PORT-AU-PRINCE, mercredi 30 avril 2025 (RHINEWS)— Dans un rapport publié le 27 avril et signé par Samuel Colin, président du Forum Haïtien pour la Paix et le Développement Durable (FOHPDD), la plateforme regroupant des membres de la diaspora haïtienne dresse un bilan sévère de la transition politique enclenchée avec l’accord du 3 avril 2024. Intitulé “Un an de l’accord du 3 avril”, le document qualifie le processus actuel de dérive grave, marqué par l’échec du Conseil présidentiel de transition (CPT) à respecter les termes initiaux du compromis politique.
Selon le FOHPDD, l’Accord du 3 avril, facilité par la CARICOM, n’a pas été appliqué « comme il a été rédigé et signé ». Il dénonce notamment l’instauration non prévue d’une présidence tournante au sein du CPT, jugée inefficace et étrangère à la culture politique haïtienne. « Cette formule inhabituelle ralentit la prise de décisions urgentes », peut-on lire dans le rapport. Plus grave encore, l’organe de contrôle prévu, composé de 15 membres de la société civile, n’a jamais été mis en place, donnant au CPT un pouvoir sans contrepoids. « Le CPT navigue en permanence dans l’excès de son mandat, créant une opacité dans ses opérations », souligne le document.
Le FOHPDD relève également l’absence de mise en place du parquet financier anticorruption, pourtant prévu dans l’accord, ainsi qu’une Commission Vérité et Justice jugée « inefficace » et « constituée de personnalités douteuses », ce qui aurait vidé l’initiative de son sens pour les victimes des massacres et actes de brutalité.
La crise humanitaire s’est par ailleurs aggravée. Le rapport évoque une situation d’effondrement social : écoles fermées depuis quatre ans à Port-au-Prince, hôpitaux dysfonctionnels, axes routiers stratégiques contrôlés par des gangs, coût de la vie en hausse. « Le CPT ne s’est toujours pas montré à la hauteur des attributions qui lui ont été confiées », déplore le rapport.
Selon le FOHPDD, Haïti fait face à une « situation de guerre », notamment dans la capitale, où des brigades citoyennes tentent de résister à l’avancée des groupes armés, particulièrement à Canapé-Vert, présenté comme « un symbole de résistance populaire ». Des événements récents à Mirebalais sont cités comme révélateurs de l’ampleur de la crise, notamment l’assaut contre l’hôpital et l’évasion de 500 prisonniers qui aurait fait plus de 300 morts. Dans l’Artibonite, le blocus imposé par deux gangs transforme la région en « prison à ciel ouvert ».
Le Forum souligne également les effets déstabilisateurs de la politique migratoire américaine et dominicaine. Il dénonce le projet de déportation massive de ressortissants haïtiens, notamment en provenance des États-Unis, après l’annonce de la fin du programme Humanitarian Parole instauré par Joe Biden. « Cette situation génère incertitude, désolation et panique au sein de la diaspora », selon le FOHPDD. La République Dominicaine est aussi pointée du doigt pour avoir fixé au 24 avril une date butoir aux Haïtiens, dans un contexte jugé hostile et violent.
La corruption gangrène également la gouvernance. Le rapport rappelle l’affaire impliquant trois conseillers du CPT épinglés par l’ULCC, toujours en poste malgré les scandales, ce qui a alimenté « un sentiment de révolte généralisé ». Plusieurs partis et organisations de défense des droits humains ont réclamé leur démission.
Sur le plan international, le rapport critique durement le président américain Donald Trump. Il y voit une « attitude transactionnelle » qui menace les accords internationaux et « écarte le cachet humaniste qui devrait caractériser le monde moderne ». La perspective de la disparition de l’USAID, la baisse des fonds humanitaires et les risques géopolitiques liés aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient inquiètent profondément les auteurs du bilan.
Le FOHPDD propose un ensemble de réformes urgentes : réduction du CPT à trois membres, relance de l’accord du 3 avril avec participation élargie de la société civile, création d’un Conseil national de sécurité avec un véritable service d’intelligence, redéploiement de l’armée haïtienne, intégration des brigades de vigilance et proclamation d’un état d’urgence pour répondre à la crise humanitaire.
Le rapport conclut que l’heure est à la mobilisation. Il salue « la sévérité du commissaire Muscadin » comme une réponse proportionnelle à la barbarie des gangs. Il appelle à soutenir le mouvement de Bwa Kale, né à Canapé-Vert, comme « une harmonie trouvée entre les citoyens et la police nationale », et suggère même de « mettre de côté un ensemble de lois » pour mener une guerre totale contre les réseaux criminels et leurs financeurs.