Le ministre de l’Éducation nationale appelle à une refondation sociale et à la solidarité face à la crise…

Antoine Augustin, ministre de l'education nationale...

CAP-HAÏTIEN, 18 mai 2025 (RHINEWS)À l’occasion de la célébration du 222e anniversaire du drapeau haïtien, marquée cette année par une cérémonie officielle tenue au Cap-Haïtien, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, M. Antoine Augustin, a appelé à une solidarité nationale renouvelée et à une refondation sociale centrée sur l’éducation.

Dans une allocution mêlant récit historique, diagnostic social et engagement républicain, le ministre a dressé un parallèle entre les divisions ethniques, sociales et régionales surmontées à la veille de l’indépendance, et les fractures actuelles de la société haïtienne. « Le 18 mai, c’est la date qui a permis de construire un drapeau, un langage commun, un projet de liberté partagé », a-t-il rappelé, évoquant les tensions historiques entre le Sud, le Nord et l’Ouest, entre Noirs, affranchis et esclaves africains d’origines diverses.

Rendant hommage à Catherine Flon, « femme de peau courte, couturière de l’espérance », le ministre a souligné que le Congrès de l’Arcahaie et l’adoption du drapeau bicolore incarnent « la nécessité historique de surmonter les divisions pour faire nation ». Il a souligné la résonance actuelle du thème de cette année — Un seul drapeau, un seul peuple, une seule nation — dans un contexte de délitement du lien social.

Revenant sur la crise sécuritaire et sociale, M. Augustin a déploré l’effondrement des repères moraux et les dérives d’une jeunesse désœuvrée et livrée à la violence. « Les frères ont braqué les frères, les cousins ont tué les cousins », a-t-il déclaré, dressant un tableau sombre de la situation dans la capitale. « Port-au-Prince s’effondre. La classe moyenne est cassée. On prend les maisons, on pille, on tue, on brûle. »

Face à cette réalité, le ministre a lancé un appel à la résilience collective et au retour du sens du bien commun, fondé sur une alliance nationale autour de l’éducation. Il a cité les efforts de son ministère pour soutenir l’Université d’État d’Haïti, fortement affectée par la violence : onze entités universitaires de Port-au-Prince sont impactées, dont l’École normale supérieure, la Faculté des sciences humaines et la Faculté de médecine.

« L’université est un pilier du pays. Elle est en danger. Nous devons la protéger et la soutenir pour ne pas perdre l’intelligence de demain », a-t-il insisté, annonçant que le gouvernement a mobilisé 4 405,4 millions de gourdes pour soutenir les universités publiques et relocaliser plusieurs entités.

M. Augustin a également salué les efforts du Premier ministre en faveur du personnel éducatif, évoquant la signature récente de nominations attendues depuis plusieurs années par des enseignants. Il a promis l’instauration d’un dialogue soutenu avec les syndicats de l’éducation afin de répondre à leurs revendications légitimes.

En conclusion, il a exprimé sa gratitude envers les enseignants, chercheurs et éducateurs qui « tiennent la craie, élèvent les consciences et continuent de croire en la République malgré les difficultés ». Selon lui, « le drapeau n’est pas seulement un symbole : c’est une mémoire vivante, une promesse de justice, un appel à reconstruire un pays pour tous, et non pour quelques-uns ».

De son côté, le recteur de l’Université d’État d’Haïti (UEH), M. Dieuseul Prénélus, a lancé un appel solennel à la responsabilité collective, face à ce qu’il a qualifié de crise « inédite dans son ampleur ». S’exprimant devant un parterre de membres du gouvernement, de représentants de la transition, du secteur judiciaire et de la communauté universitaire, il a dressé un constat alarmant sur l’état du pays et de son système universitaire, tout en formulant des propositions pour reconstruire le tissu social.

« La société haïtienne est menacée dans son existence même », a déclaré le recteur. « Les problèmes auxquels nous faisons face questionnent notre capacité à faire communauté. L’heure n’est plus au blâme, mais à la reconnaissance de nos faux pas collectifs. »

Insistant sur le rôle vital de l’université en tant que rempart intellectuel et citoyen, M. Prénélus a dénoncé l’impact de l’insécurité sur l’enseignement supérieur. « Les onze entités de Port-au-Prince sont toutes touchées. Certaines sont vandalisées, d’autres sont devenues inaccessibles. La Faculté de linguistique appliquée abrite à ce jour des centaines de déplacés. »

Le recteur a exhorté à des mesures urgentes : relocalisation, développement de cours en ligne, décentralisation de la formation. Il a salué l’appui du ministère pour la location d’espaces provisoires et la continuité des activités universitaires, tout en plaidant pour une intégration stratégique de l’université dans les politiques publiques. « Il est urgent que l’université joue pleinement son rôle dans la formation des cadres et la consolidation de l’État. »

Dans un passage à portée historique et diplomatique, M. Prénélus a annoncé que l’UEH a été mandatée par le Conseil présidentiel de transition pour coordonner les travaux du Comité national de restitution et de réparation, dans le cadre du bicentenaire de l’imposition de l’indemnité de 1825 par la France. Il a salué l’accord signé le 17 avril 2025 entre les gouvernements haïtien et français, relatif à la création d’une commission mixte franco-haïtienne.

« Notre ambition est de faire de ce comité une passerelle solide, un véritable pont entre Haïti et la France. D’abord pour garder vivante la mémoire de l’esclavage, ensuite pour continuer le combat pour la restitution et la réparation », a affirmé le recteur, ajoutant que des consultations sont en cours avec les universités et la société civile pour finaliser la composition du comité.

M. Prénélus a invoqué l’héritage des fondateurs de la nation, « les artisans de notre liberté, ceux qui ont versé leur sang pour que flotte cette bannière », et lancé une mise en garde : la survie de l’Université d’État d’Haïti « dépasse la seule responsabilité du rectorat. Elle est un enjeu national ».