Les injections de la banque centrale ne pourront pas résoudre durablement le problème de la chute de la gourde, selon l’économiste Michaëlle Paraison

Dollar americain/image d'illustration

Michaëlle PARAISON juge inefficaces les mesures adoptées par la Banque de la République d’Haïti (BRH) pour pallier la chute de la gourde sur le long terme. Selon l’économiste, l’injection n’est pas une fin en soi ; d’autant que celle-ci a ses limites. Pour redresser la situation, Michaëlle PARAISON croit qu’il faut agir sur plusieurs facteurs, notamment la relance de la production nationale, la fin de l’instabilité politique, de la corruption et l’utilisation de la gourde comme monnaie unique sur le territoire national…

Par Michaëlle PARAISON,

 Port-au-Prince, 31 mars 2021- Durant ces trois (3) mois la Banque de la République d’Haïti (BRH) a fait deux (2) injections :

1)Une injection de 150 millions de Dollars Américains sur le marché des changes pour les mois de janvier et de février.

2)Une autre injection de 15 millions de Dollars Américains sur le marché des changes en date du 4 mars 2021 en vue de soutenir l’offre disponible disent les autorités monétaires.

Une fois optée pour ces injections, on a pu constater que le taux de change qui grimpait à une allure vertigineuse a pu retrouver une certaine stabilité mais, une fois épongée les deux montants en question, dans les jours qui suivent on a pu constater une tendance haussière du taux de change et/ou la stabilité de la Gourde n’a pas pu se tenir à long terme.

L’injection faite par la BRH sur le marché des changes peut avoir trois 3) effets :

Un effet annonce, un effet positif, et un effet négatif.

Un effet annonce pourrait être considéré comme un effet pervers car, à l’instant même où l’on annonce qu’on va injecter le montant sur le marché des changes la somme est déjà épongée ;

Un effet positif dans la mesure où elle permet de stabiliser la Gourde à très court terme ; Et un effet négatif si les autorités monétaires ne font pas un contrôle proactif sur la masse monétaire donc, ces dernières ne peuvent pas agir en insuffisance de monnaie ni en excès de monnaie car, toute augmentation de la masse monétaire qui va plus vite que le rythme de la production ne fait que générer de l’inflation.

Il est plus que temps pour que les autorités monétaires sachent que l’injection faite sur le marché des changes, ne peut pas apporter une solution durable au problème de surchauffe eu égard à la montée du Dollar par rapport à la Gourde, et à chaque fois qu’il y a surchauffe on serait dans un perpétuel recommencement ce qui ne va générer des résultats qu’à très court terme donc, ce n’est que du gaspillage.

Puisque l’injection ne vise que la stabilisation de la Gourde à très court terme donc, ça pourrait empêcher la Politique Monétaire d’être crédible et efficace car, dès que le taux de change augmente on serait obligé d’injecter une somme à nouveau sur le marché des changes afin de corriger les déséquilibres qui paraissent les plus importants ce qui nous renvoie à l’effet négatif mentionné précédemment donc, ça restera irrésolu.

L’injection n’est pas une fin en soi, et/ou n’est que le revers de la médaille car, d’une part une fois injectée de la monnaie la Gourde va se stabiliser un peu mais, d’autre part une fois le montant injecté est épongé il va y avoir surchauffe à nouveau sur le marché des changes.

Aujourd’hui la preuve en est bien grande on a besoin de 79.16 Gourdes pour acquérir 1 Dollar sur le marché formel des changes et/ou 98.00 Gourdes pour acquérir 1 Dollar sur le marché informel des changes donc, malgré les interventions des autorités monétaires le taux de change ne cesse de gravir les échelons. Aussi doit-on ajouter que l’injection n’est pas la solution adéquate au Momentum.

Opter pour une démarche de stabilisation totale de la Gourde requiert ces cinq (5) points :

  1. Faire de la Gourde l’unique monnaie en circulation
  2. Augmenter la production nationale
  3. Mettre en place l’autorité de la concurrence, le gendarme du marché, et l’autorité des marchés financiers
  4. Avoir une meilleure maîtrise des mécanismes de fonctionnement du marché des changes informels qui à date représente le talon d’Achille pour la BRH
  5. Sortir de la crise Politique et freiner la Spéculation et la Corruption

Une fois mise en application ces cinq (5) points on pourra s’attendre à une culture de résultats, moyennant que les acteurs concernés jouent pleinement leur rôle.