L’Etat haïtien abandonne les écoles publiques du département du Nord-Est : Elles fonctionnent dans des conditions lamentables…

Ecole Nationale de Garde-Champetre, commune Vallieres, departement du Nord-Est, Haiti....

En collaboration avec JRE,

 Trou-du-Nord, dimanche 24 avril 2022– Le Nord-Est figure parmi les trois départements les plus pauvres d’Haïti. De manière générale, c’est aussi l’un des départements qui ont bénéficié de très peu d’investissements publics.  En 2017, le budget consacré au département du Nord-est, était de 500 millions de gourdes, soit environ 5 millions de dollars à l’époque.

Dans le département du Nord-Est, l’éducation est l’un des secteurs les plus négligés. Quant aux infrastructures scolaires de base, la situation est particulièrement préoccupante. Elles reflètent l’état d’abandon et la pauvreté qui caractérisent ce département.

Au moins vingt-cinq (25) écoles publiques (lycées et écoles nationales), dont sept (7) dans la seule commune de Trou-du-Nord, fonctionnent depuis plusieurs années dans des conditions lamentables, dans des hangars (Anba Tonel en créole) et dépourvues des infrastructures minimales indispensables à la création d’un environnement propice à l’apprentissage.

Si, en principe, les infrastructures, les bâtiments, les salles de classe, les laboratoires et les équipements scolaires, constituent des éléments essentiels à l’apprentissage dans les établissements scolaires, dans le Nord-Est d’Haïti, c’est l’inverse qui est vrai.

De nombreuses écoles sont logées dans des hangars insalubres, crasseux et quasiment à l’état d’abandon total.  Dans ces établissements scolaires qui ressemblent à tout, sauf à des écoles, le temps s’est arrêté au moyennage.

C’est le cas des écoles nationales de Desvarenne de Trou-du-Nord, de Ti Roche (Roche-Plate), Trou-du-Nord, de Jean-Price Mars (Trou-du-Nord) de Birotte, de Garde-Champêtre de Vallières, de Bois-Noël (Vallières), du Lycée Gabriel Bien-Aimé (Trou-du-Nord), Sabastianne, commune de Carice, Parois de Sainte-Suzanne, Dorsac, 6e section communale Fond-Bleu de Sainte-Suzanne, Dorval de la commune de Grand-Bassin, Grande Savane à la première section communale de Mombin-Crochu entre autres.

A voir les bâtiments logeant ces écoles, qui devraient être de véritables temples où est dispensé le savoir, rien ne reflète la réalité du 21e siècle. Et c’est une source de préoccupation majeure pour Navard Hérode, directeur de l’école nationale de Dubuisson, 2e section communale Roucou, à Trou-du-Nord.

Selon lui, ces écoles qui fonctionnent au rabais, dans des conditions quasiment inhumaines, ne peuvent pas garantir une meilleure éducation pour les jeunes haïtiens appelés à assurer l’avenir du pays.

Il souligne que les directeurs des écoles publiques du département du Nord-Est ne savent plus à quel saint se vouer pour changer l’image de ces établissements scolaires qui fonctionnent pratiquement en dehors du temps.

Il affirme que les directeurs de ces écoles pas n’ont pas les moyens nécessaires au bon fonctionnement des établissements scolaires publics de la région.

Selon lui, il faudrait des investissements massifs dans le secteur de l’éducation pour améliorer l’image de l’école publique haïtienne, sinon, précise Hérode, cette école ne pourra nullement contribuer au développement du pays, soulignant que l’éducation est la base de tout développement.

La plupart des écoles n’ont pas de cour de récréation, de bloc sanitaire, d’eau courante, de cafeteria et de matériels scolaires adéquats.

Ecole nationale Dosac (Sainte-Suzanne) et Ecole nationale Erasme….

A l’école nationale de Desvarenne (Trou-du-Nord), faute de toilettes, les écoliers n’ont d’autres recours qu’à un simple trou pour faire leurs besoins physiologiques en toute indiscrétion et sans intimité. Un spectacle effrayant, l’établissement reçoit des filles aussi.

La directrice de l’établissements, Ilda Fénélus se voit souvent obligée d’utiliser son maigre salaire qu’elle reçoit quasiment chaque trois mois, pour faire fonctionner l’école.

Fondée en 2011 au moment où l’argent du programme Petro-caribe coulait encore à flot dans le pays et que l’Etat percevait parallèlement des taxes pour alimenter le fond national de l’éducation (FNE), les locaux de cette école n’ont toujours été construits en dépit des promesses répétées des autorités.

Mme Fénélus affirme avoir utilisé ses fonds personnels pour ériger le hangar qui abrite cette école nationale qui, comme toutes les autres n’ont pas de bibliothèque, de laboratoire, de cafeteria… entre autres.

Vue d’une classe de l’ecole nationale de Desvarenne (Trou-du-Nord), l’ecole nationale de Dorval (Grand-Bassin) et une vue de l’ecole nationale Ti Roche (Roche-Plate)…

Situation similaire à l’école nationale Jean-Price Mars, située en plein cœur de la ville de Trou du Nord. Dirigé par Eliné St-Cléris, cet établissement scolaire accueille actuellement plus de 820 écoliers du préscolaire à la 9e année fondamentale.

Cette école confronte aux mêmes difficultés que toutes les institutions scolaires publiques du département, abandonnées par l’Etat. Salles de classe ne répondant à aucune norme, personnel enseignant insuffisant, non nommé pour certains et, donc, non budgétisés, bref cette école fonctionne difficilement, souligne St-Cléris.

Un terrain a été mis à la disposition de l’établissement, mais la construction n’a jamais eu lieu. Les autorités n’ont pas cessé de réitérer leurs promesses de construire un nouveau bâtiment pour loger cette école, précise St-Cléris qui attend désespérément le démarrage des travaux.

Ecole nationale Jean-Price Mars (Trou-du-Nord), des ecoliers sur la cour de recreation et vue d’une classe…

Elustin Mervil, directeur de l’école nationale Birotte, explique que son établissement est logé à la même enseigne que les autres institutions. Cette école fonctionne dans un hangar et il a dû utiliser son salaire pour faire les entretiens nécessaires.

Il affirme se sacrifier pour que cette école existe et assure un minimum d’éducation aux jeunes haïtiens.

Des eleves de l’ecole nationale de Desvarenne et la cuisine de l’ecole nationale Jean-Price Mars (trou-du-Nord)…

 

Depuis le 15 Juin 2011, l’Etat haïtien perçoit deux nouvelles taxes : $1.50 sur les transferts d’argent et 5 centimes sur tous les appels téléphoniques internationaux en direction ou en provenance d’Haïti.

Cette initiative prise, à l’époque, par le président Michel Martelly visait à alimenter un fond dénommé « Fond National de l’Education » (FNE) afin de collecter 360 millions de dollars américains sur une période de cinq (5) ans en vue de scolariser 500.000 jeunes haïtiens sur cinq ans, à raison de 100.000 par an.

Près de onze (11) ans après la création de ce fond alimente régulièrement par les taxes prélevées particulièrement sur les transferts d’argent, bizarrement, il y a encore dans le pays plus 500.000 jeunes qui n’ont jamais fréquenté l’école.

Pire encore, en presque 11 ans, l’Etat haïtien aurait collecté seulement 222 millions de dollars américains.

A date, personne n’a jamais expliqué pourquoi le pays compte encore autant d’enfants non scolarisés. De même, personne n’a jamais dit comment l’argent collecté au profit du FNE a été utilisé. Personne n’a jamais pris le soin, au nom d la transparence, d’informer le pays sur le montant réel collecté en près de onze (11) ans. L’opacité est totale.

Les fonds collectés depuis bientôt 11 ans au nom de l’éducation, n’ont jusqu’ici pas contribué à améliorer les conditions de vie des 200.000 enseignants que compte le pays, l’environnement scolaire ni le niveau de l’éducation dans le pays.

La qualité de l’éducation, les infrastructures scolaires demeurent préoccupantes.

Au contraire, la situation tend à se dégrader davantage, selon les syndicats d’enseignants.

L’Etat consacre seulement 10% du budget de la République à l’éducation.

Le secteur privé de l’éducation possède environ 85% des écoles en Haïti contre 15% à l’Etat haïtien.