Haïti imposera sa culture de résistance aux affronts d’Abinader…

Jean-Garry Denis, directeur executif de l'INHOPP...

Par Jean Garry Denis, Directeur Executif INHOPP,

CAP-HAÏTIEN, mardi 3 octobre 2023- La construction du Canal sur la Rivière Massacre  a provoquée l’une des plus graves crise  dans l’histoire diplomatique des deux pays. Au-delà de l’exacerbation du  nationalisme, cette crise s’apparentant à une guerre de basse intensité avec les mesures de  mobilisation militaire et  la fermeture de la frontière par les autorités dominicaines, considérées comme disproportionnées  même des  secteurs sociaux et politiques de la RD.

Il suffit d’une étincelle pour que le pire se produise. C’est dans ce cadre que  la Conférence Episcopale  Dominicaine a fait appel au bon sens  pour une désescalade des tensions.

Ce conflit  nous donne surtout  l’opportunité pour analyser les réponses  offertes par le peuple Haïtien à travers ses multiples  expressions culturelles qui n’ont pas manquée d’attirer l’attention  de la presse et de l’univers des réseaux sociaux en RD. Tout au cours de son histoire, tout a été fait pour déconstruire ce peuple. Sans une véritable armée, sans institutions, sans une diplomatie responsable,  sans un pouvoir crédible pour faire face aux menaces d’Abinader,  les haïtiens n’ont pour recours que leur  culture de résistance  qu’ils ont l’habitude d’opposer face aux multiples agressions depuis l’indépendance de 1804.

Les quelques cas  d’agressions :

Les puissances esclavagistes n’ont jamais accepté l’affront qu’un Etat puisse être régenté par  d’anciens esclaves. C’est ce qui explique que les américains nous   ont imposé un embargo  de 1804 jusqu’à 1865 pour étouffer notre commerce extérieur et notre émancipation du jeune nation.

Durant cette période Haïti a quand même degage des moyens pour soutenir  l’Amérique Latine et même la Grèce en 1822. La République Dominicaine a bénéficié de cette générosité durant la Guerre de la Restauration contre l’Espagne  avec le General Luperon en 1865, pourtant l’histoire officielle de la RD tend plutôt à glorifier les valeurs d’une certaine hispanité  et  présenter Haïti comme une nation impérialiste. En 1826, Haiti n’a pas été invite au Panama pour participer au congres panaméricain des nations.

Grace a un documentaire durant l’été 2022 du New York Times, le monde entier a pu découvrir les horreurs de la rançon exigée par la France en 1825 pour la reconnaissance de l’indépendance haïtienne. Haïti a été obligé de contracter un emprunt auprès de la banque de France  pour payer cette rançon équivalent à plus de 32 milliards de dollars selon certaines estimations.  Haïti a pris  150 ans soit 5 générations pour payer cette rançon. Que de ressources qui auraient  pu être  investi en éducation, santé, agriculture, etc.,  pour amorcer un développement durable.

A tout cela on doit ajouter le vol par les   américains de toute  la réserve d’or d’Haïti stockée à la Banque Nationale  durant l’occupation américaine de 1915.

Apres une tentative de stabilisation  économique de la période 1946-1956, connue comme le miracle économique haïtien, l’Oncle Sam a favorisé la montée  de la dictature trentenaire des Duvalier qui a mis fin à cette période de progrès. Haïti était le pionnier  du tourisme dans  la région et commencit a realiser de progrès notables dans l’agro-industrie.

Sous la pression de Bill Clinton en 1997, Haïti a  été forcé d’adopter des mesures néolibérales destructrices pour son économie.  La  production nationale de riz a été considérablement réduite au profit  des producteurs américains de l’Arkansas. Malgré les regrets  de Clinton  devant  une commission du Congrès, le mal a déjà été fait. Le gaspillage des fonds du séisme du 12 janvier 2010  par une commission internationale est autre fait non négligeable.

Durant les vingt  dernières années les puissances occidentales réunies au sein du Core Group se sont donné un droit d’ingérence diplomatique, pour imposer aux haïtiens des dirigeants laquais et gouverner à leur place. En effet, elles ont propagé le chaos, renforcé la paupérisation économique et encourage la violence des gangs.  La fédération des gangs G-9 fut principalement  l’œuvre de l’Ex Envoyée des  Nations Unies, Madame Helen Lalime  qui en a fait le plaidoyer devant le Conseil de Sécurité en juillet 2020.

Dans sa stratégie  guerrière, Abinader voulait affamer davantage  les haïtiens, quitte à décapitaliser les petits producteurs dominicains de la zone frontalière qui ont toujours tissé de très bonnes relations avec leurs frères d’Haïti. Avec ce comportement pour un conflit si banal, certaines voix arrivent  jusqu’à penser que le Président Abinader alignerait même des armes nucléaires sur la frontiere  si son armée en disposerait.

En tout  cas, Haïti a toujours a appris a batir une culture de resistance. Elle ne cédera pas  à  la  furie belliqueuse et à la   confusion  politicienne  du Président Abinader pour lier   la construction du canal avec les  bandits armés. Plus que la construction de l’ouvrage canal, c’est l’honneur  et  la dignité du peuple haïtien qui est en jeu.

*La culture de résistance ?*

Haïti est l’unique pays à avoir defie les puiissances esclavagistes. Les mouvements  latino-américains du 19ème Siècle se sont tous réduits par le déplacement  des élites coloniales au profit des élites créoles.  Haïti fut le seul pays  a avoir aboli  l’esclavage et de fait   assumer ses racines africaines. Exister et vivre avec ses différences culturelles constituent déjà un choix de combat pour les haïtiens.

Le système esclavagiste enlevait de manière systématique tout repère, toute capacité d’expression, de coordination et d’insurrection,  ceux réputés polyglottes ont eu leurs langues  coupées. En effet,  les haïtiens venus de tribus différents ont su développer une nouvelle langue (Créole)  qui les a ramenés à un dénominateur commun. Cette langue parlée par tous les haïtiens est le résultat de l’apport de langues européennes, africaines et tainos. Sa structure  syntaxique est fondamentalement d’origine africaine (la langue Fon). Contrairement à ceux qui le considèrent comme un simple patois, le créole dispose de son académie et une littérature riche et variée.

Qu’est ce que le vaudou exactement?

Le vaudou est autre point fondamental dans la dynamique historique de résistance. Interdit par le code noir esclavagiste et vilipendé par la propagande chrétienne, le vaudou a toujours été un recours  spirituel pour les haïtiens, il ne saurait être différent, car c’est l’esclavage qui a mis les esclaves en contact avec le christianisme. En RD, plus d’un parle du vaudou sans jamais y assister à une cérémonie, de fait ignore ce que c’est, on dirait que l’ignorance constitue un trophée pour parler du vaudou en RD, et ce  malgré que le vodou soit très présent dans beaucoup d’aspects de la société dominicaine (musica del Palo, fêtes patronales, merengue de Kinito Mendez)

Plus qu’une religion le vaudou est une spiritualité animiste qui  vise l’harmonisation des forces de la nature: Terre, eau, feu, air. Cette cosmogonie a toujours cru au principe de la matérialité de l’esprit et de la spiritualité de la matière. Tous les rituels vodou reflètent cette cosmogonie.

Selon  la physique quantique les particules de la matière ne sont pas inertes. Elles ont une âme, une pensée, une intentionnalité et une grande capacité pour influencer notre spiritualité. Elle est a la base d’un ensemble de nouvelles disciplines scientifiques : la biologie moléculaire, l’Astrophysique, l’informatique quantique, la génétique etc. L’anthropologue  camerounais, Mbog Bassong, dans son livre *De la cosmologie quantique au symbolisme de Dieu*, a avancé que le  symbolique de Dieu dans les religions africaines  a toujours été abordé sous l’angle des phénomènes d’observation de la nature.

Pour conclure nous pensons qu’il est important pour les autorités haïtiennes de dynamiser des échanges avec des universités, la presse dominicaine pour combattre les préjugés de l’histoire officielle et  les propagandes des ultranationalistes nos seulement pour une meilleure compréhension de l’homme haïtien, ses origines et sa contribution de l’histoire, mais surtout renforcer la cohabitation pacifique des deux peuple. Le président Abinader aurait abordé la problématique haïtienne avec plus de souplesse, moins d’arrogance et moins de préjugés.