Reconduite en détention après son audition par le juge Félismé Benjamin, Magalie Habitant, ex-directrice du SNGRS, est au cœur d’un dossier explosif impliquant des chefs de gangs, des transferts d’argent publics, et plusieurs membres du Conseil Présidentiel de Transition. Des preuves accablantes documentent une collusion entre figures politiques et groupes armés classés terroristes par les États-Unis…
PORT-AU-PRINCE, samedi 24 mai 2025 (RHINEWS) —Magalie Habitant, ancienne directrice du Service national de gestion des résidus solides (SNGRS), a été reconduite en détention ce vendredi 23 mai après son audition par le juge d’instruction Félismé Benjamin. Inculpée pour financement du terrorisme, association de malfaiteurs et complicité avec plusieurs chefs de gangs armés, elle est accusée d’avoir apporté un soutien logistique, financier et opérationnel à la coalition criminelle « Viv Ansanm », récemment classée comme organisation terroriste internationale par les États-Unis.
Selon une source judiciaire proche du dossier, son interrogatoire a permis d’approfondir plusieurs éléments déjà versés au dossier, notamment des enregistrements vocaux, des relevés téléphoniques, des messages WhatsApp et des transferts d’argent confirmant ses contacts directs avec les chefs de gangs les plus recherchés du pays. Parmi eux : Jimmy Chérizier alias « Barbecue », Johnson André alias « Izo », Kempès Sanon alias « Granmoun nan », et Claudy Célestin alias « Chen Mechan ».
Dans l’un des extraits audio remis au juge, Magalie Habitant promet l’envoi de « vingt caisses de cartouches de différents calibres » à Kempès Sanon, en précisant : « Kòm se batay nap batay, fòk nou jwenn 20 kès bal, kès la 3500 sa fè 70,000 dola ». Dans une autre conversation, elle s’engage à livrer un véhicule à un autre chef de gang, confirmant : « Mwen bay fè tout papye pou ou deja ».
Plus troublant encore, elle aurait admis avoir été mandatée en 2021 par feu le président Jovenel Moïse pour négocier la libération d’otages dominicains enlevés par des gangs à Grand Ravine. Une somme d’un million de gourdes aurait alors été remise à un intermédiaire, Ezéchiel Alexandre, lié au ministre Joacéus Nader, pour aboutir à la libération des otages.
Magalie Habitant, dans ses dépositions, a également mentionné un rôle joué dans des démarches politiques en faveur de l’inspecteur général Alain Auguste, actuel directeur central de la police administrative, dont elle aurait appuyé la candidature à la direction générale de la PNH via le soutien stratégique de plusieurs gangs. « M te grandi ak Jimmy Chérizier nan Delmas 6 », a-t-elle déclaré, évoquant ses liens personnels avec des figures du crime organisé, ainsi qu’avec Guy Philippe, ancien sénateur de la Grand’Anse.
Les ramifications politiques de cette affaire se sont étendues jusqu’au Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Dans un interrogatoire daté du 10 janvier 2025, Magalie Habitant a révélé que le militant politique assassiné Dickson Oreste lui avait confié avoir été envoyé par Louis Gérald Gilles, conseiller-président du CPT, pour rencontrer des membres de « Viv Ansanm ». Cette déclaration est considérée comme hautement sensible depuis que les État-Unis ont formellement désigné cette coalition armée comme entité terroriste, en raison de son implication dans des massacres, kidnappings et attaques à Port-au-Prince.
Pour l’heure, le CPT n’a fait aucune déclaration publique concernant ces graves révélations. Mais plusieurs voix s’élèvent pour réclamer des comptes. « Il faut impérativement qu’une enquête administrative soit ouverte. Et si les soupçons se confirment, le membre concerné doit être suspendu et remis à la justice. La légitimité du Conseil en dépend », a déclaré à RHINEWS Me Sonet Saint-Louis, constitutionnaliste.
De son côté, un expert en droit international, sous couvert d’anonymat, souligne : « Si les faits sont avérés, cela relèverait non seulement d’une faute politique grave, mais potentiellement d’une infraction pénale au regard des futures lois antiterroristes que le gouvernement haïtien devra adopter. »
Le juge Félismé Benjamin, qui instruit également le scandale de la Banque nationale de crédit (BNC) impliquant trois conseillers du CPT – Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérald Gilles – devrait prochainement auditionner d’autres figures impliquées dans le financement présumé de « Viv Ansanm », notamment l’ex-député Prophane Victor et Elionor Devallon, directeur de la Caisse d’Assistance Sociale (CAS).
Selon des sources internes à la PNH, Magalie Habitant est formellement identifiée comme « l’un des principaux commanditaires des gangs armés du pays ». Elle est suspectée d’avoir organisé, financé ou favorisé des opérations criminelles majeures, dont l’incendie de Solino en novembre 2024, l’enlèvement d’un groupe d’élèves à la Croix-des-Bouquets en 2020, ainsi que l’attaque contre le convoi de l’ambassade du Chili et du directeur de la DINEPA en 2022.
Les zones couvertes par ses communications incluent des foyers de tension majeurs : Laboule, Malique, Canapé-Vert, Champs-de-Mars, Croix-Desprez, Shodecosa, Duvivier, Solino, Vivy Mitchell. Elle aurait également orchestré la livraison d’un véhicule blindé au chef de gang Jeff Gwo Lwa à partir de négociations avec un homme d’affaires victime de détournement de marchandises.
Des éléments du CNDDR, selon des informations recueillies par RHINEWS, auraient été informés de ces tractations sans jamais intervenir. Certains agents auraient même eu connaissance des transferts d’armes et d’argent facilités par Mme Habitant, en particulier dans les dossiers de libération d’otages, alimentant les soupçons d’une complicité passive ou d’une infiltration des institutions de l’État.
Alors que les États-Unis rappellent que « l’ère de l’impunité pour ceux qui soutiennent la violence en Haïti est révolue », cette affaire pourrait bien provoquer une onde de choc au sommet de l’État haïtien. Une décision du CPT est attendue dans les prochains jours, alors que l’opinion publique exige vérité, justice et restauration de l’État de droit.