GENÈVE, vendredi 13 juin 2025 (RHINEWS/ONU) – Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a tiré la sonnette d’alarme ce vendredi sur l’aggravation dramatique de la crise sécuritaire et humanitaire en Haïti, marquée par une intensification des violences des gangs armés et une expansion incontrôlée de leur emprise bien au-delà de Port-au-Prince.

« Je suis horrifié par la propagation croissante des attaques de gangs et autres violations des droits humains au-delà de la capitale, et profondément préoccupé par leur impact déstabilisateur sur d’autres pays de la région », a déclaré M. Türk dans un communiqué officiel, soulignant l’ampleur inédite des violences enregistrées depuis le début de l’année.

Selon les données vérifiées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), au moins 2.680 personnes ont été tuées entre le 1er janvier et le 30 mai 2025, dont 54 enfants. 957 personnes ont été blessées et 316 autres enlevées contre rançon, tandis que la violence sexuelle et le recrutement d’enfants par les gangs connaissent une hausse inquiétante.

La crise a également entraîné le déplacement forcé de plus de 1,3 million de personnes, un chiffre record dans l’histoire contemporaine du pays. Des centres d’accueil débordés hébergent des familles entières ayant fui les massacres, les pillages ou les incendies de leur maison.

Le Haut-Commissaire a évoqué plusieurs épisodes récents particulièrement macabres. À Mirebalais, au centre du pays, des gangs ont attaqué en mars la prison locale et libéré plus de 515 détenus, tout en détruisant des infrastructures policières et civiles. Dans la région du Bas-Artibonite, des affrontements sanglants entre gangs et groupes d’autodéfense ont causé la mort d’au moins 25 personnes le 20 mai, certaines tuées à la machette dans une église, avant que leurs corps ne soient traînés dans la rue puis incendiés.

Dix jours plus tard, dans le quartier de Pernier, à Port-au-Prince, six membres d’une même famille, dont quatre filles âgées de 2 à 14 ans, ont été assassinés à leur domicile par trois gangs alliés. Ce massacre, commis en représailles à l’intensification des opérations policières, illustre la terreur aveugle exercée sur la population civile.

Les forces de l’ordre haïtiennes ont, de leur côté, multiplié les interventions dans la capitale. Le HCDH note que 1.448 personnes ont été tuées lors d’opérations policières depuis janvier, et au moins 65 autres ont été sommairement exécutées par des agents de l’État. « Tout recours à la force meurtrière par les forces de l’ordre doit toujours être conforme au droit relatif aux droits humains », a rappelé M. Türk, insistant sur les principes de légalité, proportionnalité, et responsabilité.

Le chef des droits de l’homme a désigné l’impunité persistante et la corruption comme des catalyseurs de la crise actuelle. « Il est essentiel que les autorités respectent leur engagement de lutter contre tous les crimes, y compris les violences sexuelles et les crimes financiers tels que la corruption », a-t-il déclaré.

Volker Türk a appelé la communauté internationale à soutenir de toute urgence la Mission multinationale d’appui à la sécurité dirigée par le Kenya, déployée récemment mais insuffisamment équipée et dotée de moyens limités. Il a également demandé la stricte application de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Enfin, le Haut-Commissaire a lancé un appel à tous les États pour qu’ils cessent les expulsions forcées vers Haïti, où la vie de nombreux rapatriés est immédiatement mise en danger, et pour qu’ils assurent la protection des réfugiés haïtiens contre toute forme de discrimination ou de stigmatisation.

Alors que l’État haïtien peine à reprendre le contrôle du territoire, la voix du système onusien alerte une fois de plus sur le risque d’effondrement total des structures sociales si aucune réponse internationale concertée n’est apportée dans les plus brefs délais.