PORT-AU-PRINCE, vendredi 30 mai 2025 (RHINEWS) –La Fondasyon Je Klere (FJKL)appelle le gouvernement intérimaire haïtien à faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles des mercenaires liés à l’ancienne firme de sécurité américaine Blackwater seraient impliqués dans les opérations de lutte contre les gangs armés. Cette requête fait suite à des révélations de presse indiquant que le chef de cette entreprise privée, tristement célèbre pour son implication dans des exactions en Irak, aurait été engagé par les autorités haïtiennes dans le contexte d’une insécurité galopante.
L’organisation de défense des droits humains ne remet pas en cause la nécessité d’une réponse ferme face à la terreur imposée à la population par les bandes criminelles. Elle rappelle que les violences extrêmes – incluant des meurtres de masse, des viols systématiques, des incendies criminels, des pillages, des enlèvements contre rançon, des déplacements forcés et la destruction d’infrastructures publiques et privées – plongent les civils dans une détresse absolue et paralysent tout fonctionnement institutionnel. « Les horreurs commises par les gangs armés contre la population civile sont de nature à justifier le recours temporaire de l’État à une telle formule pour épauler les forces de l’ordre dans leur mission de garantir l’ordre public et la tranquillité des rues », admet la FJKL dans son communiqué.
Mais tout en reconnaissant la gravité de la situation sécuritaire, la FJKL insiste sur la nécessité impérative d’encadrer juridiquement et politiquement cette démarche, en soumettant toute intervention étrangère à un minimum de transparence démocratique. Elle exige que le gouvernement informe la population sur la durée du contrat, son coût exact, les clauses juridiques encadrant la mission de ces mercenaires, et surtout les règles d’engagement auxquelles ils seraient soumis, notamment en matière de respect des droits fondamentaux. « La population a le droit d’être informée de ses protections en cas d’abus ou d’usage excessif de la force armée, et les organisations de défense des droits humains doivent pouvoir exercer leur mission de surveillance sans entrave », poursuit le communiqué.
Dans un pays marqué par une histoire de tutelle militaire et d’interventions extérieures controversées, cette initiative soulève une vive inquiétude quant à une possible dérive vers la privatisation durable de la fonction sécuritaire, traditionnellement assumée par l’État. La FJKL met en garde contre toute tendance à déléguer la force publique à des entreprises privées étrangères, dont les pratiques passées sont entachées de violations graves, sans garantir un processus de reddition de comptes. Elle estime qu’une telle option, si elle venait à s’installer durablement, représenterait un danger pour la souveraineté nationale, mais aussi pour les droits des citoyens.
Afin que ce recours exceptionnel ne devienne pas un précédent inquiétant, la FJKL appelle les autorités à adopter en parallèle des mesures structurelles de renforcement des institutions sécuritaires haïtiennes. Elle rappelle que seule une police réformée, encadrée et dotée de moyens modernes, ainsi qu’une armée nationale disciplinée et formée, peuvent à terme garantir la sécurité publique sur une base stable et légitime. Elle insiste aussi sur la nécessité de créer un service de renseignement fonctionnel, capable de prévenir les menaces plutôt que de simplement y réagir, et d’améliorer de manière significative les conditions de vie et de travail des agents en uniforme, afin de restaurer la confiance entre la population et les forces de sécurité.
La FJKL réitère que toute solution durable à la crise sécuritaire haïtienne doit s’ancrer dans un renforcement de la capacité étatique, dans le respect de la légalité républicaine et des droits humains. « La sécurité est une mission souveraine. Elle ne peut être abandonnée à des entités privées dont les intérêts n’épousent pas nécessairement ceux du peuple haïtien », conclut l’organisation.