PORT-AU-PRINCE, jeudi 22 mai 2025 (RHINEWS)– Dans un document de réflexion politique transmis à RHINEWS, l’économiste André Lafontant Joseph propose une feuille de route détaillée pour « une transition finale et ordonnée » en Haïti, fondée sur une réorganisation complète des institutions républicaines, une revalorisation des organes de sécurité, et un renouvellement de la classe politique à travers un nouveau contrat social.
Se positionnant d’emblée en rupture avec les mécanismes de transition improvisés des dernières décennies, M. Lafontant Joseph affirme que « cette transition est la dernière opportunité que la Nation se donne pour rebâtir les fondations de l’État ». Il insiste sur la nécessité d’« une volonté politique claire » et d’un « pacte patriotique de confiance entre les forces vives de la nation », reposant sur des objectifs de clarté, de crédibilité et de cohérence dans l’action publique.
Le document, intitulé « Vers une transition finale », identifie trois grands piliers pour sortir durablement de la crise actuelle : refondation institutionnelle, restauration de la sécurité et mise en œuvre d’un projet de développement endogène. L’auteur y préconise notamment une transition politique centrée sur un gouvernement restreint mais compétent, adossé à un Conseil présidentiel dont le mandat serait strictement limité à des fonctions arbitrales et de régulation.
« L’échec des gouvernements provisoires ou de fait tient en grande partie à leur confusion entre pouvoir de transition et ambition de gouverner. Une transition ne gouverne pas. Elle réorganise pour rendre possible une gouvernance légitime », souligne M. Lafontant Joseph. Il appelle ainsi à éviter toute tentative de captation du pouvoir transitoire par des intérêts partisans ou des acteurs économiques liés à l’économie de prédation.
Concernant le Conseil présidentiel de transition, l’économiste suggère un organe pluraliste, représentatif des forces sociales et politiques majeures, mais limité à des fonctions de nomination et de supervision stratégique, sans immixtion dans les tâches exécutives. « Le Conseil présidentiel doit garantir le cap de la transition sans chercher à le piloter lui-même », précise-t-il.
S’agissant du gouvernement, l’auteur prône la désignation d’un Premier ministre compétent et indépendant, accompagné d’un cabinet restreint autour de priorités définies : redressement des finances publiques, relance de l’administration territoriale, réforme sécuritaire et planification du processus électoral. À ce titre, il plaide pour la création d’une « Commission nationale d’organisation des élections » apolitique, technique et placée sous la responsabilité du gouvernement transitoire.
Une part importante du document est également consacrée à la question sécuritaire. M. Lafontant Joseph y défend une réforme immédiate de la Police nationale, qu’il qualifie d’« institution en situation d’échec opérationnel », tout en refusant sa dissolution ou sa militarisation accrue. Il insiste sur l’impératif de rehausser le budget, la formation et les capacités d’intervention de la PNH, mais en lien avec une refondation judiciaire, douanière et territoriale. « Une sécurité durable passe par un maillage administratif et judiciaire effectif sur tout le territoire. L’État doit redevenir visible et effectif », affirme-t-il.
Enfin, l’auteur insiste sur la dimension éthique de la transition. Il propose l’élaboration d’un « serment de transition » par les membres du gouvernement et du Conseil présidentiel, engageant formellement chacun à ne pas briguer de poste électif à la fin du processus. « La transition ne doit pas être une rampe de lancement pour des ambitions personnelles. Elle doit être un pont vers la République », martèle-t-il.
L’économiste conclut sa note en appelant à un sursaut national pour « reconstruire un imaginaire collectif », insistant sur l’urgence de replacer les citoyens au cœur du contrat politique. Il estime que seule une transition lisible, limitée dans le temps (18 à 24 mois), et assortie d’un calendrier d’actions mesurables, pourra restaurer la confiance et ouvrir la voie à des élections crédibles.
Cette note stratégique d’André Lafontant Joseph s’inscrit dans un contexte de profonde désillusion populaire et d’impasse politique persistante, alors que la Communauté internationale continue de promouvoir une solution transitoire appuyée sur un Conseil présidentiel contesté. À contre-courant des pratiques de cooptation habituelles, l’économiste propose une méthodologie de sortie de crise fondée sur la compétence, la probité, et une claire séparation des missions entre les organes de transition.
Selon ses mots : « C’est une chance ultime d’écrire une autre histoire d’Haïti. Mais encore faut-il que ceux qui prétendent la conduire acceptent d’en être les serviteurs et non les bénéficiaires. »