GENÈVE, jeudi 12 juin 2025 (RHINEWS) — Le monde compte aujourd’hui 122,1 millions de personnes déplacées de force, selon les dernières données publiées ce jeudi par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Ce chiffre marque une nouvelle étape alarmante dans une décennie de déplacements continus, provoqués par les guerres, la répression, les catastrophes climatiques et l’effondrement des États. En parallèle, l’agence onusienne s’inquiète de coupes budgétaires jugées « brutales » dans l’aide humanitaire, alors même que les besoins atteignent des sommets inédits.
« Nous vivons une époque marquée par une instabilité profonde dans les relations internationales, où les conflits modernes créent un paysage déchiré par la souffrance et le désespoir », a déclaré Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Il appelle les États et les bailleurs de fonds à une action immédiate face à ce qu’il qualifie de crise mondiale d’une ampleur historique.
Parmi les pays les plus affectés, le Soudan établit désormais le record absolu de personnes déplacées à l’intérieur d’un même pays, avec 14,3 millions de personnes déracinées, soit un tiers de sa population. En Syrie, où la chute du président Bachar al-Assad a permis à plus de 1,7 million de personnes de retourner chez elles depuis novembre 2024, la dynamique s’est inversée, mais les traces de treize années de guerre restent profondes.
Loin des projecteurs, Haïti est aujourd’hui en proie à une catastrophe humanitaire majeure passée sous silence, selon les Nations Unies. 1,3 million de personnes y sont déplacées internes, fuyant les violences extrêmes imposées par des groupes armés qualifiés de terroristes, dont les coalitions Gran Grif et Viv Ansanm. Ces groupes ont intensifié depuis deux ans leurs assauts contre des quartiers entiers, brûlant des habitations, exécutant des civils et forçant des familles à fuir à pied, sans accès à l’eau ni aux soins.
Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) confirme que plus de 85 % de Port-au-Prince est aujourd’hui sous influence directe ou indirecte de bandes armées, rendant toute réponse humanitaire structurelle extrêmement difficile. Les zones de l’Artibonite, du Plateau Central et de la région métropolitaine connaissent une recrudescence des violences, forçant les populations à se déplacer à l’intérieur du pays dans des conditions alarmantes.
« Haïti est en voie de devenir une crise de déplacement prolongée, similaire à celles que nous observons en Afrique ou au Moyen-Orient, mais avec un niveau d’attention internationale dramatiquement insuffisant », alerte un représentant du HCR basé dans la région Caraïbe. Des dizaines de milliers de déplacés vivent aujourd’hui dans des écoles, des bâtiments publics abandonnés ou sous des bâches dans des camps de fortune, sans accès régulier à la nourriture, à l’hygiène ou à l’éducation.
Au total, selon le rapport du HCR, 73,5 millions de personnes dans le monde sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Parmi elles, 60 % ne franchissent jamais de frontière, ce qui en fait des déplacés « invisibles », souvent exclus des systèmes de protection juridique.
Le HCR déplore également que 67 % des réfugiés dans le monde soient accueillis par des pays voisins, souvent à revenu faible ou intermédiaire, mettant à rude épreuve leurs systèmes sociaux. Or, le financement mondial de l’aide humanitaire est resté au niveau de 2015, malgré un doublement du nombre de personnes à aider. Cette stagnation, qualifiée de « scandaleuse » par plusieurs responsables humanitaires, fragilise gravement les efforts de stabilisation, d’assistance et de réintégration.
Le rapport indique qu’en 2024, près de 10 millions de déplacés ont pu regagner leur foyer, un chiffre en hausse, mais souvent réalisé dans des « contextes politiques et sécuritaires défavorables ». C’est notamment le cas de milliers d’Afghans rapatriés de force, ou de réfugiés syriens retournés dans des régions détruites, sans garantie de reconstruction.
« Le monde fait face à une accumulation de crises simultanées : certaines font la une, d’autres s’enlisent dans l’oubli. Mais pour les personnes déracinées, l’urgence est la même partout », a conclu Filippo Grandi. Le HCR appelle instamment à revoir à la hausse les engagements internationaux en faveur des déplacés internes, des réfugiés et des communautés hôtes, soulignant qu’il s’agit non seulement d’un impératif humanitaire, mais aussi d’un investissement pour la sécurité régionale et mondiale.