Haïti-République dominicaine : Calvaire des migrants haïtiens — femmes enceintes expulsées après leur hospitalisation, travailleurs surexploités et humiliés…

Des Haïtiens détenus pour expulsion se trouvent dans un camion de police sur un pont frontalier entre Dajabón, en République dominicaine, et Haïti, le 11 octobre 2023. (Photo AP/Ricardo Hernandez)

SANTO DOMINGO, mercredi 23 avril 2025 (RHINEWS)— La République dominicaine a procédé, lundi, à l’expulsion brutale de plus de 130 femmes et enfants haïtiens, dans le cadre d’un raid mené dans des hôpitaux publics contre les migrants en situation irrégulière. Parmi les personnes arrêtées figuraient 48 femmes enceintes, 39 mères ayant récemment accouché et 48 enfants, selon les autorités migratoires dominicaines.

Cette opération s’inscrit dans une série de quinze mesures annoncées par le président Luis Abinader, visant à restreindre davantage l’accès au territoire dominicain pour les ressortissants haïtiens, malgré l’effondrement de l’État haïtien et l’insécurité généralisée provoquée par les gangs armés.

Les femmes arrêtées ont été transférées dans un centre de détention pour y être fichées biométriquement, avant d’être conduites sous escorte à la frontière d’Elías Piña et livrées aux autorités haïtiennes. Le gouvernement dominicain affirme que les déportées ont été « traitées avec dignité », transportées à bord de bus « climatisés et équipés de sièges rembourrés, de caméras de surveillance et de sanitaires ».

Mais ces affirmations officielles sont vivement contredites par le Collège dominicain des médecins, qui qualifie cette vague d’expulsions d’« inhumaine », estimant qu’un tel traitement dissuadera désormais les migrants haïtiens d’accéder aux soins médicaux, même en situation d’urgence.

Près d’un million d’Haïtiens vivent actuellement en République dominicaine, souvent sans statut légal pour certains et dans des conditions de grande précarité. Une étude récente a révélé que 33 000 femmes haïtiennes avaient accouché dans des hôpitaux dominicains en 2024.

Le président Abinader a récemment ordonné aux hôpitaux publics de vérifier systématiquement l’identité, les permis de travail et la résidence légale des patients, précisant que ceux ne répondant pas aux critères seraient soignés puis expulsés. « La générosité du pays ne sera pas exploitée », a-t-il déclaré.

Selon l’AFP, plus de 80 000 Haïtiens ont déjà été expulsés entre janvier et mars 2025. Plusieurs ONG dénoncent une politique de « cruauté systématique » envers des personnes fuyant la violence, la faim et l’effondrement des services essentiels dans leur pays.

Au-delà des hôpitaux : l’exploitation systémique des travailleurs haïtiens

En République dominicaine, les migrants haïtiens, souvent sans papiers, forment la colonne vertébrale de secteurs entiers de l’économie. Ils représentent près de 90 % de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction, où ils sont employés sans contrat, sans protection sociale, et pour des salaires dérisoires.

Dans les plantations de canne à sucre, ces ouvriers sont traités de manière inhumaine : journées interminables, logements insalubres, salaires impayés, et privation de documents d’identité pour empêcher toute fuite ou réclamation. De nombreux travailleurs haïtiens dénoncent des pratiques de vol systématique de leurs salaires et une surveillance quasi esclavagiste de la part de certains employeurs et agents de sécurité.

« Les Haïtiens donnent leur force de travail pour faire tourner l’économie dominicaine, mais on les traite pire que des animaux », confie un défenseur local des droits humains, sous couvert d’anonymat.

Alors même qu’ils contribuent à la richesse du pays voisin dans l’anonymat et la peur, ces migrants haïtiens sont constamment exposés à la violence institutionnelle, aux expulsions arbitraires et à une hostilité racialisée enracinée dans des décennies d’haïtianophobie.

La politique menée par le président Luis Abinader est dénoncée par de nombreuses organisations comme raciste et discriminatoire. Le refus d’accorder la nationalité dominicaine aux enfants haïtiens nés sur le sol dominicain, les rafles de masse, la construction d’un mur frontalier et les expulsions d’enfants et de femmes enceintes illustrent une stratégie de rejet systématique du peuple haïtien, y compris dans ses heures les plus sombres.

Alors que plus de 5 600 personnes ont été tuées en Haïti en 2024 dans des actes de violence liés aux gangs, que des hôpitaux ferment les uns après les autres, la cheffe de la mission des Nations Unies en Haïti, María Isabel Salvador, a mis en garde contre un « point de non-retour ». Pourtant, la République dominicaine, au lieu de faire preuve de solidarité, choisit l’humiliation et l’expulsion.