–AU-PRINCE, vendredi 9 mai 2025 (RHINEWS)– Dans un arrêt rendu ce mercredi 30 avril 2025, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) a jugé illégale et arbitraire la décision du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) déclarant le magistrat Bredy Fabien « non certifié », en raison du motif invoqué d’« absence d’intégrité morale » et du fait qu’il serait « très décrié ». Cette décision, prise par le CSPJ le 16 janvier 2023, avait pour conséquence directe de mettre fin à la carrière du magistrat au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.
Dans son arrêt, la CSCCA, présidée par le conseiller Saint Juste Momprévil, assisté des juges Fritz Robert St Paul et Rogavil Boisguéné, a statué que « la décision attaquée ne s’apparente aucunement à une décision juridictionnelle » et qu’« une décision administrative unilatérale, revêtue de l’autorité de la chose décidée, ne peut relever que du domaine administratif ». La Cour a donc affirmé sa compétence à juger le recours de M. Fabien, rejetant les exceptions d’incompétence soulevées par l’État haïtien et l’Auditorat.
L’affaire a été initiée par une requête du magistrat en date du 30 mars 2023, dans laquelle il dénonçait une décision prise « en dehors des limites de la loi » par un Conseil dont la composition n’était pas complète au moment des faits. « Le CSPJ n’est pas habilité à révoquer un magistrat en exercice au moyen d’une décision unilatérale, en s’appuyant sur des notions vagues et non encadrées par la loi, comme ‘très décrié’ ou ‘absence d’intégrité morale’, » a plaidé son avocat Me Fanfan Guérilus devant la Cour.
L’argumentaire du magistrat a été solidement appuyé par les dispositions constitutionnelles et légales en vigueur, notamment les articles 200 et 200.1 de la Constitution haïtienne, et les articles 5.2, 8, 23.e et 23.k du décret du 23 novembre 2005 sur le fonctionnement de la CSCCA. La Cour a reconnu le statut de M. Fabien comme agent public relevant du service public de la justice, rendant ainsi recevable son recours administratif.
De son côté, l’État haïtien, représenté notamment par Me Françoise Bonhomme et Me Jean-Chenier Gourdet, avait plaidé l’incompétence ratione materiae de la CSCCA, arguant que « la certification relève exclusivement du CSPJ en sa composition plénière » et que « le recours aurait dû être porté devant le Conseil siégeant avec la totalité de ses membres ». Des arguments que la Cour a rejetés en bloc, soulignant que « tant l’État haïtien que l’Auditorat n’ont pas identifié pour la Cour les dispositions dénoncées des décrets qui seraient contraires aux lois postérieures de 2007 ».
Dans son arrêt définitif, la Cour a déclaré illégale la décision du CSPJ du 16 janvier 2023 et a ordonné son annulation, précisant que « les griefs formulés par le Conseil ne sont encadrés par aucun texte de loi et que leur usage dans une décision ayant pour effet d’écarter un magistrat de ses fonctions constitue un excès de pouvoir manifeste ». En conséquence, la CSCCA a ordonné la réintégration de Bredy Fabien dans la magistrature, ainsi que le paiement de ses arriérés de salaire et des privilèges y afférents.
Selon les termes de la décision, « le magistrat, en tant qu’acteur de la comédie sociale, n’aurait de raison d’être s’il était dépourvu de toute intégrité, et la loi ne permet pas à une autorité administrative d’en juger sans encadrement juridique clair. »