WASHINGTON, mercredi 7 mai 2025, (RHINEWS)-Dans une lettre adressée au Secrétaire d’État Marco Rubio, le représentant Gregory W. Meeks, chef de file démocrate de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, et la représentante Sheila Cherfilus-McCormick, co-présidente du Caucus haïtien au Congrès, ont exprimé leur « vive inquiétude » quant à la décision de l’administration américaine de désigner plusieurs gangs haïtiens comme « Foreign Terrorist Organizations (organisations terroristes étrangères) » sans disposer, selon eux, d’un plan stratégique cohérent pour Haïti.
Les deux élus estiment que cette mesure, appliquée en dehors d’une approche globale et coordonnée, pourrait « aggraver involontairement la souffrance des Haïtiens innocents » et renforcer davantage le pouvoir des gangs. « Nous soutenons les efforts visant à assécher le financement des gangs violents qui dévastent la vie des Haïtiens, mais une telle désignation, en l’absence d’une stratégie claire et complète pour vaincre ces gangs et leurs complices, est contre-productive », écrivent-ils.
La lettre, rédigée dans un ton ferme, insiste sur les conséquences juridiques et humanitaires d’une telle mesure. En effet, une désignation FTO impose des sanctions étendues qui pourraient dissuader les ONG et agences internationales d’intervenir, par crainte de poursuites judiciaires. « L’aide humanitaire constitue un rempart essentiel contre l’influence des gangs et leur contrôle de l’économie locale », souligne le document. « Si la désignation FTO entrave la livraison de l’aide dans 85 % de Port-au-Prince ou dans l’Artibonite, ce ne sont pas les gangs qui seront punis, mais le peuple haïtien. »
Les parlementaires rappellent également la recrudescence des maladies telles que le choléra ou la gale, dans un contexte de coupures de financement américain aux programmes de santé. Parmi eux, le projet Improved Health Service Delivery, qui offrait des soins maternels, infantiles, nutritionnels et liés au VIH/sida à plus de trois millions de personnes, dont 20 000 vivant avec le VIH. « De nouvelles coupes dans l’aide humanitaire seraient catastrophiques », avertissent-ils.
Meeks et Cherfilus-McCormick appellent à privilégier d’autres outils juridiques et diplomatiques pour lutter contre la crise. Ils saluent les sanctions du Département du Trésor à l’encontre de l’ancien président Michel Martelly en août 2024 et suggèrent une intensification des sanctions ciblées contre les élites politiques et économiques haïtiennes qui financent et arment les gangs. Ils exhortent notamment le Département d’État à soutenir la proposition de loi bipartisane H.R. 2643, intitulée Haiti Criminal Collusion Transparency Act of 2025, visant à punir les facilitateurs du chaos haïtien tout en préservant l’aide humanitaire.
« Donner la priorité à une désignation FTO, alors que d’autres outils tels que les sanctions ciblées ou une stratégie pour rendre la mission multilatérale efficace ne sont pas encore pleinement utilisés, est une démarche à courte vue », ont-ils dénoncé. Les élus concluent leur lettre en exhortant le Secrétaire Rubio à reconsidérer cette décision, qui selon eux « risque de compromettre davantage la lutte contre les gangs et d’intensifier les souffrances des innocents ».
« Nous soutenons une réponse américaine forte — mais aussi intelligente — à la crise haïtienne », écrivent-ils, insistant sur la nécessité d’une politique équilibrée, à la fois répressive envers les instigateurs de violence et protectrice pour les populations vulnérables.
Alors que le chaos sécuritaire s’amplifie en Haïti et que la communauté internationale peine à coordonner une réponse adaptée, cette prise de position critique des représentants Meeks et Cherfilus-McCormick souligne l’urgence d’une réorientation stratégique de l’administration américaine dans son approche de la crise haïtienne.