La PNH célébré ses 30 ans : le RNDDH dénonce “une institution sacrifiée. 33 morts en un an, des drones inefficaces, un budget de guerre sans impact”

Des policiers haitiens au moment de leur graduation...

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a salué, dans un rapport publié ce 12 juin 2025, l’engagement et le courage des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH), tout en dressant un constat alarmant sur l’état de l’institution. À l’heure où la violence des gangs armés, notamment ceux de la coalition terroriste Viv Ansanm, paralyse une grande partie du territoire, la PNH, affaiblie par des carences budgétaires, des retards de primes, une dépendance excessive à l’aide internationale et une absence de coordination stratégique, se retrouve en première ligne sans moyens adéquats. Selon le RNDDH, 33 policiers ont été tués entre juin 2024 et juin 2025, tandis que les forces de l’ordre continuent d’être ciblées, isolées et parfois abandonnées dans les zones de conflit. L’organisme dénonce un « budget de guerre » qui ne profite que très peu à l’investissement réel, et appelle à une réforme profonde et immédiate du fonctionnement de l’institution policière.

 

PORT-AU-PRINCE, 12 juin 2025 (RHINEWS) Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a publié ce 12 juin un rapport accablant à l’occasion du 30ème anniversaire de la Police Nationale d’Haïti (PNH), saluant le courage des policiers tout en dénonçant les graves carences institutionnelles et la vulnérabilité structurelle de l’institution face à l’expansion des groupes armés, notamment la coalition terroriste Viv Ansanm.

« De nombreux policiers.ères n’ont jamais cessé de se battre en vue de rétablir l’ordre et la sécurité, souvent au péril de leur vie », souligne le rapport, qui dénombre pas moins de 33 policiers tués entre juin 2024 et juin 2025, dont 48,5 % lors d’opérations de terrain. Parmi eux, des agents spécialisés de l’UTAG, du SWAT ou de l’UDMO tombés à Delmas, Solino, Mirebalais ou encore Fort-National.

Le RNDDH déplore que plusieurs policiers aient dû fuir leurs domiciles à Carrefour-Feuilles, Delmas ou Solino — zones désormais contrôlées par des gangs — et vivent dans des conditions précaires, parfois dans les commissariats mêmes où ils sont affectés. « Cet état de fait, qui semble ne pas préoccuper le Conseil Supérieur de la Police Nationale, illustre la détresse du corps policier », dénonce l’organisme.

Le budget rectificatif adopté le 21 avril 2025, présenté par les autorités comme un « budget de guerre », consacre 32,9 milliards de gourdes à la PNH, soit un peu plus de 10 % du budget national. Mais le RNDDH critique sa répartition : « 73 % de ce budget est consacré aux salaires, tandis que seulement 3 % du budget national est réellement investi dans l’acquisition de matériel, l’équipement et l’aménagement des infrastructures. Voilà ce à quoi ressemble un budget de guerre pour les autorités de la transition : un budget qui n’a de guerre que le nom. »

Si plusieurs matériels — fusils, véhicules blindés, drones — ont été livrés grâce à des dons du Canada, de la France ou des États-Unis, le RNDDH s’alarme de la dépendance persistante de la PNH vis-à-vis des partenaires étrangers pour son équipement stratégique. « L’institution compte beaucoup trop sur les coopérations, ce qui met les agents.es dans une position de grande vulnérabilité face aux gangs lourdement armés », avertit l’organisation.

Les primes de risque, instaurées par décret depuis 2022 pour les agents participant à des opérations spéciales, ne sont presque jamais versées en raison de procédures opaques. « De nombreux policiers.ères ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions sans que des mesures significatives aient été adoptées en vue de soutenir leurs familles », critique le RNDDH, qui rappelle que même les funérailles des agents tombés au combat sont difficiles à organiser.

Le rapport fustige également la gestion de la Task Force mise en place par la Primature pour lancer des frappes de drones kamikazes contre les bastions des gangs, estimant qu’elle est inefficace et dépourvue d’encadrement opérationnel clair. « À date, aucune zone n’est reprise définitivement, et aucun bandit notoire n’a été capturé », affirme le document. Le RNDDH dénonce par ailleurs l’exclusion de la PNH et des FAD’H de la coordination stratégique des frappes. « Le danger est réel : une structure armée et opaque placée sous le contrôle d’autorités politiques jadis accusées d’instrumentaliser les gangs est une menace pour la démocratie. »

En matière de réformes, le RNDDH appelle à la mise en œuvre réelle du plan de carrière adopté par arrêté le 23 avril 2024 et du décret du 1er juillet 2022 sur les primes de risque. Il recommande également de transférer au renseignement de la PNH les fonds dits de l’intelligence, jusqu’ici gérés de façon discrétionnaire par l’exécutif.

L’organisation conclut en exhortant les autorités de la transition à intensifier les efforts pour fournir à la PNH un encadrement digne, des ressources adéquates, un commandement transparent et des conditions de travail à la hauteur de la mission des policiers. « Le trentième anniversaire de la PNH doit être une occasion de réforme profonde, non un simple rituel de commémoration dans un pays en guerre contre lui-même », conclut le rapport.