Haïti adopte un « budget de guerre » pour contrer la menace de l’organisation terroriste “Viv Ansanm”…

Fritz Alphonse Jean, president du CPT...

PORT-AU-PRINCE, lundi 14 avril 2025 (RHINEWS)Le gouvernement haïtien a adopté ce lundi un budget d’investissement exceptionnel de 36 milliards de gourdes, qualifié de « budget de guerre », pour faire face à l’escalade de la violence perpétrée par la coalition criminelle Viv Ansanm. Ce plan d’urgence vise à répondre à la crise sécuritaire et sociale qui secoue le pays depuis plusieurs mois.

Selon les chiffres communiqués, 37 % de ce budget seront affectés au renforcement des forces de l’ordre, incluant la Police nationale, les Forces armées d’Haïti et les services de renseignement. En parallèle, 17,24 % financeront l’aménagement et la sécurisation de la bande frontalière, tandis que 16,43 % seront alloués à des programmes sociaux dans l’éducation, la santé et l’assistance humanitaire.

La coalition Viv Ansanm, née en février 2024 de la fusion des groupes criminels G9 et G-Pèp, est dirigée par Jimmy « Barbecue » Chérizier. Elle contrôle aujourd’hui environ 80 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Depuis plusieurs mois, elle mène une série d’exactions dans la capitale, l’Artibonite et le Plateau Central : massacres, viols collectifs, kidnappings, destructions massives et assassinats ciblés. L’État dénonce une menace directe contre les fondements républicains.

Entre décembre 2024 et février 2025, au moins 1 732 personnes ont été tuées, 411 blessées et 431 enlevées. Plus d’un million de déplacés sont recensés, dont 700 000 enfants. Les gangs ont aussi attaqué les familles de policiers, incendiant des habitations dans des quartiers comme Cité Soleil et Croix-des-Bouquets.

Parmi les attaques les plus meurtrières figure celle menée en décembre dans les quartiers de Delmas 19, Delmas 30 et Tabarre, qui a coûté la vie à des dizaines de civils, dont plusieurs enfants. À Petite-Rivière de l’Artibonite, le gang Gran Grif, affilié à Viv Ansanm, a tué au moins dix personnes, enlevé plusieurs autres et incendié des véhicules.

Entre le 6 et le 11 décembre 2024, un massacre a été perpétré à Wharf Jérémie (Cité Soleil) par le gang dirigé par Micanor Altès, alias « Wa Mikanò ». Selon un rapport du BINUH et du HCDH, au moins 207 personnes ont été exécutées, dont 134 hommes et 73 femmes. Beaucoup étaient âgées, accusées de sorcellerie. Les victimes ont été interrogées, exécutées à l’arme blanche ou par balles, puis leurs corps brûlés ou mutilés pour effacer les traces.

En octobre 2024, à Pont-Sondé (Artibonite), le gang Gran Grif a tué au moins 115 personnes, dont des bébés et des personnes âgées, en représailles au refus de la communauté de se soumettre. L’attaque a entraîné la destruction de nombreux foyers et de nouveaux déplacements.

Dans ce contexte d’atrocités généralisées, les infrastructures essentielles sont aussi prises pour cible. En décembre, une attaque lors de la réouverture de l’Hôpital Général a coûté la vie à deux journalistes et un policier. Des hôpitaux, pharmacies, universités et commissariats ont été détruits.

Les médias n’échappent pas à la violence. En mars 2025, Radio Caraïbes, Radio Mélodie et Radio Télé Plurielle ont été incendiées. La presse est muselée dans un climat de terreur croissant.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) recense plus d’un million de déplacés internes, dont 60 000 pour le seul mois dernier. Le gouvernement haïtien, en dépit de quelques opérations de sécurité, peine à contenir l’expansion territoriale des gangs, marquant un affaiblissement des institutions publiques.

Dans une déclaration conjointe, la Présidence et le Gouvernement d’Haïti ont exprimé leur « plus grande consternation » face à ces actes « inédits » de violence, qu’ils imputent à un réseau criminel transnational soutenu localement par un « secteur mafieux ».

« La nature criminelle des actions des gangs armés menace aujourd’hui les fondements mêmes de la Nation », souligne le pouvoir exécutif, qui appelle la population à se mobiliser contre ceux qui entretiennent un climat de peur pour affaiblir les institutions.

Le Conseil présidentiel de transition réaffirme que la sécurité reste « la priorité stratégique » du processus lancé en 2024. Il a donné consigne aux forces de l’ordre de « mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger les citoyens et garantir l’intégrité des institutions ».

Dans le même temps, la diplomatie haïtienne poursuit ses démarches auprès du Conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir un appui international renforcé. « La Transition ne peut réussir sans le soutien de la communauté internationale à la cause de la sécurité en Haïti », déclare le gouvernement.

La CARICOM, réunie à Georgetown, a exprimé sa « profonde inquiétude » face aux menaces pesant sur les mécanismes de gouvernance transitoire. Elle condamne toute tentative de prise du pouvoir par des gangs, estimant qu’« une coalition criminelle ne saurait imposer un changement ». Elle rappelle que l’objectif demeure l’organisation d’élections libres et équitables d’ici le 7 février 2026.

« Toute violence supplémentaire ne ferait qu’aggraver une situation déjà critique », avertit la CARICOM, qui salue les efforts de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) dirigée par le Kenya, tout en appelant les Nations Unies et l’OEA à intensifier leur soutien.

Les États-Unis, en discussion avec la présidente en exercice de la CARICOM, Mia Mottley, ont réitéré leur soutien à la mission kényane et au Conseil présidentiel de transition. Washington condamne toute tentative de déstabilisation et appelle à la restauration urgente de la paix.

Dans un dernier appel à la cohésion, l’exécutif haïtien convie tous les secteurs nationaux à se rassembler pour une transition démocratique et sécurisée. « Il n’y a pas d’avenir pour Haïti dans la violence. Il n’y a d’avenir que dans la solidarité, la justice et la restauration de l’État », conclut la déclaration présidentielle.