WASHINGTON, mardi 10 juin 2025- L’administration Trump s’apprête à transférer plusieurs milliers de migrants sans papiers vers la base militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, dès cette semaine, ont révélé des documents consultés par Politico. Environ 9 000 personnes sont actuellement en cours de sélection pour y être envoyées, marquant un tournant majeur dans la politique migratoire des États-Unis.
Depuis février, quelque 500 migrants y ont déjà été détenus pour de courtes périodes, mais la Maison Blanche entend désormais utiliser cette base, historiquement associée à la détention de suspects de terrorisme, pour y accueillir jusqu’à 30 000 migrants, selon les plans dévoilés.
Les premiers transferts pourraient débuter dès ce mercredi, et les migrants seraient maintenus à Guantanamo avant d’être expulsés vers leurs pays d’origine. Officiellement, le gouvernement justifie cette mesure par le manque de places dans les centres de détention sur le territoire américain. Toutefois, l’utilisation de Guantanamo, symbole mondialement critiqué de détention extrajudiciaire, apparaît aussi comme un message dissuasif adressé aux migrants potentiels.
Le département de la Sécurité intérieure (DHS) et le département d’État n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Selon les documents, les pays d’origine des migrants ne seraient pas informés à l’avance des transferts envisagés.
L’administration Trump fait actuellement pression sur les services d’immigration pour augmenter le nombre d’arrestations, visant jusqu’à 3 000 interpellations par jour, selon des sources internes. L’agence ICE (Immigration and Customs Enforcement) sollicite par ailleurs davantage de fonds auprès du Congrès afin d’agrandir sa capacité de détention à l’intérieur des États-Unis.
L’un des documents internes mentionne que 800 ressortissants européens — dont un Autrichien, une centaine de Roumains et 170 Russes — sont considérés pour un transfert à Guantanamo. Cette orientation inquiète certains diplomates américains, qui soulignent que ces pays sont des alliés coopératifs pour les procédures de rapatriement, et qu’il n’est donc pas nécessaire de les détenir sur une base militaire.
« Le but est de choquer, de provoquer une onde de choc dans l’opinion », a confié sous anonymat un diplomate du département d’État. « Mais nous parlons de pays alliés. »
Parallèlement, des efforts juridiques s’intensifient pour bloquer l’usage de Guantanamo à des fins de détention migratoire. Un recours collectif déposé devant un tribunal fédéral à Washington dénonce les conditions de détention sur la base comme « punitives » : alimentation insuffisante, vêtements changés une fois par semaine, et infestations de rongeurs. « Le gouvernement n’a identifié aucun objectif légitime justifiant la détention de migrants à Guantanamo au lieu de centres situés sur le territoire national », affirment les avocats de l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles).
Ils estiment que cette mesure vise à « effrayer les migrants, dissuader de futures arrivées, pousser à l’auto-expulsion et contraindre les détenus à renoncer à contester leur expulsion ».
Le dossier est actuellement examiné par le juge fédéral Carl Nichols, nommé par Donald Trump.
La base navale de Guantanamo, d’une superficie de 116 km², est utilisée par les États-Unis depuis 1903. Elle est devenue tristement célèbre après les attentats du 11 septembre 2001 pour avoir hébergé jusqu’à 780 prisonniers accusés de terrorisme. Le maintien de migrants dans ce lieu suscite de vives inquiétudes au sein du Pentagone, qui alerte sur les défis logistiques, le climat tropical, le manque de personnel médical et les coûts exorbitants — estimés à 100 000 dollars par jour par détenu, selon le sénateur démocrate Gary Peters.
En février, 178 migrants y étaient détenus, avant que l’administration ne procède à des transferts de masse, notamment de ressortissants vénézuéliens. Le gouvernement affirme que ces détentions sont temporaires. « Le centre de Guantanamo n’est pas destiné à une détention indéfinie », ont soutenu les avocats du département de la Justice dans une précédente déclaration.
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