ARCAHAIE, dimanche 18 mai 2025 (RHINEWS)-Ce 18 mai marque le 222e anniversaire de la création du drapeau haïtien, né en 1803 sur le champ de bataille de l’indépendance, fruit de la volonté d’un peuple enchaîné d’en finir avec l’esclavage, la servitude et l’humiliation. C’est un symbole de fierté, un héritage historique unique, porteur d’un message universel : celui de la liberté conquise au prix du sang et de l’intelligence collective. Pourtant, deux siècles plus tard, cette bannière, symbole de la première république noire libre et indépendante du monde, flotte au-dessus d’une nation effondrée, étouffée par la misère, rongée par l’insécurité alimentée par des terroristes jouissant d’impunité et de complicité dans divers secteurs, et trahie par ses élites et par le silence complice d’un ordre mondial injuste.
L’anniversaire de notre drapeau coïncide cette année avec une autre événement symbolique : celui de l’abrogation du Code Noir, survenue 177 ans après sa promulgation par Louis XIV. Ce texte abominable avait codifié l’inhumanité, arraché des millions d’Africains à leurs terres pour les réduire à l’état de biens meubles dans les plantations coloniales. Parmi les plus grandes victimes de ce système, Saint-Domingue — future Haïti — allait devenir, par la révolte et la guerre, la terre du renversement de l’ordre esclavagiste. De 1791 à 1804, les esclaves insurgés, armés de courage et de stratégies politiques audacieuses- ce qui manque terriblement aujourd’hui. brisèrent leurs chaînes pour bâtir une nation libre, défiant la France, l’Angleterre, l’Espagne et tous les intérêts coloniaux de l’époque.
Mais cette conquête exceptionnelle eut un prix. La rançon de l’indépendance exigée par la France en 1825, imposée sous la menace des canons, saigna le jeune État jusqu’à la moelle. Cette dette injuste — plus de 150 millions de francs-or — constitua l’une des premières machinations internationales contre Haïti. Elle précipita le pays dans une spirale de pauvreté structurelle dont il n’est jamais sorti. Le coût moral, politique et économique de cette injustice continue de peser sur les générations présentes. Pire encore, les puissances occidentales et certaines élites locales ont constamment entretenu, par des conspirations ouvertes ou voilées, une instabilité chronique empêchant Haïti de renaître pleinement.
Aujourd’hui, Haïti est un pays pris en otage. Otage d’organisations terroristes tellques que “Gran Grif” et “Viv Ansanm” et alliés dont l’existence même est la conséquence directe de la décomposition de l’État et de l’impunité organisée. Otage d’une classe politique corrompue, qui instrumentalise le chaos pour préserver ses privilèges. Otage aussi d’un système international hypocrite et apatride, qui proclame la paix tout en soutenant les régimes et les circuits qui alimentent la violence et appauvrissent la population. Chaque jour, la faim, l’exode, les kidnappings et la violence criminelle grignotent ce qui reste du contrat social haïtien. Chaque jour, le peuple, comme dans un nouveau bateau négrier à ciel ouvert, subit une traversée sans fin entre désespoir et résignation.
Et pourtant, ce même peuple détient en lui les germes de sa propre renaissance. Il a été capable, dans l’histoire, de faire éclater les empires. Il peut, demain encore, faire tomber les murs de l’injustice. Mais cela exigera plus qu’un sursaut de mémoire. Cela exige un projet national digne de notre passé révolutionnaire, capable de remettre le drapeau là où il doit être : non pas comme un chiffon d’apparat, mais comme un acte vivant, engagé, porteur de dignité, d’éducation, de justice sociale, et de souveraineté véritable.
Ce 18 mai, ne célébrons pas seulement le drapeau. Interrogeons-nous sur ce qu’il représente et sur ce que nous en avons fait. Refusons que le symbole de la liberté serve de paravent à l’oppression moderne du néocolonialisme. Refusons que la mémoire de nos ancêtres serve de décor à notre faillite collective. Haïti mérite mieux que la commémoration passive, dans la honte, la peur, l’indignité et le désespoir. Elle mérite un engagement renouvelé et assumé avec courage et détermination à la hauteur de son histoire et de la prouesse de nos ancêtres. Car c’est à ce prix — et à ce prix seulement — que le sang versé par nos héros cessera d’être trahi.
« Si nou vle viv lib ankò, se pa sèlman drapo pou nou leve — se lespri li pou nou charye. »