NEW-YORK, mardi 27 mai 2025 (RHINEWS)– Les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies tiendront ce mercredi 28 mai des consultations à huis clos sur Haïti, à la demande des dix membres élus (E10), dans un contexte de crise sécuritaire, humanitaire et politique qui ne cesse de s’aggraver dans le pays caribéen. Cette réunion vise à obtenir une mise à jour sur la situation et à relancer les discussions sur les propositions de soutien international présentées par le Secrétaire général de l’ONU.
Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, et Miroslav Jenča, Secrétaire général adjoint pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, sont attendus pour informer les membres du Conseil sur l’évolution de la situation.
« La violence armée et l’insécurité croissantes continuent d’exposer les enfants à des violences sexuelles et à d’autres risques graves de protection », a alerté le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, le 21 mai, en relayant les préoccupations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Selon les Nations unies, près de 5,7 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population haïtienne, vivent dans une insécurité alimentaire aiguë. Le Plan de réponse humanitaire 2025, destiné à venir en aide à 3,9 millions de personnes, n’est financé qu’à hauteur de 7,9 %, sur les 908 millions de dollars nécessaires.
La réunion survient également trois mois après la lettre du Secrétaire général du 24 février, dans laquelle António Guterres répondait à une requête du Conseil datée du 29 novembre 2024. Celle-ci faisait suite à l’échec d’un projet de résolution américano-équatorien visant à transformer la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), dirigée par le Kenya, en opération de maintien de la paix des Nations unies. La proposition s’était heurtée à l’opposition de la Chine et de la Russie, invoquant « l’histoire difficile » des précédentes missions onusiennes en Haïti.
Dans sa lettre, le Secrétaire général affirmait qu’une transformation de la MSS en mission de maintien de la paix « n’était pas envisageable dans l’immédiat ». Il proposait plutôt la création d’un Bureau d’appui des Nations unies, chargé d’un soutien logistique et opérationnel à la MSS, incluant l’hébergement, les capacités médicales et les technologies de l’information. Ce soutien serait financé par le budget des opérations de paix de l’ONU, tandis que les États membres devraient fournir, sur une base volontaire, les ressources que l’ONU ne peut assumer – notamment les équipements militaires, les indemnités et les capacités létales.
La lettre recommandait également la mise en place d’un groupe permanent d’États membres pour assurer la direction stratégique de la mission MSS, ainsi qu’un appui non létal à la Police nationale d’Haïti, financé également par des contributions volontaires.
Malgré l’urgence de la situation, le Conseil n’a toujours pas officiellement répondu aux propositions du Secrétaire général. Cette paralysie semble liée, selon plusieurs diplomates, à « l’absence de position claire des États-Unis », principal bailleur de fonds de la MSS et co-auteur des initiatives diplomatiques sur Haïti avec le Panama.
Lors d’un briefing du Conseil le 21 avril, plusieurs membres – notamment la France, la Slovénie, la Corée du Sud, la Grèce, le Royaume-Uni, le Pakistan et le Guyana – ont appelé à examiner sérieusement les propositions du Secrétaire général. « Nous sommes prêts à travailler avec nos partenaires au Conseil pour trouver une solution afin de renforcer l’appui international à la sécurité en Haïti », avait déclaré la représentante française. La Russie, tout en se disant ouverte à la discussion, avait insisté sur la nécessité de « prioriser l’outil déjà disponible », à savoir la mission MSS. « Les États donateurs qui ont lancé cette mission ont le devoir de tenir leurs engagements », avait-elle ajouté, visant sans la nommer l’administration américaine.
À l’inverse, les États-Unis, par la voix de leur représentant, avaient évité toute mention directe de la lettre du Secrétaire général. Washington a réitéré sa volonté d’« aider le peuple haïtien », tout en soulignant qu’il ne pouvait « continuer à porter un fardeau financier aussi lourd ». Ce message a été réitéré le 22 mai par Barbara Feinstein, sous-secrétaire adjointe pour les affaires caribéennes, qui a affirmé que « la mission MSS autorisée par l’ONU offre une opportunité immédiate pour la région de renforcer la sécurité en Haïti », appelant les partenaires régionaux à fournir « personnel, soutien logistique et financements ».
La Chine, quant à elle, a accusé les États-Unis d’avoir contribué à la déstabilisation d’Haïti en « s’ingérant dans ses affaires politiques et en réduisant les aides tout en expulsant les migrants haïtiens ». Elle a dénoncé la tentative de faire de la MSS une mission onusienne comme une volonté de « transférer les coûts de l’opération sur les épaules des États membres de l’ONU ».
Alors que l’Organisation des États américains (OEA) est de plus en plus évoquée comme acteur régional potentiel, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a suggéré, lors d’une audience au Sénat le 20 mai, que l’OEA « puisse fournir une force ou un groupe de pays » pour « résoudre la crise haïtienne », tout en assurant que les États-Unis sont « prêts à jouer un rôle de premier plan ».
Les consultations de ce mercredi devraient permettre aux membres du Conseil, en particulier les E10, de presser pour une réponse urgente. Plusieurs diplomates espèrent que les États-Unis profiteront de la réunion pour clarifier leur position sur les propositions du Secrétaire général. D’autres attendent également des précisions sur les intentions de la Chine, ainsi que sur l’état réel du financement de la MSS.
Dans un contexte où l’insécurité, la famine et les violations des droits humains se conjuguent à une instabilité politique chronique, l’inaction prolongée du Conseil pourrait, selon un diplomate Caraibéen, « affaiblir la crédibilité même du système multilatéral face à une crise humanitaire de cette ampleur dans notre propre hémisphère ».
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