Des acteurs du pouvoir en place pourraient être poursuivis en justice pour crime contre l’humanité, selon un rapport de divers organismes des droits humains

Vue d'un quartier de Cite Soleil...

Port-au-Prince, 23 avril 2021- Dans ce document de soixante-dix (70) pages intitulé, ‘’ Massacres cautionnés par l’État : règne de l’impunité en Haïti,’’ la Harvard Law School International Human Rights Clinic et l’Observatoire Haïtien des crimes contre l’humanité analysent dans les moindres détails, les différentes attaques perpétrées contre des populations civiles sous l’administration de Jovenel Moïse.

Selon le rapport, ‘’sous la présidence de Jovenel Moïse, des observateurs des droits humains ont documenté au moins dix attaques brutales menées dans des quartiers défavorisés de la capitale où l’opposition à l’administration est forte.’’

Le document révèle qu’au moins trois (3) attaques particulièrement graves ont été perpétrées entre 2021 à 2021 dans les quartiers de La Saline, de Bel-Air et de Cité Soleil. ‘’ Prises dans leur ensemble, elles révèlent l’existence d’un scénario de violence sanctionnée par l’État, de violations de droits humains et de refus de tenir les auteurs des crimes responsables qui semble répondre à la définition de crimes contre l’humanité, soulignent les organisations de défense des droits humains.’’

Le rapport rappelle qu’en novembre 2018, le pire massacre ayant été commis depuis des décennies a été perpétré à La Saline, un quartier qui a joué un rôle de premier plan dans l’organisation des manifestations dirigées contre Jovenel Moïse.

Au cours des semaines ayant précédé l’attaque, écrivent les organisations, deux hauts fonctionnaires de l’administration Moïse, Pierre Richard Duplan et Fednel Monchéry, ont rencontré l’ancien policier et chef de gang Jimmy Chérizier, alias Barbecue, pour planifier l’attaque et offrir les ressources nécessaires à son exécution.

Au moins 71 personnes ont été tuées, 11 femmes violées et 150 maisons pillées et détruites lors de cette attaque dirigée par Barbecue souligne le rapport. ‘’Malgré l’indignation suscitée par cette attaque d’un bout à l’autre d’Haïti et sur la scène internationale, le président Moïse n’a pas condamné le rôle joué par ses subordonnés dans le massacre ni pris de mesures pour faire avancer les poursuites à leur endroit, fait remarquer le document.’’

Quant au quartier historique du Bel-Air, le rapport indique que, ‘’Pendant trois jours, du 4 au 6 novembre 2019, Jimmy Chérizier et des chefs de gangs alliés ont dirigé une attaque dans Bel-Air13. Les assaillants ont tiré sur des civils, mis le feu à des maisons et tué au moins 24 personnes.’’

Le document précise que, ‘’ Bien que l’attaque ait été menée dans une zone entourée de commissariats de police, la police n’est pas intervenue pour protéger les résidents, malgré les nombreux appels à l’aide diffusés à la radio et sur les médias sociaux.’’

Pour ce qui est de Cité Soleil, le document relate qu’entre mai et juillet 2020, Jimmy Chérizier et des chefs de gangs alliés — qui exercent aujourd’hui leurs activités dans le cadre de l’alliance ‘’G9’’ récemment formée — ont coordonné des attaques simultanées dans divers quartiers de Cité Soleil.

‘’Ils ont tué au moins 145 civils, violé de nombreuses femmes et fait brûler des maisons dans le but de revendiquer des zones qui se trouvaient entre les mains de rivaux associés aux adversaires politiques du président Moïse, précise le document.’’

Le rapport note que, jusqu’à ce jour, le gouvernement haïtien n’a toujours pas traduit en justice les auteurs de ces crimes. L’impunité dans laquelle il leur permet d’agir est presque totale.

Fondant leur analyse l’article 7 du statut de Rome, la Harvard Law School International Human Rights Clinic et l’Observatoire Haïtien des crimes contre l’humanité estiment qu’, il existe une base raisonnable pour conclure que des acteurs étatiques et non-étatiques pourraient avoir commis des crimes contre l’humanité en Haïti.

Selon le rapport, les attaques qui ont été analysées comportent des meurtres, des viols, de la torture et la persécution d’un groupe en raison de son identité politique – les types de crimes sous-jacents qui constituent le fondement des crimes contre l’humanité. L’ampleur, le scénario et l’intensité de la violence indiquent que les actes n’étaient ni isolés ni fortuits, mais qu’ils constituaient plutôt des attaques généralisées et systématiques ciblant des populations civiles.

Le document signale que gouvernement haïtien a donc une obligation d’enquêter et de condamner les personnes responsables d’avoir commis des crimes contre l’humanité, soulignant que, bien qu’Haïti ne soit pas partie à la CPI, la situation pourrait faire l’objet d’un renvoi à la CPI par le Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Ce document sur lequel plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits humains ont travaillé, sera remis au haut-commissariat des Nations-Unies pour les droits de l’homme pour les suites nécessaires.