Haïti /Constitution : Me Sonet Saint-Louis dénonce « un coup d’État des oligarchies contre le peuple »…

Sonet Saint-Louis, Avocat

LA GONÂVE, vendredi mai 2025 (RHINEWS)Dans une analyse virulente, l’avocat et professeur de droit constitutionnel Me Sonet Saint-Louis fustige le projet de nouvelle Constitution soumis au Conseil présidentiel de transition et au gouvernement dirigé par Fritz Bélizaire. Selon lui, cette initiative, portée par un groupe de travail anonyme, ne serait rien d’autre qu’« un coup d’État institutionnel maquillé », orchestré par les élites politiques et économiques haïtiennes pour confisquer durablement le pouvoir.

« Cette annonce est une honte ! Qui sont ces individus à la manœuvre dans cette sale affaire ? », interroge Me Saint-Louis, qui voit dans cette démarche une offensive des réseaux liés aux anciens présidents René Préval et Jovenel Moïse. Il accuse ces groupes de vouloir ériger un régime autocratique sous couvert de réforme constitutionnelle : « Leur démarche vise avant tout à instaurer un président fort et autoritaire, en démantelant les garanties de l’État de droit. »

Dans ce texte au ton engagé, l’universitaire rappelle que la Constitution de 1987 est née d’un large consensus populaire après la chute de la dictature, et qu’elle incarne encore aujourd’hui les aspirations démocratiques du peuple haïtien. « Ce projet n’a pas pour objectif d’épurer le texte de 1987 de ses imperfections, mais de se maintenir au pouvoir en confisquant les élections à venir », écrit-il. Selon lui, la réforme constitutionnelle s’inscrit dans une logique historique de dépossession démocratique : « Pendant plus de trois décennies, les élites rétrogrades ont tout fait pour empêcher les élections indirectes qui auraient pu déboucher sur la constitution des Assemblées territoriales. »

Me Saint-Louis souligne également la faiblesse intellectuelle du projet, qu’il considère comme théoriquement bancal et juridiquement incohérent. « Il n’existe pas de pouvoir en démocratie sans la proximité avec le suffrage universel », rappelle-t-il, dénonçant un modèle présidentiel sans véritable contre-pouvoir, avec un Premier ministre réduit à une fonction décorative. Pour lui, « ce projet en ruine » reflète une méconnaissance des fondements mêmes du droit constitutionnel et de la typologie des régimes politiques.

L’universitaire accuse également les promoteurs de cette réforme de chercher à « gagner du temps pour mieux siphonner les ressources de l’État », tout en proposant « une Constitution taillée sur mesure pour un régime autocratique — bien éloigné du rêve de gouvernance du peuple haïtien ». Il s’inquiète des effets déstabilisateurs de ce changement : « Ce mélange explosif ne peut engendrer que chaos et désordre politique et administratif. »

Sonet Saint-Louis en appelle à la vigilance citoyenne et à un débat éclairé sur l’avenir institutionnel du pays. « La neutralité, dans ce contexte de désarroi collectif, ou le silence calculé, constitue un acte de démission patriotique, civique et intellectuelle », affirme-t-il. Il annonce la publication prochaine d’une série de textes destinés à démontrer l’inanité du projet constitutionnel présenté par le gouvernement de transition, qu’il qualifie d’« initiative clandestine, menée dans l’ombre du peuple et financée à grands frais pendant que quatre Haïtiens sur cinq souffrent de la faim ».

« Il faut dire au peuple, avec tout le courage intellectuel et politique nécessaire, pourquoi il ne doit pas accepter ce forfait », conclut-il.

Saint-Louis enseigne le droit constitutionnel et la méthodologie juridique à l’Université d’État d’Haïti. Il s’exprime depuis l’île de la Gonâve, où il dit poursuivre son engagement « citoyen et intellectuel » contre la dérive autoritaire qu’il attribue aux élites politiques et financières du pays.