Haïti : un record de 1,3 million de déplacés internes alors que la violence des gangs s’étend au-delà de Port-au-Prince…

Jimmy 'Barbecue'' Cherizier, chef du ''G-9 an Fanmi e Alye'' lourdement arme...

NEW YORK, mercredi  11 juin 2025 (RHINEWS)Haïti a franchi un seuil dramatique avec près de 1,3 million de déplacés internes recensés en raison de la recrudescence des violences liées aux gangs, a alerté mercredi l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), précisant qu’il s’agit du plus grand nombre jamais enregistré dans l’histoire récente du pays.

« Cela représente une augmentation de 24 % depuis décembre 2024, et cette progression illustre l’ampleur catastrophique de la crise actuelle », a déclaré l’OIM, soulignant que derrière ces chiffres se cachent « des enfants, des mères, des personnes âgées, dont beaucoup ont été contraintes de fuir à plusieurs reprises, sans ressources et dans des conditions précaires ». Pour Amy Pope, Directrice générale de l’OIM, « la résilience du peuple haïtien ne peut plus être son seul refuge. Cette crise ne peut pas devenir la nouvelle normalité ».

Ces données ont été rendues publiques à l’occasion d’une réunion de haut niveau organisée ce mercredi au siège des Nations Unies à New York, convoquée par le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix (CCP), autour du thème : « Construire et pérenniser la paix en Haïti ».

Lors d’une conférence de presse conjointe, Bob Rae, Président de l’ECOSOC, a insisté sur le caractère « existentiel » de la crise haïtienne : « Il est impératif d’avoir une discussion franche sur les réponses concrètes à apporter. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter la puissance de feu », a-t-il déclaré.

La Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, María Isabel Salvador, a de son côté rappelé la nature « multifactorielle » de la crise : « La réponse internationale doit être à la hauteur de l’urgence, de la complexité et de l’échelle du défi. Il faut conjuguer appui sécuritaire, consolidation de la paix, aide humanitaire et soutien politique. »

Sur le terrain, Port-au-Prince reste l’épicentre de la crise, mais les violences se propagent dans d’autres régions. Les récentes attaques dans les départements du Centre et de l’Artibonite ont provoqué des vagues massives de déplacements. Dans l’Artibonite, les violences à Petite Rivière ont chassé des milliers de personnes, portant le nombre total de déplacés dans ce département à plus de 92.000. Dans le Centre, les affrontements à Mirebalais et Saut-d’Eau ont plus que doublé le nombre de déplacés, qui est passé de 68.000 à 147.000 en quelques mois.

Depuis décembre, le nombre de sites spontanés de déplacés est passé de 142 à 246, avec une forte concentration dans des zones auparavant épargnées comme le département du Centre, désormais doté de 85 sites. Environ 83 % des personnes déplacées sont hébergées chez des familles d’accueil, mettant à rude épreuve les ressources déjà limitées des communautés rurales.

La situation est d’autant plus critique que Haïti entre dans la saison des ouragans 2025 sans stock d’urgence. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué que, pour la première fois, il ne dispose ni de stocks alimentaires prépositionnés, ni de liquidités pour répondre rapidement à une catastrophe naturelle. Par le passé, l’agence pouvait venir en aide immédiatement à 250.000 à 500.000 personnes après un cyclone ou une tempête.

Le manque de financement entrave également la réponse humanitaire. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les besoins vitaux des déplacés ne sont pas couverts. Si des kits d’eau, d’hygiène et de santé pour environ 120.000 personnes ont été prépositionnés, les besoins alimentaires restent criants. « Haïti est aujourd’hui l’un des cinq pays au monde les plus proches de la famine », prévient l’OCHA. Plus de 5,7 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, dont 2,1 millions à des niveaux d’urgence.

Le Plan de réponse humanitaire 2025, estimé à 908 millions de dollars, n’a reçu que 75 millions à ce jour, soit à peine 8 % de l’enveloppe nécessaire.

Selon l’ONU, les gangs armés contrôlent environ 85 % de la capitale. Depuis mi-février, ils ont étendu leur influence à plusieurs zones autrefois sous contrôle de l’État, multipliant les attaques, les viols, les pillages, et les déplacements forcés. Cette spirale de violence laisse une population exténuée, sans accès aux services de base, vulnérable face à une crise humanitaire qui s’aggrave de jour en jour.