Un rapport interne du consulat général d’Haïti à Montréal révèle de graves irrégularités dans la tentative de nomination de Nina Hilaire, dépourvue de documents légaux requis. La cheffe de poste, Guerline Frédéric, affirme avoir subi des pressions directes de la part d’un proche conseiller du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé pour entériner ce dossier. Entre exigences diplomatiques canadiennes et interférences politiques de Port-au-Prince, l’affaire soulève des inquiétudes sur la gouvernance administrative haïtienne à l’étranger.
MONTRÉAL, mardi 10 juin 2025 (RHINEWS) –Un rapport d’incident émanant du Consulat général d’Haïti à Montréal, illustre une série d’irrégularités administratives et juridiques liées à la nomination de Nina Hilaire au poste de préposée à la réception de l’Unité de passeport. Selon ce document interne transmis à la Chancellerie, plusieurs zones d’ombre entourent la régularité de son affectation, ainsi que son statut au regard du droit canadien de l’immigration.
Selon le rapport, « par lettre du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT), Madame Nina Hilaire a été nommée pour être affectée au service des passeports au Consulat général d’Haïti à Montréal ». Toutefois, à son arrivée dans l’enceinte du consulat le 23 mai 2025, l’intéressée n’a pu fournir les pièces d’identité nécessaires à la constitution de son dossier administratif. Une preuve de statut – référencée DD210 930 296 – aurait été fournie ultérieurement, mais jugée insuffisante par la mission consulaire.
« Le 28 mai, nous lui avons recommandé de consulter les responsables du MICT, car ne pouvant pas fournir une pièce d’identité pouvant établir son actuelle situation statutaire », lit-on dans le rapport.
Les tensions se sont exacerbées lorsque, le 3 juin, la cheffe de poste Guerline Frédéric a reçu un appel WhatsApp de Wilner Joseph, se présentant comme conseiller spécial du Premier ministre, dénonçant « le refus du consulat de recevoir Madame Nina Ilaire », et qualifiant la décision de « mesure arbitraire ». Le même individu aurait affirmé que « le consulat n’est pas habilité à donner de contrat », contestant ainsi la compétence de la mission diplomatique dans le suivi administratif du personnel nommé depuis Port-au-Prince.
La diplomate rappelle pourtant que le consulat est tenu d’appliquer les obligations édictées par la note RH/0287 du 23 juin 2024, dans laquelle le Ministère des Affaires Étrangères exigeait que toutes les missions et postes consulaires soumettent les pièces administratives (contrats, pièces d’identité, CV, diplômes) des contractuels et recrutés sur place.
Mais plus délicate encore est la mention de potentielles incompatibilités juridiques liées à la situation migratoire de Madame Hilaire. Le rapport cite les articles 96 à 100 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada (LIPR). Ces dispositions stipulent notamment que :
« Si un demandeur d’asile continue à collaborer ou à travailler pour le gouvernement qu’il affirme être l’auteur de la persécution, cela peut remettre en question la véracité de ses craintes » (Article 96, LIPR).
Cette clause mettrait potentiellement en contradiction une activité professionnelle dans une représentation officielle haïtienne avec un statut de réfugiée – si tel est le cas de Madame Hilaire – en vertu de la Convention de Genève.
Le rapport souligne également les pressions institutionnelles subies par le poste diplomatique : « C’est de façon récurrente que nous recevons des appels intimidants de fonctionnaires de la Primature estimant que nous violons le droit des employés, nous menaçant de révocation », souligne e rapport.
Le rapport conclut en réaffirmant la double obligation du consulat : respecter à la fois les lois canadiennes et les procédures haïtiennes. « En tant que représentant du gouvernement haïtien, nous avons l’obligation tant de respecter les prescrits de la loi en territoire canadien que de protéger nos ressortissants », affirme-t-elle.