PORT-AU-PRINCE, samedi 10 mai 2025 (RHINEWS)— L’ancien Protecteur du Citoyen, Me Renan Hédouville, est au cœur d’un scandale de gestion publique mis en lumière par un rapport d’enquête de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), qui dresse un tableau accablant de son passage à la tête de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC). Ce document, transmis aux autorités compétentes pour suites légales, révèle des pratiques systématiques de mauvaise gouvernance, de favoritisme administratif, de détournement de procédures et d’utilisation abusive de fonds publics, en violation des lois et règlements en vigueur.
Selon le rapport, Me Renan Hédouville s’est illustré par des actes de gestion arbitraire, des irrégularités graves dans l’octroi de contrats de service, dans le versement de primes spéciales et dans la gestion des ressources humaines et logistiques, en particulier du carburant. L’enquête de l’ULCC, conduite selon des méthodologies conformes aux normes d’audit administratif, révèle que l’ex-Protecteur a engagé des contractuels sans respecter les procédures légales. Plusieurs personnes ont été rémunérées sans dossier administratif complet, sans lettre de nomination, ni contrat dûment signé. Certaines d’entre elles ne figuraient ni sur les listes officielles de la fonction publique ni sur les états de présence de l’institution. Le rapport affirme que ces embauches ont été faites en dehors de tout appel à candidatures ou de processus d’évaluation des compétences, ce qui contrevient aux règles établies par la fonction publique haïtienne.
Des faits encore plus graves sont rapportés concernant le paiement de primes spéciales. L’ULCC révèle que Me Hédouville a autorisé le versement de montants allant jusqu’à 150 000 gourdes à des membres spécifiques de son personnel, sans base légale ni justification écrite. Aucun arrêté ministériel ni circulaire interne ne venait encadrer l’attribution de ces sommes, qui ont été distribuées de manière discrétionnaire, souvent à des collaborateurs proches. L’ancien Protecteur s’est également octroyé lui-même certaines de ces primes, en dehors de tout dispositif prévu par les finances publiques, ce qui constitue un manquement grave à l’impartialité et à la probité administrative attendues à ce niveau de responsabilité.
En matière de passation de marchés, le rapport dénonce l’octroi de contrats de service à des fournisseurs non enregistrés auprès de la Direction Générale des Impôts (DGI) et ne répondant à aucun critère de régularité. Les services de nettoyage et de gardiennage de l’OPC ont été confiés à des entités ne figurant dans aucun répertoire légal, sans appel d’offres, et sans production de rapports d’activité ni de pièces justificatives sur l’exécution des tâches convenues. L’ULCC souligne que ces contrats ont été renouvelés à plusieurs reprises, en toute opacité, engageant ainsi des fonds publics au bénéfice d’entreprises fictives ou complaisantes.
Sur le plan logistique, les enquêteurs pointent du doigt une gestion défaillante du carburant mis à disposition de l’institution. Le rapport indique que de grandes quantités de carburant ont été distribuées sans fiches de demande ni registre de suivi. Aucune trace écrite ne permet de savoir à quelles fins précises ces ressources ont été utilisées, ni qui en sont les bénéficiaires finaux. Des bons de carburant ont été émis au nom de personnes extérieures à l’institution, dont l’identité et la fonction restent floues. Il n’existait ni journal de bord des véhicules ni registre kilométrique permettant de contrôler l’usage réel du carburant. Cette absence totale de traçabilité constitue, selon l’ULCC, un facteur de détournement avéré.
Le rapport établit que l’ensemble de ces pratiques traduisent une gestion personnelle de l’institution par Me Renan Hédouville, en rupture complète avec l’esprit et la lettre de la mission dévolue à l’OPC. L’ULCC écrit : « La gestion de Me Renan Hédouville s’est caractérisée par un abus d’autorité et un détournement de l’objet institutionnel de la PDDH au profit de ses intérêts personnels et de ceux de ses proches collaborateurs. » L’institution de contrôle demande que ce dossier soit transféré à la juridiction de droit commun compétente, en vue d’engager les poursuites nécessaires pour détournement de biens publics, gestion irrégulière, favoritisme et enrichissement personnel.
La gravité des accusations est d’autant plus lourde qu’elles visent une autorité dont le mandat institutionnel consistait à promouvoir la transparence, la justice et le respect des droits humains. L’ancien Protecteur du Citoyen, qui s’était positionné comme un défenseur intransigeant de l’intégrité publique, pourrait désormais être poursuivi pour des faits qui ruinent sa crédibilité et jettent le discrédit sur l’OPC. Ce cas met également en lumière les lacunes structurelles dans le système de contrôle interne des institutions autonomes de l’État, et relance le débat sur la nécessité de mécanismes plus stricts de surveillance et d’audit permanents.
L’ULCC, dans ses recommandations, appelle à une réforme profonde des règles de gestion des institutions indépendantes, en insistant sur la transparence dans la nomination des titulaires de postes stratégiques et sur le renforcement du pouvoir de sanction. Elle insiste aussi sur l’urgence d’un suivi judiciaire effectif du dossier Hédouville, afin de restaurer la confiance du public dans la lutte contre la corruption.