Scandale à l’OFATMA : Carl François soupçonné d’avoir détourné plus de 107 millions de gourdes au profit de ses alliés…

PORT-AU-PRINCE, samedi 10 mai 2025 (RHINEWS)— Dans un rapport d’enquête d’une rigueur implacable, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) accuse l’ancien Directeur général de l’Office d’Assurance Accidents du Travail, Maladie et Maternité (OFATMA), Carl François, d’avoir orchestré un vaste montage de contrats frauduleux avec deux entreprises de restauration, VALCUISINE et OLEY EVENTS AND FOOD SERVICES, en violation flagrante de la législation haïtienne sur la passation des marchés publics. Le rapport, daté d’avril 2025, met en lumière un schéma de corruption impliquant abus de fonction, favoritisme, prise illégale d’intérêt, fabrication de faux documents administratifs et préjudices financiers pour l’État haïtien s’élevant à plus de 107 millions de gourdes.

Selon les enquêteurs, les contrats de restauration ont été conclus « sans état des lieux, sans appel d’offres, sans approbation préalable de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP), et sans avis de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) », en totale méconnaissance des obligations légales. Le rapport indique que dès son arrivée en mars 2022, Carl François « a directement pris le contrôle de la cafétéria » et signé des contrats avec les deux entreprises « sans aucune procédure relative au respect de la commande publique » .

L’ULCC révèle que VALCUISINE, principal bénéficiaire, a été enregistrée six jours après la nomination de Carl François et dirigée par Valmine Jean-Jacques, fille de Valérie Nadia Victor, partenaire politique de l’ex-directeur au sein du mouvement MTVAyiti. Le rapport note que « tous les indices concordants démontrent que l’entreprise VALCUISINE a été créée dans le but de bénéficier indûment de ce contrat » . À elle seule, VALCUISINE a perçu plus de 102 millions de gourdes entre 2022 et février 2025, représentant plus de 95 % des fonds alloués à la restauration par l’OFATMA durant cette période .

Outre l’absence d’appel d’offres, le rapport dévoile que certains documents, notamment le NIF de l’entreprise, ont été antidatés et insérés dans des contrats prétendument signés avant leur émission officielle. L’ULCC évoque une « fabrication de faux documents administratifs visant à soutirer frauduleusement des fonds publics » . Le contrat entre l’OFATMA et OLEY EVENTS AND FOOD SERVICES, bien que non signé, stipule l’obligation de fournir des plats les week-ends et jours fériés, alors même que l’OFATMA ne fonctionne que du lundi au vendredi, ce qui constitue une preuve supplémentaire de l’irrégularité des engagements.

Par ailleurs, Carl François a justifié son choix en affirmant qu’il connaissait personnellement les prestataires. Il a déclaré devant la Commission : « Ce sont des gens que je connaissais. Je crois que j’en avais contacté trois (3), mais nous n’en avons retenu que deux. » Il a ajouté que « c’est un ami qui m’avait référé à OLEY EVENT » tout en étant incapable de se souvenir du nom du propriétaire de cette entreprise .

Selon l’ULCC, ces déclarations révèlent non seulement une prise illégale d’intérêt, mais également un abus de fonction caractérisé. En vertu de l’article 5.5 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption, « l’abus de fonction est le fait pour un agent public d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois afin d’obtenir un avantage indu ».

Le rapport établit également un lien direct entre Carl François et la co-directrice de VALCUISINE, Valérie Nadia Victor. Tous deux ont siégé en 2022 dans le comité intérimaire du parti MTVAyiti, respectivement comme Vice-président chargé du développement politique et Vice-présidente en charge de l’administration et des finances. Ce lien, selon la commission, constitue un conflit d’intérêt manifeste, interdit par l’article 5.13 de la même loi, qui punit toute personne dépositaire de l’autorité publique prenant un intérêt quelconque dans une entreprise dont elle assure la supervision ou l’administration.

Le rapport est d’autant plus accablant que l’administration de l’OFATMA n’a pas effectué les retenues fiscales de 2 % exigées par le décret du 29 septembre 2005 sur le montant des marchés. L’ULCC chiffre le manque à gagner pour la Direction Générale des Impôts (DGI) à plus de 2,1 millions de gourdes. À ce sujet, la commission note : « tous les montants inscrits sur les factures ont été versés intégralement aux entreprises, sans prélèvement, ni justification » .

Sur le plan des procédures, la Commission souligne que les montants décaissés dépassaient largement le seuil de 14 millions de gourdes fixé par l’arrêté du 10 juin 2022 pour les marchés de services, obligeant de facto la soumission au contrôle de la CNMP. Or, « l’ancien Directeur Général n’a jamais sollicité cette autorisation », ce qui constitue une violation de l’article 27-1 de la loi du 10 juin 2009 .

L’ULCC dénonce des « violations graves, intentionnelles et répétées » des lois régissant les finances publiques, et recommande la mise en mouvement de l’action publique contre Carl François pour passation illégale de marché, abus de fonction, prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics. Elle exige également l’audit complet de sa gestion par la CSC/CA, la résiliation des contrats irréguliers, la restitution des montants non prélevés au fisc et la restructuration urgente de la Commission Spécialisée des Marchés Publics (CSMP) de l’OFATMA.