Me Guerby Blaise estime que « l’indépendance de la justice est menacée » en Haïti…

Me Guerby Blaise, docteur en droit penal....

PORT-AU-PRINCE, vendredi 2 mai 2025 (RHINEWS)Le juriste haïtien Dr Guerby Blaise, docteur en droit pénal et politique criminelle, a vivement réagi au récent courrier adressé par le président du Conseil présidentiel de transition (CPT) au Premier ministre, Didier Fils-Aimé, en dénonçant une atteinte manifeste à l’indépendance de la justice.

Dans une déclaration publique, Me Blaise critique la démarche du CPT, qu’il considère comme une immixtion illégitime dans les attributions du pouvoir judiciaire. Selon lui, « le courrier adressé par le président du CPT au Premier ministre Fils-Aimé paraît attentatoire à l’indépendance de la justice, que je me dois de défendre ».

Le juriste rappelle que l’autorité judiciaire, dans son acception élargie incluant le parquet et les juges, ne peut fonder des poursuites pénales sur de simples sanctions politiques internationales. « L’expression “les autorités judiciaires” n’est pas le vocabulaire juridique approprié. Les poursuites pénales ne pourront être envisagées qu’après la communication officielle des dossiers des sanctionnés », précise-t-il.

Dr Blaise note que cette demande de communication avait déjà été faite par l’ancien ministre Carlos Hercule via le ministère des Affaires étrangères, et que toute nouvelle démarche directe du Premier ministre vers l’autorité judiciaire violerait le principe de séparation des pouvoirs. « Le Premier ministre ne peut pas démarcher directement auprès de l’autorité judiciaire », insiste-t-il.

L’universitaire met aussi en garde contre les poursuites hâtives contre certaines personnalités sanctionnées, telles que Nenel Cassy, Victor Prophane et Youri Latortue. Il invoque le principe du « non bis in idem », soulignant que certains ont déjà été poursuivis ou jugés. « L’action publique à leur encontre se heurterait au principe non bis in idem, en raison de la saisine préalable du Parquet à l’encontre de M. Cassy et M. Prophane et du jugement acquérant force de chose jugée dont a bénéficié M. Latortue », affirme-t-il.

Par ailleurs, le Dr Blaise précise que si les dossiers des personnes sanctionnées ont effectivement été communiqués au ministère de la Justice, seul l’actuel titulaire, Dr Patrick Pélissier, est habilité à les transmettre aux parquets compétents. Toute autre initiative ignorerait, selon lui, « le principe de la continuité de l’État ».

Dans une série de conseils ultimes adressés aux membres du CPT, Me Blaise rappelle avoir décliné toute proposition de collaborer avec l’organe de transition pour préserver son indépendance, et déplore l’absence de véritables conseillers juridiques à leurs côtés. Il avertit que les Conseillers présidentiels encourent davantage de risques judiciaires que les membres du gouvernement : « De PM Garry Conille au PM Fils-Aimé, les membres du gouvernement encourent techniquement moins de risques de poursuites judiciaires que les CP ».

S’il admet que les membres du CPT peuvent être de bonne foi dans l’utilisation des fonds d’intelligence, il prévient que « tout se réunit techniquement pour établir à leur encontre le détournement de fonds publics », suggérant que l’ULCC pourrait ne pas les épargner à la fin de leur mandat.

Dr Blaise exhorte les Conseillers à gouverner en respect des critiques de la société civile et en renforçant le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) : « Il est dans l’intérêt des CP de ne pas obstruer l’indépendance de la justice, mais de permettre au ministre de la Justice d’exercer pleinement, en toute liberté, sa fonction politique de la justice ».

Selon lui, « ceux qui tentent de convaincre les membres du CPT que “la porte de la justice leur est complètement fermée” sont en réalité leurs pires ennemis et de mauvais menteurs. Il affirme que la stabilité politique du pays — et, incidemment, le maintien même du CPT — repose sur la reconnaissance de l’indépendance des magistrats de la cour d’appel de Port-au-Prince dans l’affaire BNC. »