MIAMI, mercredi 7 mai 2025 – Récemment fervents partisans de Donald Trump, de nombreux électeurs vénézuéliens de Floride du Sud se disent aujourd’hui désabusés par les politiques migratoires du président, qui ont profondément impacté leur communauté.
Selon un nouveau sondage publié ce lundi par le Latino Public Opinion Forum de l’Université Internationale de Floride (FIU), près de la moitié des électeurs vénézuéliens ayant soutenu Trump en 2024 regrettent désormais leur choix ou expriment des doutes. Cette désaffection croissante survient alors que la Maison Blanche, sous l’impulsion de Trump depuis son retour au pouvoir en janvier, a accéléré les expulsions de migrants et mis fin à des mesures de protection clés comme le Statut de protection temporaire (TPS) accordé aux Vénézuéliens.
Mesure controversée, la révocation du TPS et la suspension du programme de parole humanitaire ont laissé de nombreuses familles divisées, certaines confrontées à des expulsions imminentes. Trump a aussi ordonné la déportation sans procès d’individus soupçonnés d’appartenir au gang Tren de Aragua vers des pays comme El Salvador, ce qui a accentué le climat de peur et de confusion au sein de la diaspora.
Avec près de 118 000 Vénézuéliens résidant dans le comté de Miami-Dade, selon le Pew Research Center, cette communauté joue un rôle électoral déterminant en Floride. En novembre dernier, Trump y avait remporté une victoire historique sur Kamala Harris avec environ 125 000 voix d’avance, devenant le premier Républicain à s’imposer dans la région depuis George H. W. Bush en 1988.
Pourtant, dans le sondage de FIU mené en avril auprès de 408 résidents vénézuéliens de Floride, 39 % des participants déclarent qu’ils envisagent désormais de voter pour un candidat démocrate, indépendant ou non affilié au courant MAGA. Parmi les votants de 2024, 22 % expriment des regrets, 12 % se disent insatisfaits, tandis que 35 % affirment être encore « très satisfaits » de leur choix.
« C’est perçu comme une trahison », commente Eduardo Gamarra, politologue de FIU ayant dirigé l’étude. Il note un clivage profond dans la communauté : entre citoyens et non-citoyens, entre ceux ayant régularisé leur statut et ceux qui vivent dans la précarité juridique. Le soutien au Parti républicain se fragmente, notamment parmi les nouveaux arrivants bénéficiant autrefois du TPS ou de la parole humanitaire.
La fracture est également générationnelle, souligne Gamarra : « Les Vénézuéliens installés avant 2000 sont généralement plus radicaux et pro-républicains. Les plus récents, eux, se sentent abandonnés par les politiques actuelles. » Il observe un phénomène similaire à celui de la communauté cubaine, où les anciens arrivants tendent à se montrer critiques vis-à-vis des nouveaux.
Le sondage révèle aussi l’ampleur des conséquences des décisions de Trump : 57 % des sondés déclarent avoir été affectés personnellement ou indirectement par la fin du TPS. Parmi eux, 21 % disent l’avoir subi directement et 35 % à travers un proche. Près de 80 %de l’ensemble des participants, y compris la moitié des citoyens américains, jugent cette suppression injuste. Une opinion similaire est exprimée au sujet de la fin du programme de parole humanitaire.
Sur la question des expulsions, 61 % estiment qu’elles n’ont pas été menées dans le respect du droit américain. Seuls 18 % jugent la procédure conforme, tandis que 21 % restent incertains.
Dans un climat d’inquiétude croissante, certaines figures politiques locales, comme Laura Kelley, présidente du Parti démocrate du comté de Miami-Dade, appellent au rétablissement des protections pour les Vénézuéliens. Lors d’un rassemblement le 13 février dernier, elle a soutenu une résolution en faveur du retour du TPS, dénonçant les effets dévastateurs des nouvelles politiques migratoires sur des familles déjà fragilisées.
À l’approche des échéances électorales, cette désillusion d’une partie de l’électorat vénézuélien pourrait avoir un impact décisif dans un État pivot comme la Floride, longtemps considéré comme un bastion républicain.
Cet article a été publié initialement en anglais sur: https://www.newsweek.com/venezuelan-voters-miami-dade-florida-trump-2068811