Crise en Haïti : des organisations citoyennes interpellent des Prix Nobel pour dénoncer un « génocide silencieux » et la responsabilité de l’ONU…

Charles Herold Civil, Josue Merilien, Esther Eloy et Jean Gardy Brutus, dirigeants de la Centrale Unitaire des Travailleurs des Secteurs Public et Privé d’Haïti (CUTRASEPH)...

PORT-AU-PRINCE, dimanche 27 avril 2025 (RHINEWS)

— Dans une lettre ouverte adressée aux Prix Nobel de la Paix Jody Williams, Adolfo Pérez Esquivel, Shirin Ebadi et Rigoberta Menchú, un collectif de 60 organisations haïtiennes a dénoncé « le génocide silencieux en cours en Haïti » et la « complicité » des Nations Unies, vingt-et-un ans après l’arrivée de la MINUSTAH en 2004.

Les signataires affirment que « loin de stabiliser Haïti, l’ONU a contribué à l’aggravation des crises et à l’effondrement des droits fondamentaux ». Rappelant que le 11 avril 2017, plusieurs Prix Nobel avaient déjà alerté Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, sur la situation en Haïti, la lettre souligne que « huit ans plus tard, la situation a empiré ».

« Depuis 2004, l’ONU a accumulé les échecs et les violations de ses propres engagements », dénoncent les auteurs, évoquant entre autres « l’introduction du choléra par des casques bleus » ayant causé « plus de 30 000 morts », et « l’inaction face au trafic d’armes alimenté en majorité par les États-Unis », comme l’a établi un rapport de l’ONUDC.

Le collectif dresse un réquisitoire sévère contre l’ONU, relevant que plusieurs droits proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sont bafoués : droit à la vie, à la sécurité, à la justice, à la propriété, à l’éducation et à la libre circulation. Ils rappellent qu’entre juillet 2024 et février 2025, « 4239 personnes ont été tuées en Haïti », selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme.

Ils accusent également le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) de passivité : « Le BINUH, censé professionnaliser la Police nationale d’Haïti, a observé sans réagir la fuite massive de policiers vers les États-Unis et l’aggravation de l’insécurité », déplorent-ils, rappelant que « près de 800 policiers ont quitté leurs postes au premier semestre 2023 ».

La lettre critique en outre « l’échec manifeste » de l’arrivée des contingents de police kenyans en 2024, censés restaurer la sécurité. « Neuf mois après leur déploiement, la situation sécuritaire reste dramatique », soulignent les organisations.

S’appuyant sur des données de l’UNICEF, les signataires précisent que « 47 écoles ont été détruites par des gangs armés en janvier 2025 », après 284 destructions en 2024, laissant « des centaines de milliers d’enfants privés d’éducation ».

« L’ONU, loin de protéger Haïti, a favorisé l’effondrement de son système judiciaire, son système éducatif, sa sécurité intérieure et les droits fondamentaux de sa population », conclut la lettre.

Les signataires, parmi lesquels figurent des syndicats, associations de défense des droits humains, réseaux d’enseignants et comités de la diaspora haïtienne, appellent les Prix Nobel à « activer une solidarité internationale agissante pour mettre fin au génocide silencieux » et demandent « la reconnaissance officielle de la responsabilité des Nations Unies dans cette tragédie ».