FJKL et la Fondation ‘‘Depase Fwontyè Yo’’ déplorent la protection trop visible dont jouissent ceux qui pratiquent la traite des êtres humains…

photo:MSF/ Victime sexuelle; image d'illustration...

PORT-AU-PRINCE, samedi 30 juillet 2022– Dans un communiqué conjoint a l’occasion du 30 juillet, date marquant la Journée Mondiale de la Dignité des Victimes de la Traite d’Êtres Humains, la ‘‘Fondasyon Je Klere’’ (FJKL) et ‘‘Beyond Borders/Depase Fwontyè Yo’’ (Au-delà des Frontières) déclarent constater l’aggravation du déni de justice à l’endroit des victimes haïtiennes de la traite des personnes, notamment les enfants victimes de la domesticité.

Les deux organisations soulignent que ‘‘la Traite d’Êtres Humains (TEH) encore dénommée Traite Des Personnes (TDP), renvoie à des formes diverses et variées d’exploitation des êtres humains comme l’exploitation sexuelle, la prostitution forcée, l’esclavage y compris l’esclavage domestique, le trafic d’organes, le travail forcé, la mendicité forcée, le mariage forcé, la criminalité forcée, enfants soldats entre autres.’’

Elles rappellent qu’en conformité avec des engagements internationaux, la législation haïtienne a adopté une loi sur la lutte contre la traite des personnes, le 30 avril 2014.

Cependant, soulignent les organisations, ‘‘si l’adoption de ladite loi représente un effort normatif indéniable, son application véritable tarde encore occasionnant un déni de justice à l’endroit des victimes et une impunité sans nom garantie aux bourreaux.’’

Une enquête conduite en 2021 par la FJKL a révélé qu’au niveau de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM), 778 cas de plaintes ont été enregistrés, dont 25 seulement ont fait l’objet de suivi judiciaire. 78% de ces victimes sont des filles mineures et 21,8% sont des petits garçons.

Sur les 778 cas répertoriés, poursuit le communiqué, ‘‘il y a eu seulement 4 condamnations, ce qui donne un taux de condamnation de 0,51%, selon ces organisations qui s’interrogent sur la place accordée par la Justice haïtienne à la protection des enfants vulnérables.’’

Selon cette enquête conduite conjointement par les deux organisations dans les juridictions des Tribunaux de Première Instance de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets pour la période de juin 2014 à avril 2021, l’impunité caractérise l’infraction ʺTraite des Personnesʺ en particulier sur des enfants.

‘‘Outre la précarité et la domesticité, la violence armée dans les quartiers défavorisés représente aussi un terrain fertile pour le développement de la traite des personnes,’’ relève la FJKL dans son rapport d’enquête.

Le communiqué souligne que par rapport à l’année 2021, la violence armée se traduit pour le premier semestre de 2022 avec plus de brutalité et d’extension charriant l’image de plus en plus persistante d’enfants soldats donc introduits dans la criminalité forcée.

Les organisations notent que l’accès à la justice parait de plus en plus difficile et compliqué vu que des instances judiciaires sont devenues la cible des bandits, notamment dans la zone métropolitaine. Ainsi, des tribunaux destinés à assurer le suivi des plaintes des victimes, précisément de traite de personnes, sont quasiment dysfonctionnels.

Elles soulignent que la loi du 30 avril 2014 contre la Traite Des Personnes est très peu connue au niveau des autorités policières et judiciaires.

La FJKL et la Fondation Au-delà des Frontières soulignent qu’en dépit de cet instrument juridique vieux de huit années, l’État est pratiquement absent dans son rôle de prévention comme dans celui de répression de l’infraction ʺTraite Des Personnesʺ.

« En plus de sa gravité exceptionnelle, l’infraction ʺTraite Des Personnesʺ va à l’encontre des idéaux qui ont présidé à la naissance de l’État d’Haïti connue après la révolution de 1804 comme Terre de la Liberté, de Dignité de la Personne et de l’Egalité des races humaines », écrivent les organisations.

Elles se déclarent convaincues de l’urgence de promouvoir, de faire respecter et d’appliquer la Loi du 30 avril 2014 sur la Lutte contre la Traite Des Personnes en Haïti ; et surtout de l’urgence pour les acteurs étatiques de cesser de fuir leurs responsabilités, d’apporter plutôt une réponse mettant un terme à l’impunité des auteurs, rendant justice et dignité aux victimes de traite.

Plus de 300 mille enfants vivent en domesticité en Haïti, selon divers organismes des droits humains.