pourquoi cela a-t-il foiré !?  Cette retenue du Docteur ravive les pulsions de déchouquage des “combattants”. S’il ne fait pas attention, il sera le nouveau Jovenel Moïse de la fable. D’ailleurs pics, fourches, katiapikas prennent leur envol sur les réseaux sociaux pour l’acculer à la défensive, à la peur et aux concessions mafieuses. Très peu de temps pour jouer et profiter de ses atouts. Si non il sera entraîné dans la paralysie et…une certaine forme de mort cérébrale. Saura-t-il user à bon escient de ses savoirs médicaux et son support international ?  Je ne sais pas !  En tout cas, je sais que celui qui n’avance pas recule et, surtout “la meilleure défense c’est l’attaque” avec quelle équipe…c’est une autre chose !

3.- Le tremblement de terre du 14 août et GRACE

Le 14 août, la terre, une nouvelle fois, en Haïti, a tremblé. Dans le grand Sud. Des morts, des blessés et beaucoup de destructions physiques. Deux semaines après, nous sommes empêtrés par l’afflux de l’aide. Nous n’avons pas été pré-positionnés pour gérer une catastrophe sur le plan de l’organisation humaine, scientifique et mécanique. Si les destructions physiques de l’habitat nous ont rappelé notre mépris des leçons de 2010, le cyclone Grâce est tout de suite venu rappeler à l’ordre les tenants des bois 2×4 et des feuilles de tôles. Nous ne devons pas oublier Hazel Flora, David, Fay, Gustav, Mathews et compagnie.

De là, l’urgente nécessité d’une réflexion plus profonde sur l’habitat rural et urbain en Haïti par rapport à notre réalité géophysique.

Le leadership local

Nos difficultés de gestion des urgences nous ramènent aussi à la qualité du leadership local. Après les chutes de Duvalier et de l’armée, nous avons remplacé le leadership local, dans un premier temps, par la militance primaire et…finalement par le banditisme. 7 juillet, 14 août et Grace nous ont fait voir les limites de ces options.

Que faire ?

Ces malheurs, pourtant, sont source d’inspiration. Nous avons le devoir de réorganiser l’ingénierie du pays pour une meilleure gouvernance. Là, je renvoie le lecteur à la dernière publication du GREH traitant des contours de la gouvernance de la transition

Il faudrait, à mon sens, que :

1.- le Docteur Ariel Henri réunisse toutes les entités ayant fait des propositions dans un symposium pour décider de la gouvernance centrale ainsi qu’au niveau Départemental et Communal en favorisant l’intégration des jeunes autochtones techniquement pourvus à côté des notables détenteurs de l’histoire locale et du respect de la société. Une bonne occasion pour impliquer les détenteurs de savoirs et de moyens, perdus dans la capitale ou dans la diaspora, dans un concept de compétition de réussite et de beauté au niveau de chaque commune en jouant sur le régionalisme. Nonobstant l’allocation régulière de fonds publics contrôlés par la CSCCA. Cette stratégie intégrerait les potentialités de ces communes et définirait le nouveau leadership.

  1. le dossier de la sécurité soit abordé en toute bonne foi et que soient appliquées les solutions politiques, sociales et techniques du phénomène. Je ne peux pas, je ne veux pas porter un jugement sur ce qui a été fait, depuis deux ans, dans ce domaine, par déficit de données internes. Les résultats parlent d’eux-mêmes. Il y a de gros réaménagements à faire dans ce secteur sur les plans humain, logistique, stratégique et tactique. Curieusement, les catastrophes en gestion offrent des pistes insoupçonnées pour éradiquer ce mal. Toute une stratégie nouvelle est, actuellement, possible et applicable pour mettre un frein à ce calvaire.
  2. la conférence nationale décide des grandes orientations futures de la Nation incluant la nouvelle constitution, les nouvelles institutions du nouvel État.
  3. finalement, la réalisation d’élections vraiment libres permettant l’accès au pouvoir d’une génération nouvelle avec une philosophie différente des raisons de nos malheurs présents.

Ni lenteur…ni précipitation

Sachons saisir les opportunités de nos présents malheurs.

Que Dieu bénisse Haïti !