Haïti – Le RNDDH dénonce la nomination de Jean Rebel Dorcénat au sein de la CNDDR : “Une insulte aux victimes et une menace pour la sécurité nationale”…

Jean Rebel Dorcénat, CNDDR

PORT-AU-PRINCE, vendredi 2 mai 2025– (RHINEWS) – Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a adressé une série de lettres aux membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), exprimant avec une rare fermeté son opposition à la nomination de Jean Rebel Dorcénat comme membre de la Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR). L’organisation dénonce une décision qui, selon elle, « risque d’aggraver encore plus la situation sécuritaire du pays », allant jusqu’à qualifier ce choix de « gifle aux victimes » et de « trahison envers la population haïtienne ».

Dans des correspondances identiques adressées à Fritz Alphonse Jean, président du CPT, ainsi qu’à Lesly Voltaire, Edgard Leblanc Fils et Laurent Saint-Cyr, le RNDDH rappelle que Jean Rebel Dorcénat, déjà porte-parole de la CNDDR depuis sa réactivation par décret du 8 mars 2019, a contribué non pas à affaiblir les gangs mais à les consolider. « Depuis, cette structure, au lieu de procéder au désarmement et au démantèlement des gangs armés, les a consolidés », lit-on dans les lettres signées par Pierre Espérance, directeur exécutif du RNDDH. Le document accuse explicitement Dorcénat d’avoir « plaidé activement et publiquement en faveur » des groupes criminels, renforçant leur pouvoir notamment via des prises de parole dans des émissions radiophoniques.

Le RNDDH retrace le parcours de celui qu’il considère aujourd’hui comme « un protecteur des bandits armés » et « un allié sûr du chef de gang Jimmy Chérizier alias Barbecue ». Il accuse Jean Rebel Dorcénat d’avoir été un architecte central dans la formation et la fédération des deux principales coalitions criminelles du pays, à savoir le G-9 An Fanmi e Alye et le G-Pèp. En 2020, il aurait été instrumental dans leur création, et en 2024, il aurait œuvré à leur unification sous la bannière de « Viv Ansanm », une fédération que le gouvernement américain vient récemment de classer comme organisation terroriste, aux côtés de Base Gran Grif.

« Voilà donc comment a été créée la fédération terroriste Viv Ansanm qui, composée de gangs armés forts de leur alliance avec Jean Rebel Dorcénat, sème la terreur dans le pays qui sombre de plus en plus dans le chaos », écrit le RNDDH, soulignant que la situation actuelle est la conséquence directe d’une politique de cohabitation entre l’État et les forces criminelles.

Les accusations formulées sont graves. Selon les correspondances, Dorcénat aurait eu connaissance, dès les premières minutes, des cas d’enlèvements survenus ces dernières années. « Il pouvait, avec exactitude, fournir aux proches des victimes des informations précises sur les gangs qui avaient opéré et sur les lieux de séquestration », affirme l’organisation, ajoutant que ces éléments laissent penser à une complicité active, voire une coordination tacite avec les auteurs de ces crimes.

Le RNDDH va plus loin encore, en alléguant que Jean Rebel Dorcénat aurait profité de ses fonctions sous l’administration de Jovenel Moïse pour faciliter l’approvisionnement des gangs en armes, munitions et financements. L’organisation indique même que certaines de ces armes auraient été revendues à des institutions autonomes de l’État, sans toutefois nommer lesquelles.

Pour le RNDDH, cette nomination est perçue comme une offense directe aux victimes. « Elle constitue une prime à la banalisation de la vie et une insulte aux innombrables victimes de G-9 An Fanmi e Alye, de G-Pèp et de Viv Ansanm », insistent les signataires. Ils ajoutent que cette décision représente une gifle aux « femmes violées, aux déplacé.e.s et à tout un peuple pris en otage par les groupes armés ».

Rappelant que les États-Unis ont récemment déclaré Viv Ansanm et Base Gran Grif comme des entités terroristes, le RNDDH avertit que le maintien de Dorcénat à ce poste revient à renforcer « le règne de l’impunité » et à « trahir encore une fois la promesse de changement et de sécurité faite à la population haïtienne ». L’organisation exige par conséquent l’« annulation immédiate » de cette nomination.

« En acceptant de reconduire une figure aussi controversée, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) opte pour la continuité d’un système d’impunité criminelle, en opposition flagrante aux aspirations du peuple haïtien », conclut le RNDDH.

Cette sortie du RNDDH vient ajouter une pression politique considérable sur les membres du CPT, à un moment où la transition peine à démontrer sa rupture avec les pratiques du passé. La prise de position publique de Pierre Espérance et de son équipe vise à avertir que la paix ne saurait être garantie si ceux qui ont facilité la terreur hier sont appelés à la combattre aujourd’hui.