L’émeute suivie de carnage et d’évasion spectaculaire à la prison de la Croix-des-Bouquets, relève de la négligence de l’Etat, selon un rapport de la HJKL

Quelques prisonniers captures aprs l'evasion a la prison de la Croix-des-Bouquets

Port-au-Prince, 10 mars 2021- C’est un véritable carnage qui a eu lieu le 25 février dernier à la prison civile de la Croix-des-Bouquets, lors de l’émeute ayant conduit à l’évasion spectaculaire de plus de quatre-cents détenus, dans ce centre carcéral réputé hautement sécurisé.

Au moins vingt-six (27) personnes ont été tuées dont le directeur de la prison, l’Inspecteur Divisionnaire Paul Hector Joseph, selon un bilan provisoire non exhaustif établi par la ‘’Fondasyon Je Klere’’ (FJKL) qui fait état aussi du cas du détenu Arnel Joseph tué à l’Estère dans le département de l’Artibonite le lendemain, dans des échanges avec la police.

Selon le procès-verbal de constat du juge de Paix de la Croix-des-Bouquets, Me Jaccius Louis assisté de son greffier, Me Freilan Belfort, réalisé le jour des évènements et le lendemain matin : ‘’La majorité des détenus, vingt-et-un au total, ont été tués à l’extérieur de la prison et non à l’intérieur, fait remarquer la FJKL.’’

L’organisation précise que toutes les personnes tuées ont reçu une balle à la tête ou à la poitrine ou au dos ou sont tout simplement criblées de balles. La volonté de tuer a donc primé sur celle de maitriser

Dix (10) personnes ont été blessées, quatre-cent-quarante-cinq (445) détenus se sont évadés. A date, seuls cinquante-neuf (59) d’entre eux ont été capturés par la police.

S’il est difficile d’établir un bilan des pertes matérielles enregistrées le jour de l’émeute dans le centre carcéral, la FJKL fait état de plusieurs armes, des boites de cartouches, des barres de tuyau, des couteaux et des boites de marijuana entre autres, retrouvés sur le toit de la prison.

Selon le rapport de la FJKL, tout a commencé dans le continent Europe quand des détenus ont pris les clefs que détenait le chef des opérations, Saintilma Jean René et ont ouvert les cellules qui étaient fermées. Une émeute a démarré.

Certains détenus se sont emparés d’un camion pour aller défoncer les barrières, écrit la FJKL qui souligne également que le policier Honoré Frantzy qui était placé au sas véhicule avec un fusil M-4 a livré, sans aucune forme de résistance, son arme aux détenus dont le nommé ‘’Rat AC’’ qui remettra le fusil au détenu Arnel Joseph après avoir brisé les cadenas de sa cellule.

‘’Arnel utilisera cette arme pour se débarrasser par une cartouche de l’entrave (chaines) qui était placée à ses pieds, précise le rapport.’’

Les détenus ont envahi tour à tour, le greffe, le bureau du chef de poste, l’armurerie et ont tout emporté :  les armes, les munitions, les uniformes et matricules de police, ainsi que le registre de main courante. Ils ont tiré dans toutes les directions et échangé des coups de feu avec le chef de poste ; ils ont fait aux moins deux morts parmi les détenus.

‘’Plus de 40 impacts de balles ont été recensés sur le seul véhicule du Directeur de la prison, précise la FJKL.’’

Dans son analyse des faits, la FJKL estime que les évènements survenus à la prison civile de la Croix-des-Bouquets, selon une approche des droits humains, révèle que la principale cause des tensions et des émeutes à répétition dans ce centre carcéral relève de la violation par Haïti des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 14 décembre 1990.

‘’ Les détenus de cette prison ne sont pas traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérente à l’être humain, soutient la FJKL, ce qui est de nature à alimenter les tensions et les émeutes dans les prisons, selon l’organisme de promotion et de défense des droits humains.’’

La FJKL note aussi que la prison civile de la Croix-des-Bouquets souffre d’un problème d’absentéisme. Sur un effectif de quatre-vingts (80) agents, seuls soixante (60) sont actifs selon le rapport qui précise qu’avec l’effectif de la prison (1542 au moment de l’évasion), il faudrait trois-cent-quatre-vingt-cinq (385) agents pour la sécuriser, conformément au critère onusien en ce qui concerne les centres carcéraux, il faut un (1) agent pénitencier pour quatre (4) prisonniers.

Se basant sur la présence d’éléments interdits trouvés à l’intérieur de la prison, la FJK indique que les évènements survenus au centre carcéral de la Croix-des-Bouquets, sont le fruit de la complicité des agents et autorités pénitentiaires.