Accord de Montana : Mémorandum pour une sortie de crise durable…

Fritz A, Jean, President de l'Accord de Montana, Jean William Jeanty, Coordonnateur de la Plateforme Politique de Montana, Dunois Eick Cantave, Comite Representatif des Signateurs de Montana,Bonivert Claude, Coordonnateur Plateforme de al Societe Civile, James Beltis, President Conseil National de Transition (CNT), Ernst Mathurin, Membre de la coordination du bureau de suivi de l'accord de Montana (BSA)...

PORT-AU-PRINCE, dimanche 11 juin 2023– Issu d’une exigence d’humanité portée par le mouvement émancipateur des captifs asservis dans le système plantationnaire, le peuple haïtien traine une histoire d’ostracisme en marge d’un ordre mondial qui ne l’a pas prévu en tant que souveraineté étatique et a encore du mal à l’intégrer en égalité au sein de la communauté internationale. Frappé à la naissance d’un embargo qui a fortement handicapé sa croissance, suivi d’une rançon en dédommagement de son aspiration victorieuse à la liberté, le pays ne tardera pas à passer sous la coupe du grand voisin du Nord, en pleine accumulation de puissance au début du siècle dernier. La désoccupation après une vingtaine d’années de colonisation militaire directe ne sera que de façade ; le destin d’Haïti échappera désormais au peuple haïtien.

Blocage de la transition démocratique

A chacune de ses modifications, s’est posée l’exigence d’ajustement brutal du pays à l’ordre mondial. Ainsi depuis l’annonce de la fin de l’ère bipolaire, Haïti entre dans une longue période de turbulence, consécutive à la chute de la dictature. Le blocage de la transition démocratique par une coalition de forces rétrogrades locales et internationales a produit le déraillement des mécanismes de contrôle politique traditionnels et entrainé la faillite de l’État, déjà incapable de résister aux coups de boutoir des mesures néolibérales au profit des secteurs affairistes et des ONG.

En expérimentation du devoir d’ingérence au service du démantèlement des souverainetés périphériques, est promue l’intervention humanitaire, autre nom de la mise sous tutelle au prétexte de l’instauration de l’État de droit et de la démocratie. A l’instar de la première unilatérale, la seconde cette fois multilatérale, dure plus d’une vingtaine d’années et aboutit à un échec similaire. Pire elle a ouvert la voie à la prise en otage de l’État et de tout un peuple par l’économie criminelle transnationale qui s’alimente du chaos social et politique. Cette prise en charge imposée en dehors de toute exigence de reddition de compte et de moindre contrôle du souverain local a contribué à éloigner davantage le pouvoir des citoyens. Ce qui a accentué la délégitimation de l’État, accompagné de son affaiblissement voulu par l’ordre néolibéral, débouchant finalement sur son effondrement total et la capture de ce qui en reste par la criminalité transnationale organisée.

Il est significatif qu’au départ des troupes étrangères, la situation d’instabilité plutôt que de s’améliorer s’est lourdement aggravée jusqu’à se transformer en un véritable chaos, menaçant l’existence même de la nation et de la société haïtienne.

Et ce sera le règne du banditisme légal, concept qui traduit la réalité de la collusion de l’appareil d’État déliquescent avec des gangs armés chargés de terroriser la population, en vue d’entraver l’émergence d’une société civile autonome et éviter tout contrôle citoyen conséquent sur les pouvoirs publics.

Le sabotage de la transition à la démocratie, en deux moments charnières du processus, a fortement marqué la vie politique depuis 1986. En effet les premières élections libres qui allaient consacrer la sortie de la dictature ont été dispersées dans le sang des paisibles citoyens venus exercer leur droit de vote. Les résultats attendus ne correspondaient pas aux vœux de ceux qui s’acharnaient à nous imposer leur propre choix contre la volonté populaire. Le même scénario se répètera trois années plus tard cette fois sous forme d’un coup d’État militaire sanglant. Et ce sera l’irrémédiable agonie non seulement de l’État de droit mais de l’État tout court et avec lui de la souveraineté nationale.

L’Accord du 30 août 2021 et les exigences de l’heure

L’accord du 30 août est le fruit d’un consensus sorti d’un processus de dialogues et de négociations inter-haïtiennes dans le cadre de la Conférence Citoyenne pour une Solution Haïtienne organisée en cette date à Port-au-Prince. Les signataires de cet Accord sont des représentant.es de multiples organisations de la société civile et d’organisations politiques. Sept cents organisations (organisations de la société civile, partis et regroupements politiques) et 300 personnalités de la société civile en font partie.

Ce mémorandum de l’Accord se propose de renouveler certaines résolutions adoptées par les signataires au cours des 18 derniers mois mais aussi y apporter certaines adaptations au regard des échanges entre les membres de l’Accord et d’autres acteurs nationaux, la nouvelle mouvance observée dans la situation sécuritaire du pays avec l’entrée en scène de la population pour assurer son auto-défense, la persistance de l’appui de l’international au gouvernement actuel en dépit des sanctions prises à l’encontre de deux ministres de ce gouvernement, et la complicité avérée de certains hauts fonctionnaires de l’État avec la coalition des gangs armés qui entretiennent ce climat de violence dans le pays.

Aujourd’hui, l’enlisement du pays dans la violence sociale, la déliquescence accélérée des institutions et la déstabilisation politique qui les accompagne, interpellent plus que jamais les signataires de cet Accord et les autres acteurs nationaux sur l’urgence du rétablissement de la confiance de la population dans les institutions du pays. Et ceci, par la restauration des trois pouvoirs de l’État : l’exécutif, le législatif et le judiciaire, par le rétablissement d’un climat de sécurité pour une stabilité politique durable et le réaménagement approprié des modalités d’organisation du processus électoral.

L’instauration d’un climat de sécurité durable, un enjeu majeur

Les Nations Unies, reprenant les informations fournies par les organisations de droits humains fonctionnant en Haïti, soulignent l’assassinat de plus de 840 personnes au cours des trois premiers mois de l’année 2023, et le kidnapping de plus de 400 personnes. Cette violence déclenchée par la coalition de groupes criminels en Haïti a provoqué, dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, le déplacement massif de la population des zones de Fontamara, Martissant, Cité Soleil, Croix-desMissions, Croix-des-Bouquets, Pernier, ainsi que des hauteurs de Pétion-Ville, Thomassin, Laboule et Kenscoff. Des régions dans d’autres départements comme l’Artibonite et le Nord-Ouest ne sont pas épargnées. La situation d’Haïti, selon le Secrétaire Général des Nations Unies, est comparable à celle des pays en guerre.

Cette dégradation continue de la situation sécuritaire avec le contrôle de plus de 70% du grand Portau-Prince et de zones clé de production agricole par la coalition des groupes armés, paralysant la circulation des biens et des personnes, provoque la faillite de plusieurs petites et moyennes entreprises, avec des incidences significatives de défaut de paiement sur les institutions financières et en bout de ligne la paupérisation accentuée des couches moyennes du pays. OCHA évalue à 40% le pourcentage de la population frappé d’insécurité alimentaire.

24 avril 2023, Canapé Vert : la manifestation de l’effondrement de légitimité d’un État d’exception.

En dépit des vagues d’indignation des familles affligées charriées par les médias, les frustrations des forces de sécurité exprimées face à l’inaction des autorités, le gouvernement de facto reste imperturbable. Cet État incapable d’offrir les biens publics et de préserver les biens collectifs, a perdu le monopole de l’engagement collectif, et s’est enlisé dans une crise de légitimité. Et le mécontentement accumulé au cours de ces 3 dernières années des populations, surtout les plus vulnérables, encerclées et réduites au silence, a finalement éclaté au grand jour le 24 avril. Comme disent nos frères africains, la savane était sèche, on n’avait qu’à passer les allumettes. Avec le lynchage de 14 jeunes présumés alliés des groupes criminels, principaux acteurs-exécutants de la violence installée dans le pays, la population semble avoir amorcé un tournant dans la situation sécuritaire par la prise en charge de sa propre défense.

Du 24 avril à aujourd’hui, 164 présumés membres de ces coalitions de groupes criminels ont été lynchés. Ces actions sont généralement conduites avec la participation active de jeunes policiers non inféodés aux pratiques de complicité des hauts responsables avec les porteurs de cette politique de violence contre la population. La complicité des élites politiques et économiques dans la construction de ce chaos, l’irresponsabilité de plusieurs acteurs nationaux face à la dégradation de l’environnement sécuritaire et le support inconditionnel des acteurs internationaux aux Responsables de facto de cet État failli, nous ont conduit à ce chemin dangereux de la vengeance populaire. “E pita ka pi tris”.

Les sanctions, des dispositions de l’international

Au milieu de ces turbulences politiques et sociales, quelques pays ont imposé des sanctions contre des citoyens haïtiens sur lesquels pèsent des soupçons de collusion avec les coalitions de groupes criminels.

  • À la suite de la résolution 2653 du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant Haïti adoptée en octobre 2022, les États-Unis d’Amérique, et le Canada, sur la base de leur propre enquête judiciaire, ont pris récemment des sanctions économiques et administratives à l’encontre d’un certain nombre de personnalités politiques et du monde des affaires.
  • Ces sanctions font écho aux nombreuses dénonciations portées par les organisations politiques et la société civile, particulièrement depuis 2018. Elles soulignent l’évolution de l’international par rapport à sa traditionnelle politique de tolérance des potentats impliqués dans la criminalisation de l’économie ou de la politique dans le pays dont les avoirs sont souvent placés aux États-Unis, au Canada, en République Dominicaine et dans d’autres pays.
  • En ce sens, les signataires de l’Accord du 30 août 2021 / Accord de Montana appuient ces initiatives qui, outre leur caractère pénal, ouvrent la voie à un assainissement plus que nécessaire du système financier national et une fenêtre pour l’affranchissement de l’État de sa capture par des groupes du secteur des affaires, d’acteurs politiques et de groupes mafieux impliqués dans toutes sortes de trafic illicite. De telles mesures portent un espoir de justice dans un pays qui a été depuis toujours la victime séculaire de la prédation et de l’impunité.
  • Les signataires de l’Accord croient importants que la République Dominicaine et Les États-Unis, les marchés financiers bénéficiant le plus des placements de l’argent sale provenant d’Haïti, prennent les mesures appropriées pour permettre à Haïti de casser le lien entre les groupes criminels et les acteurs politiques et ceux du secteur privé. Cependant, les signataires de l’Accord réclament des explications claires sur la présence de noms, sur la liste, de citoyens haïtiens critiques vis-à-vis de la politique des États susmentionnés en matière de droits humains et de mesures de politiques économiques préjudiciables pour l’économie haïtienne. Les sanctions ne doivent pas servir de mesures de représailles contre des défenseurs des droits universels des Haïtiens.
  • Une nouvelle équipe gouvernementale devra relayer ces mesures et les « nationaliser » pour qu’à une solution haïtienne à la crise corresponde une gestion haïtienne de l’assainissement de l’État. Ceci requiert une réforme en profondeur de l’appareil judiciaire en lambeaux.

Considérations et propositions pour une sortie de crise.

Le contrôle d’une bonne partie du territoire par les groupes criminels, l’amplification de la violence dans l’Ouest et l’Artibonite, et particulièrement contre les femmes et les filles, l’émigration tous azimuts des Haïtiens vers la République Dominicaine, les pays de la Caraïbe, de l’Amérique latine, et les États-Unis, et la quasi-impossibilité de la circulation des biens et des personnes sur le territoire, traduisent les faits suivants :

  • la déliquescence institutionnelle devenue une constante dans cet État failli caractérisé par un haut degré de corruption qui se traduit par les pertes de sommes importantes au niveau des institutions de collecte de revenu de l’État, les sanctions imposées à des fonctionnaires de l’État par d’autres pays, et par voie de conséquence, une perte de confiance presque totale de la population envers ses dirigeants.

le crime organisé transnational. La perte de contrôle du territoire par les forces de l’ordre constituées a ouvert la voie à la libre circulation de trafic illicite d’armes, de munition et à la contrebande. Les deux pays les plus concernés par ces échanges avec Haïti sont les Etats-Unis d’Amérique et la République Dominicaine. Dans ces cas-ci, on doit s’attendre à l’hostilité de certains groupes dans ces pays pour un retour à la normalité.

La sous-traitance de nos prérogatives constitutionnelles. Les faiblesses institutionnelles ont occasionné une délégation des responsabilités de l’État aux institutions internationales. La prolifération des ONG, et le désordre dans l’exécution de certains mandats, en sont les manifestations et nourrissent à leur tour les faiblesses institutionnelles.

Quatre ans suivis de croissance économique négative. La mauvaise gouvernance et les troubles politiques associés ont valu à l’économie haïtienne 4 ans de croissance négative. Plusieurs pans de l’économie ont subi des pertes énormes. De la sous-traitance avec la perte de milliers d’emplois au secteur agricole, avec l’impossibilité de conduire des campagnes réussies à cause des difficultés d’approvisionnement, sans compter les pertes de revenus pour les récoltes réussies vue l’impossibilité d’acheminer ces dernières vers les marchés. Les ménages survivent à peine avec un taux d’inflation de 50%, résultante de la dégradation des conditions de circulation des marchandises dues aux problèmes de l’insécurité et de l’évolution des prix sur le marché international. Il en résulte une paupérisation accrue des couches moyennes. De fait, le pays est au bord d’une catastrophe humanitaire avec 49% de la population en situation d’insécurité alimentaire.

Support inconditionnel de la communauté internationale. Et pourtant, ce gouvernement de facto avec une cote d’écoute considérable auprès des acteurs de « l’international », en dépit de son inaction, ses graves fautes et maladresses, continue d’enliser le pays dans le chaos et la désintégration sociale.

Éléments de stratégie en matière de gouvernance, de sécurité et d’économie

Gouvernance et insécurité : La redéfinition de la gouvernance est la première étape pour l’instauration d’un climat de confiance et de paix pour la mise route d’un processus électoral crédible. Les passifs de ce gouvernement de facto, avec les soupçons de collusion avec la coalition des groupes criminels, les scandales à répétition, la dégradation du système judiciaire, et l’incapacité de ramener la paix par les forces de sécurité, constituent les urgences fondamentales d’un changement immédiat de régime. Aucune solution ne sera trouvée au problème de l’insécurité si l’on ne pense pas d’abord à une solution politique qui vise la rupture radicale des liens entre les pouvoirs politiques et économiques et les groupes criminels pour arriver à dépolitiser l’institution policière et à redonner confiance à ses membres et à la population.

Pour les signataires de l’Accord, le nœud du problème d’insécurité se trouve à ce niveau de connivences entre les élites politiques et économiques et les groupes criminels. La sécurité durable recherchée sera établie par la rupture de ces liens et non par une intervention militaire.

Alliance police/population : Elle a permis d’infléchir la courbe des kidnappings dans l’aire métropolitaine. Ceci renforce la position des signataires de l’Accord que nous avons la capacité nationale à répondre aux défis de l’insécurité avec la coopération de partenaires internationaux, bilatéraux et/ou communautaires avec les services d’une PNH rénovée sous un autre leadership technique et politique.

La dépolitisation de l’institution policière lui permettra d’être plus efficace dans ses offres de services de sécurité. La police, au service de la justice, doit mener ses actions en dehors des influences des acteurs politiques et de celles des acteurs du secteur des affaires. Dans ce sens, l’inspection générale doit s’assurer de l’adéquation de l’affectation des policiers en rapport aux besoins effectifs de la population en matière de protection. Un contrôle effectif du déplacement des troupes doit être assuré par les méthodes traditionnelles aussi bien que par les nouvelles technologies.

Sécurité : Dans le cadre de cette nouvelle gouvernance de la sécurité, il s’avère nécessaire de mettre en place un Groupe de travail semi-permanent chargé de l’orientation stratégique des questions sur la sécurité et composé de cadres compétents et sérieux haïtiens et des experts internationaux haïtiens et étrangers expérimentés.

La sécurité intérieure doit être garantie par : i) la sécurité périphérique relevant de la défense nationale et des corps spécialisés ; ii) l’organisation spatiale de l’État incluant l’identification du citoyen, sa localisation dans l’espace géographique et la collaboration et coordination des services de sécurité avec le mouvement associatif et communautaire, les services judiciaires et les cellules de surveillance et du renseignement intérieurs.

L’intelligence des données doit jouer un rôle crucial dans le maintien de la sécurité en Haïti. En utilisant des techniques d’analyse de données avancées, les autorités peuvent surveiller les tendances criminelles et prévenir les crimes potentiels. L’identification des zones à haut risque permettra aussi bien d’améliorer l’efficacité de la police, d’aider à la prévention de la violence domestique et de la violence sexuelle et d’améliorer la sécurité par la prévention des crimes potentiels, de détecter les menaces et de mieux gérer les ressources pour maintenir la sécurité publique.

La défense sécuritaire doit être organisée en cercles concentriques de l’extérieur vers l’intérieur à travers la représentation du pays à l’étranger. Il faut agir aux deux extrémités de la chaîne de l’insécurité : i) verrouiller les foyers criminels ; ii) Identifier et punir les acteurs financiers de la criminalité. Il est donc nécessaire de considérer la question de la sécurité dans son sens intégral. La reprise du contrôle de tout le territoire, particulièrement des quartiers vulnérables par des interventions à caractère socio-économique et la réhabilitation des services devra constituer une priorité du gouvernement de transition.

Cependant, avec les carences de nature diverse des forces de sécurité du pays, une assistance externe s’avère essentielle. L’assistance technique doit se matérialiser dans les domaines de la formation, de la logistique incluant l’accès aux instruments technologiques modernes, de l’accompagnement de l’Inspection Générale (IGPNH) dans son travail de vérification des services du policier (vetting), dans l’équipement en armes et munitions, par l’adoption de mesures légales (investigations policières), par le renforcement de l’unité spéciale contre les groupes criminels au sein de la police.

Redressement économique : La nécessité de la période de transition, n’induit pas sa capacité à apporter une réponse définitive aux graves difficultés de croissance économique. Elle traduit toutefois l’urgence de prendre d’ores et déjà de bonnes décisions pour « mettre un coup d’arrêt à cette descente aux enfers » et jeter les bases d’une normalisation de la vie sociale et politique. La violence urbaine a entrainé la décapitalisation de plusieurs entreprises et de beaucoup de ménages. La crise politique mêlée à l’insécurité fait fuir un fort pourcentage de la main d’œuvre. Des mesures urgentes en termes de politique monétaire, de politique fiscale, de politique commerciale, de politique agricole, de politique sociale et de politique environnementale doivent être prises pour amorcer un début de reprise.

L’Accord de Montana aujourd’hui et les autres partenaires

Les signataires de l’Accord du 30 août continuent à œuvrer pour un consensus approprié permettant la mise en place d’un gouvernement de transition à même d’assurer la confiance de la population. Et ceci dans le souci d’un élargissement de l’offre politique de Montana à une plage plus large de partenaires.

Proposition consensuelle politique

Il s’avère de bon sens que les acteurs internationaux ne devront plus continuer à appuyer ce gouvernement intérimaire illégitime, qui s’est avéré incapable de produire un minimum de consensus politique et a lamentablement échoué à remplir sa mission de sécurité, d’apaisement social, de lutte contre la corruption, de révision de la Constitution et d’organisation des élections après 20 mois d’exercice du pouvoir.

Ainsi les représentants et représentantes des signataires, de l’Accord du 30 août participant à différentes démarches de dialogue initiées par des facilitateurs tant nationaux qu’internationaux, ont toujours fait valoir, pour une transition démocratique, les éléments fondamentaux suivants :

  1. Rétablir sur une base consensuelle, transitionnelle et dans l’esprit de la Constitution de 1987, les 3 pouvoirs de l’État avec un Exécutif bicéphale ; les contours exacts de cet exécutif bicéphale feront aussi l’objet d’une recherche de consensus.
  2. Constituer une autorité de contrôle de l’action du gouvernement.
  • S’assurer que l’autorité gouvernementale et l’organe de contrôle du gouvernement de transition disposent d’une légitimité sociale.
  1. Instaurer un gouvernement de transition de rupture avec les mauvaises pratiques de pilotage et d’administration de l’État et qui prend en compte les revendications de la société.
  2. Rétablir la Cour de cassation dans la plénitude de son indépendance et autonomie sur base d’une entente politique.
  3. Réaliser la Conférence nationale souveraine, avec inclusion dans son cadre de référence des questions en lien avec la Constitution et les partis politiques.
  • Établir deux (2) Commissions de Vérité et Justice l’une sur les crimes financiers et l’autre les crimes de sang.
  • Réduire l’insécurité de manière drastique et démanteler les gangs armés.
  1. Préserver la continuité de l’État sans contrarier le nécessaire effort d’assainissement de l’administration publique dans le plein respect des droits de tous.
  2. Réviser le système électoral afin d’assurer la reprise du contrôle du processus électoral et la réalisation d’élections souveraines, démocratiques, participatives et transparentes.
  3. Préparer et amorcer la relance des activités économiques, sociales et culturelles.
  • Jeter les bases pour mener la lutte systématique contre la corruption et l’impunité.
  • Conditions minimales de poursuite des négociations

En conformité à son orientation stratégique fondamentale, l’Accord du 30 août 2021 ne cessera de privilégier la voie de la négociation et du consensus large pour sortir le pays de l’impasse critique qui obstrue l’horizon du vivre ensemble haïtien. Malgré les multiples obstacles que le gouvernement de facto persiste à multiplier dans une fuite en avant insensée, face à l’effort citoyen de trouver une solution haïtienne à la crise, Montana reste attachée à cette option, expression d’une certaine vision de notre histoire de peuple. Ainsi dans le respect de ses engagements Montana se tient ouvert à trouver un compromis minimal autour des points suivants :

  • Définition du mandat de la Présidence collégiale, de ses relations formelles avec le gouvernement et de sa composition ;
  • Définition de critères et du profil pour le choix d’un PM et des membres du gouvernement ;
  • Principe d’un organe de contrôle de l’action gouvernementale ;
  • Principe d’un gouvernement de consensus responsable, conséquent et inclusif ;
  • Rétablissement de la Cour de cassation indépendante et autonome sur la base d’une entente politique.
  • Organisation des élections

Les signataires de Montana s’activent au niveau de leurs organisations respectives pour consolider les institutions de la société civile, servir d’équipe de vigilance pour le plaidoyer de partis politiques renforcés et de manière générale en vue de l’implantation durable de la démocratie. Les signataires croient que la tenue d’élections crédibles est un passage incontournable pour assurer la légitimité du pouvoir et arriver à la paix sociale et politique. Ceci passe par :

Le rétablissement d’un climat sécuritaire permettant la libre circulation des personnes et des biens dans le pays.

  • L’établissement de l’entité et du mécanisme permettant de statuer sur l’adéquation de la Constitution pour l’organisation d’élections crédibles, en dehors de toute interférence de l’argent sale.
  • L’organisation d’élections crédibles pour ne pas basculer dans les troubles post électoraux de suffrages contestés, et de l’instabilité politique qui en découle.
  • Le rétablissement du fonctionnement des institutions de l’État affranchies de l’influence des acteurs privés et politiques mafieux.
  • La redynamisation de la vie sociale à partir de l’offre de services des institutions étatiques renouvelées.
  • Le défi de la refondation

Le relèvement du pays, de la société et de la nation de son état actuel de désolation ; tel est le défi auquel devra s’atteler tout projet politique inspiré du souci de l’intérêt collectif et de réalisation des conditions de l’épanouissement de chaque citoyen.

On répète à l’envie que la situation d’Haïti s’apparente à celle de pays ravagé par la guerre. La lourde faute d’avoir enterré le souvenir des 300 mille cadavres du séisme de 2010 sous des amoncellements de bulletins de vote nous hante encore. Le temps électoral fonctionne comme un piège qui nous empêche de prendre le temps de panser nos blessures et de penser une véritable alternative de sortie de crise. Montana est né de la prise de conscience de l’exigence d’articuler les deux en tenant compte de leur temporalité respective. D’où l’exigence assumée d’une transition de rupture en vue d’assurer les conditions minimales de plein exercice des droits démocratiques. Cette nouvelle configuration de gouvernance ne pourra se réaliser en dehors d’un consensus sérieux avec les partenaires locaux autour d’une feuille de route stipulant clairement les axes prioritaires d’une transition se démarquant des pratiques d’exclusion, ni en absence d’un autre contrat avec l’international qui tient compte des intérêts existentiels du peuple haïtien dans le cadre de l’interdépendance des nations.

Le défi de la refondation passe par la mobilisation des jeunes et l’intégration de la diaspora dans un service civique national qui pourra servir de creuset pour la mixité sociale et du vivre ensemble dans un projet de long terme.

L’Accord de Montana se révèle ainsi désormais le rendez-vous consensuel de toutes les forces vives de la nation, tenant à se démarquer de l’aventurisme électoraliste précipité qu’on veut nous imposer en guise de solution à la crise, qui ne peut qu’accentuer la dérive actuelle et déboucher sous une forme ou une autre d’amplification du chaos.