République dominicaine, jeudi 22 mai 2025 — Le Réseau Hémisphérique pour les Droits des Migrants Haïtiens (Rezo Emisferik pou Dwa Migran Ayisyen – REDMA) a exprimé sa plus ferme condamnation des nouvelles mesures migratoires annoncées par la République Dominicaine le 6 avril dernier. Ciblant directement les migrants haïtiens et les Dominicains d’origine haïtienne, ces mesures incluent désormais un protocole hospitalier imposant l’identification obligatoire des migrants pour tout accès aux soins, ainsi que leur détention s’ils ne peuvent présenter de documents attestant leur statut légal.
Pour en assurer l’application, le gouvernement dominicain a ordonné le déploiement d’agents de migration dans 33 hôpitaux publics à travers le pays, en ciblant particulièrement les maternités. Ces mesures, conjuguées à la démolition d’une communauté entière de personnes d’origine haïtienne et aux attaques violentes contre les défenseurs des droits humains, illustrent l’escalade d’un climat de violations massives et systématiques des droits des personnes noires en République Dominicaine. Durant les quatre premiers mois de 2025, plus de 119 000 personnes ont été expulsées vers Haïti — une hausse de 71 % par rapport à la même période l’année précédente.
Depuis l’entrée en vigueur de ces mesures le 21 avril, les autorités ont intensifié les rafles migratoires, avec une brutalité particulièrement dirigée contre les femmes enceintes et post-partum dans les hôpitaux. REDMA dénonce la déportation de près de 900 femmes haïtiennes enceintes ou venant d’accoucher, ainsi que de leurs bébés. Des femmes incapables de marcher seules ont été filmées, escortées par des agents d’immigration en plein travail ou à peine sorties d’opération.
Plus grave encore, 154 nouveau-nés ont été déportés sans leur mère en seulement cinq jours à la fin d’avril, selon les autorités haïtiennes à la frontière. Des défenseurs des droits signalent que des femmes ont été expulsées en laissant derrière elles leur enfant nouveau-né. Le 8 mai, un bébé de 5 à 6 mois aurait été déporté sans aucun parent.
Le président de l’Association Médicale Dominicaine a tiré la sonnette d’alarme : « Croyez-vous qu’une femme césarisée, à peine recousue, puisse monter dans un camion avec un nouveau-né d’un jour pour être renvoyée dans un autre pays ? Est-ce humain ? »
Le 9 mai 2025, Lourdia Jean-Pierre, 32 ans, est morte après avoir accouché seule à domicile, de peur d’être arrêtée si elle se rendait à l’hôpital. Cinq enfants ont perdu leur mère. REDMA alerte : Lourdia ne sera pas la seule si cette politique d’exclusion perdure.
Parallèlement aux expulsions ciblant les hôpitaux, les autorités ont démoli le quartier de Mato Mosquito, à Punta Cana, majoritairement peuplé de personnes d’origine haïtienne. Plus de 500 personnes ont été expulsées. Des groupes ultranationalistes comme l’Antigua Orden Dominicana et les Trinitarios ont semé la terreur dans la région, avec la complicité tacite des autorités. Une marche xénophobe organisée par ces groupes le 30 mars a été autorisée par le Ministère de l’Intérieur, escortée par l’armée.
Le 27 avril, lors d’une marche pacifique pour commémorer la Révolution d’avril, les membres du réseau REDMA ont été attaqués par l’Antigua Orden Dominicana. Des anciens travailleurs haïtiens ont dû se réfugier dans une bibliothèque communautaire, à quelques mètres de la police, restée passive.
REDMA rappelle que l’État dominicain a des obligations internationales de protection de la vie humaine, en particulier des femmes et des enfants. Déporter aujourd’hui vers Haïti, pays en proie à une crise humanitaire aiguë, constitue un acte moralement et juridiquement inacceptable. Alors même qu’elle appelle à l’aide internationale pour Haïti, la République Dominicaine viole l’avis de non-refoulement émis par le HCR.
Lors du Forum Permanent de l’ONU pour les Personnes d’Ascendance Africaine, Gabrielle Apollon, coordinatrice de REDMA, a déclaré : « Ce que vit aujourd’hui la population haïtienne en République Dominicaine est une campagne de terreur raciale maquillée en politique migratoire. »
REDMA exige l’arrêt immédiat des détentions dans les hôpitaux, la fin des déportations de femmes enceintes et de malades, la protection des défenseurs des droits humains, et appelle à un boycott touristique de la République Dominicaine tant que perdure ce système de ségrégation raciale à caractère étatique.
REDMA est un réseau transnational de leaders haïtiens et d’organisations de défense des droits des migrants haïtiens, présent dans 14 pays des Amériques, dont Haïti et la République Dominicaine.