Éditorial – De la parole aux actes : Haïti et les États-Unis face à l’épreuve de vérité contre le terrorisme …

Jimmy Cherizier alias Barbecue, chef de'' G-9 an Fanmi e Alye'' et porte-parole de la federation des gangs ''Viv Ansanm''...

MIAMI, mardi 13 mai 2025-Washington a tranché : Gran Grif et Viv Ansanm sont désormais officiellement reconnus comme organisations terroristes. Une mesure saluée par le Conseil présidentiel de transition (CPT) en Haïti, qui y voit un appui diplomatique de poids dans la lutte contre des groupes qui sèment la mort et la terreur à travers la region métropolitaine de Port-au-Prince et  dans les départements du Centre et de Ln Artibonite. Le secrétaire d’Etat  Marco Rubio a même déclaré que « l’ère de l’impunité pour ceux qui soutiennent la violence en Haïti est révolue. » Mais pour l’instant, seule la rhétorique a changé. Sur le terrain, les chefs de gangs paradent encore, les assassinats continuent, les incendies, les viols, les pillages se poursuivent. L’impunité, elle, semble plus que jamais en marche.

Faut-il donc voir dans les mots de Washington une promesse sincère ou une posture géopolitique, utile pour le dossier migratoire américain et l’image de fermeté face à la criminalité transnationale ? La question se pose avec acuité alors que les terroristes désignés par les États-Unis lancent, chaque semaine, des offensives sanglantes contre les quartiers populaires, les infrastructures publiques et même les symboles du pouvoir haïtien. Les États-Unis peuvent-ils se satisfaire d’une déclaration officielle sans suites coercitives ? La désignation n’est crédible que si elle s’accompagne de gels d’avoirs, de mandats d’arrêt, de sanctions ciblées, voire de frappes sélectives contre les chefs connus et géolocalisés. Pour l’heure, rien de cela ne semble réellement enclenché.

Le contraste est tout aussi choquant du côté haïtien. Le Conseil présidentiel de transition, investi dans un contexte d’extrême urgence nationale, a exprimé son accord avec la ligne américaine. Mais aucun plan d’action public n’a été dévoilé. Aucune demande officielle d’assistance militaire, de soutien logistique ou technologique n’a été portée devant les Nations unies ni devant les pays partenaires. Aucune opération conjointe ou protocole de coopération active ne semble amorcé pour exploiter ce momentum diplomatique unique. Pire : les zones stratégiques de la capitale, y compris autour du Palais national, et de la Villa d’Acceuil, sièges du gouvernement et du CPT, sont toujours sous la menace directe des groupes terroristes qui ne cachent leur intention de s’accaparer du pouvoir par la force. .

Qu’est-ce qui empêche le pouvoir de transition d’agir ? Le manque de moyens ? L’absence de coordination ? Ou pire encore : des complicités internes ? Car il ne faut pas feindre l’ignorance. Les réseaux qui soutiennent Viv Ansanm et Gran Grif ne sont pas confinés aux ruelles obscures des bidonvilles. Ils s’étendent aux couloirs de l’administration, aux milieux d’affaires, aux institutions religieuses et jusqu’aux cercles de décision de l’État. Si ces alliés ne sont pas immédiatement ciblés, sanctionnés, écartés, alors le pouvoir de transition portera en lui le soupçon de la duplicité. Une accusation d’autant plus grave qu’elle viendrait s’ajouter à un passif de trahison accumulé au fil des années entre l’élite haïtienne et les groupes terroristes.

Il n’existe plus d’ambiguïté dans l’opinion publique haïtienne. La majorité des citoyens, fatigués, appauvris, traumatisés, veulent des actes. Le peuple ne demande pas l’impossible : il exige que les autorités fassent au moins le strict minimum pour que ses enfants puissent aller à l’école, que les blessés aient accès à un hôpital, que les femmes et les filles cessent d’être violées en masse à Carrefour-Feuilles ou à Cité Soleil. Ce moment de convergence – rare – entre l’opinion publique nationale et l’orientation internationale est une occasion historique. Si le pouvoir de transition ne la saisit pas, il risque de devenir, aux yeux de tous, un instrument parmi d’autres dans l’architecture du chaos.

Il faut que les demandes soient claires : des drones pour surveiller les bastions criminels, des frappes ciblées sur les chefs armés, un gel complet des circuits financiers qui alimentent les terroristes, la fermeture immédiate des réseaux de carburant et d’armes, et une présence militaire temporaire mais décisive dans les zones critiques.

Il est temps que la diplomatie cède la place à l’action. L’État haïtien a le devoir d’assumer une stratégie de reconquête du territoire et de restauration de la souveraineté. Il ne peut pas continuer à jouer le rôle de spectateur de son propre effondrement, ni celui de complice silencieux d’un terrorisme rampant. Chaque jour qui passe sans réaction nourrit l’idée que ce pouvoir transitoire, comme les précédents, est lié de près ou de loin à l’axe du crime.

Le peuple haïtien n’attendra pas indéfiniment. L’histoire non plus. Ce qui manque désormais, ce n’est ni la légitimité, ni le contexte, ni les moyens. C’est le courage.