LA GONÂVE – 27 mai 2025 (RHINEWS)— Le professeur de droit constitutionnel Sonet Saint-Louis alerte contre une dérive autoritaire dans l’avant-projet de nouvelle Constitution, qu’il accuse de « consacrer un retour à un présidentialisme tout-puissant, hérité du césarisme politique haïtien », dans une analyse publiée depuis l’île de La Gonâve.
Selon Saint-Louis, le texte en question « supprime tous les mécanismes de contrôle sur l’exécutif » et « affaiblit autant que possible le Parlement ». Pour le constitutionnaliste, cette révision constitutionnelle redessine un régime où « le Président concentre toutes les fonctions, sans contrepoids réel », au mépris de l’équilibre des pouvoirs que garantissait la Constitution de 1987.
« Depuis environ trois décennies, on fait croire que la Constitution de 1987 est responsable de l’instabilité politique en Haïti », écrit-il. « Ce discours, martelé par des politiciens formés à l’école du pouvoir autocratique des Duvalier, vise à délégitimer un texte pourtant conçu pour éviter les abus de pouvoir. »
Il critique la logique sous-jacente de l’avant-projet, selon laquelle l’instabilité viendrait du fait que « le président élu ne détiendrait pas le pouvoir réel ». Pour Saint-Louis, cette prétention conduit à une relecture dangereuse du fonctionnement institutionnel haïtien : « La gouvernance bicéphale instituée par la Constitution de 1987 n’est pas un frein, mais un système d’équilibre qui pousse au dialogue entre le Président et le Premier ministre. »
L’universitaire met en garde contre l’effacement du rôle du Premier ministre, qu’il considère comme « un vice-président déguisé, intégré à un régime présidentiel qui ne s’assume pas ». Il souligne que « dans l’avant-projet, le chef du gouvernement n’est qu’un assistant révocable à volonté, sans ancrage parlementaire, ce qui rompt le principe de pondération des pouvoirs ».
Poursuivant sa démonstration, Saint-Louis fustige un projet qui donnerait au président « le droit de légiférer en cas de vide parlementaire » : une « absurdité juridique » qui transforme, selon lui, le chef de l’État en « nouveau dictateur haïtien ».
Face à ce qu’il qualifie de dérive technocratique et autoritaire, le professeur de philosophie appelle à un réveil citoyen : « Il faut pleurer la nation, comme Catherine Corsini dans La Fracture. Pleurer une dernière fois, jusqu’à ce qu’il ne reste plus une seule larme à verser. De ces larmes, jaillira peut-être un torrent de conscience capable de secouer l’apathie collective. »
Dans un style tranchant et sans concession, Saint-Louis s’en prend également aux défenseurs du projet, dont le Dr Gracien Jean, à qui il reproche de « pleurer non pour la misère du peuple, mais pour un texte mal conçu qu’il ne peut défendre scientifiquement ».