WASHINGTON, dimanche 4 mai 2025 (RHINEWSe)— L’administration Trump a franchi une nouvelle étape dans sa remise en cause des protections fédérales contre les discriminations raciales en publiant un décret exécutif ordonnant l’abrogation des régulations liées au principe du « disparate impact » dans le cadre du Titre VI de la loi sur les droits civiques de 1964. Ce principe juridique permet de sanctionner des pratiques apparemment neutres, mais qui ont des effets disproportionnés sur des groupes historiquement marginalisés.
Depuis son intégration au droit américain par la Cour suprême dans l’affaire Griggs v. Duke Power Co. en 1971, ce mécanisme a constitué un pilier essentiel dans la lutte contre les formes systémiques de discrimination, notamment en matière d’emploi, de logement ou de droit de vote. À l’époque, les juges avaient unanimement condamné une politique d’embauche basée sur des critères scolaires sans rapport avec les compétences requises, mais qui excluaient massivement les travailleurs noirs tout en ménageant les salariés blancs.
Le décret présidentiel, intitulé « Rétablir l’égalité des chances et la méritocratie », vise à supprimer ces protections en les présentant comme des mesures injustes envers les autres groupes. Il appelle à la suppression des régulations fondées sur le disparate impact et demande aux agences fédérales de prendre des « mesures appropriées » — interprétées par certains juristes comme des licenciements ou l’arrêt de procédures en cours — contre les entités engagées dans des actions au titre de la loi sur le logement équitable.
Cette approche repose sur une interprétation juridiquement contestée. Aucune décision majoritaire de la Cour suprême ne remet en cause la compatibilité entre la clause constitutionnelle d’égalité de protection et les dispositions autorisant les recours fondés sur l’effet discriminatoire. Seules des opinions dissidentes, notamment celle du juge Antonin Scalia en 2009 (Ricci v. DeStefano), ont exprimé des réserves, sans faire jurisprudence.
En 2015, dans Texas Department of Housing & Community Affairs v. Inclusive Community Project, la Cour avait pourtant confirmé l’applicabilité du disparate impact dans le cadre du Fair Housing Act. Le juge Anthony Kennedy y rappelait que le droit vise à éliminer les pratiques problématiques — comme certaines lois de zonage qui entravent l’accès des familles noires à des logements abordables — sans pour autant nuire aux autres populations.
La démarche de l’administration Trump s’inscrit dans une offensive plus large contre l’architecture légale de l’État fédéral. Des responsables indépendants, protégés par la loi, ont été révoqués sur la base d’opinions minoritaires anciennes, notamment au sein de la Commission pour l’égalité des chances dans l’emploi (EEOC), chargée de veiller à l’application des lois antidiscrimination.
Pour les défenseurs des droits civiques, la justice apparaît comme le dernier rempart face à ce qui est qualifié de dérive autoritaire. En appliquant les précédents existants, les tribunaux devraient pouvoir juger illégales tant le décret présidentiel que les mesures qui en découleraient. En démocratie, rappellent les observateurs, la définition des droits civiques relève du Congrès et non de l’exécutif.
Alors que de nombreuses inégalités persistent dans les institutions américaines, la norme du disparate impact reste, selon ses défenseurs, un garde-fou indispensable contre les formes insidieuses de discrimination. La remise en cause de ce standard menace, à leurs yeux, l’équilibre des acquis fondamentaux du pays en matière de justice raciale.